Web n'est pas Net. J'ai coutume de raconter à mes étudiants que l'époque "contemporaine" du web (= les contenus – et non pas du Net = les tuyaux), commence à partir du moment où l'on dispose d'un protocole de communication entre machines (http), d'un langage de formattage des données (html) et d'un navigateur pour accéder à ces dernières par l'intermédiaire de liens hypertextes.
Il est aujourd'hui assez complexe de décrire ce qu'est réellement le net. Des protocoles de plus en plus nombreux, correspondant à l'essor des applications, lesquelles peuvent être mixées (mash-ups) à l'aide de différents langages de programmation (APIs). Et toujours un des langages (html, xhtml, xml) de plus en plus sémantisés (microformats).
Le Net comme média, le Web comme immédiat. Dernier avatar en date du web ayant eu depuis déjà quelques temps la faveur des utilisateurs et depuis plus récemment celle des médias, le real-time web, le web en temps réel, celui de l'immédiasphère. Ce temps réel est aujourd'hui celui de la diffusion, des accès et des services. On podcaste des émissions de radio en streaming, l'information – toute l'information – est immédiatement disponible sur Twitter avant même de l'être dans les médias "classiques", on considère comme bonne à mettre au rebut une interface qui ne nous donne pas la réponse escomptée en moins de quelques centièmes de seconde. On travaille de plus en plus avec des outils et des services en permanence pré ou post-synchronisés. La synchronie des nos outils illustrant régulièrement l'asynchronie de nos pratiques … et réciproquement.
L'appeau de chagrin. Si au commencement de son époque moderne le Net eut besoin d'espace au sens littéral du terme (notamment pour permettre l'allocation, l'adressage des ressources présentes sur le réseau), le Web a désormais un besoin chronophage de temps, de gagner du temps. L'enjeux pour les quelques sociétés qui se partagent le réseau est de maintenir en adéquation la vitesse nécessaire à l'affichage de contenus de plus en plus "denses" et celle des outils, langages, protocoles et services les supportant. Le déploiement massif d'architectures de type "cloud computing" hébergeant du "Saas" (Software as a Service) est l'un des moyens de maintenir cette adéquation. L'autre est de trouver de nouveaux langages, de nouveaux protocoles.
Or voici qu'en quelques jours, Google :
- annonce qu'il travaille à l'élaboration d'un nouveau protocole, pour l'instant complémentaire au http et baptisé SPDY (pour SPeeDY) : plus rapide, capable de gérer la latence de flux multiples de données et de prioriser un certain nombre de tâches (= quel "paquet" de données transmettre en priorité)
- annonce qu'il lance un nouveau langage de programmation, baptisé "Go" et qui "combine la vitesse de développement quand on programme avec un
langage dynamique comme Python avec l'efficacité et la sécurité des
langages compilés comme C ou C++". Là encore, c'est principalement la "vitesse" (d'exécution et de "correction") qui est au centre (pour tout savoir, lisez le billet – et les commentaires – chez FredCavazza)
Contrairement à Fred Cavazza je ne croie pas que Google "se disperse" ou cherche à "faire diversion" pour "masquer un plan plus ambitieux". Bien au contraire, je croie que Google a une approche cénesthésique du Web ET du Net. Il prépare, il se prépare, il nous prépare à l'évènement du Web et du Net de demain. Les mêmes Web et Net qui doivent faire face à des entreprises de plus en plus régulatrices (et castratrices) en provenance des états. Il nous offre également les outils et les technologies qui rendent notre claustration, notre dépendance à ses services, les plus confortables possible.
Internet : Net (Réseaux + protocoles + langages) + Web (navigateurs + applications + serveurs)
Nonobstant l'énormité actuelle de la firme et son poids "culturel" dans chacun de nos usages connectés, lui manquaient encore quelques pièces maîtresses de ce puzzle momentanément achevé en reconfiguration constante qu'est le réseau. C'est ce soir deux pièces pas encore maîtresses mais au fort potentiel de développement qui viennent parachever un ensemble dont la cohérence tient lieu d'évidence.
Puissance métonymique de frappe. La puissance métonymique de Google vient encore de frapper. La partie pour le tout. Hier : faire une recherche sur Google signifiant faire une recherche sur le web. Fin de partie. Demain : aller sur Google signifiant aller sur internet ?
« aller sur Google signifiant aller sur internet ?» Pourrait-on dire que métaphoriquement c’était le cas déjà. Aller sur le web sans moteur ne peut rien signifier pour la plupart de gens.
C’est effectivement un passage de la métaphore à la réalité (le concept qui se faire chair) qui est en train de se passer…
«Google a pour mission d’organiser les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous.» On dirait que les mots varient en sens chaque jour… Bien vu!