Voilà déjà plus de deux ans et demi que j’évoquais dans un billet la notion de « science 2.0 », ratant du même coup une carrière de marketing manager. Depuis deux ans et demi, il s’est passé bien des choses : des communautés ont émergées, elles se sont structurées, principalement mais non exclusivement autour de l’offre des réseaux sociaux académiques (voir cette présentation pour quelques exemples, tendance par ailleurs récemment confirmée par cet article du SFChronicle). La pratique des « blogs de science » se banalise (trop) lentement mais sûrement. L’usage des wikis comme outil de travail s’il est encore loin d ‘être courant, n’est en tout cas plus considéré comme une hérésie. Et même si les institutions peinent encore à saisir les modalités ou la « philosophie » de cette science 2.0, s’exposant ainsi à de pathétiques ratages, on sort, festina lente, de « l’ère des pionniers ».
Des habitus individuels de chaque chercheur aux pratiques collectives de champs disciplinaires entiers, c’est bien toute la science qui devient plus ouverte, plus collaborative, davantage tournée vers la société civile, et finalement bien plus aimable.
Petite revue de textes, articles et réflexions pour mieux « comprendre » le mouvement amorcé :
- « La communication scientifique face au Web2.0 : Premiers constats et analyse » de Ghislaine Chartron et Evelyne Broudoux, qui se termine sur 2 vraies questions et – à mon sens – une petite taquinerie (mesquinerie ?) : « Le durcissement actuel de l’évaluation de l’activité scientifique n’est-il pas un frein majeur à l’ouverture des systèmes de lecture et d’écriture des travaux scientifiques ?
(…) Quelles sont les dérives de la communication médiatisée par la technique ? (…) Le cercle vertueux procuré par la « présence Web2.0 » des scientifiques sur le net ne se traduit-il pas essentiellement par un certain nombre d’invitations, de sollicitations à des conférences et à l’écriture d’articles, ces effets positifs participent-ils au renouvellement du débat d’idées ? » - « Chercheurs 2.0 ? » de Gabriel Gallezot et Olivier Le Deuff.
Les seules vraies questions de la science 2.0. Ces deux – excellents – articles reviennent notamment sur les deux points qui « posent problème » et qui détermineront de quoi sera faite la science de demain : celui de l’évaluation par les pairs (et la manière dont elle peut ou non évoluer vers davantage de transparence et d’ouverture … voir l’exemple du poisson-pilote), et celui des nouvelles métries (et la manière dont elles complèteront et/ou se substitueront aux actuels indicateurs scientifiques). Sur ces deux points décisifs, ce sont principalement les revues qui auront à supporter l’ampleur des changements ou la force de l’intertie. A ce sujet on pourra relire : « De la numérisation des revues à leur déconstruction numérique. » de JM Noyer, G Gallezot, O Ertzscheid et G Chartron … à leur nécessaire déconstruction numérique.
<Nota-Bene>Sur ce terrain, les « majors de l’industrie de la publication scientifique » tentent d’occuper le terrain avec des initiatives par ailleurs intéressantes, dont celle d’Elsevier pour imaginer « l’article scientifique du futur », mais qui ne doivent pas pour autant faire oublier leurs autres initiatives, dont les plus alarmantes sont à l’échelle exacte de leur politique tarifaire.</Nota-Bene>
Ne pas cantonner la science 2.0 à la valorisation de la science 1.0. La science 2.0 n’est pas la valorisation de la science. En tout cas pas uniquement. Pour la valorisation, pour l’ouverture aux publics on dispose d’outils chaque jour plus puissants, toujours davantage vecteurs d’attention. Dernier en date : YouTube.edu (voir l’article d’Educpros à son sujet). Youtube n’est – heureusement – pas seul, et le Collège de France lui préfère par exemple DailyMotion pour diffuser plus de 900 heures de cours. Des outils propriétaires qui déportent « nos » contenus dans « leurs nuages » … épineuse question déjà largement débattue et illustrée mais chaque jour plus cruciale. Il faudra bien un jour accepter de poser au plus haut niveau de l’état la question de la centralisation et de la diffusion de ces immenses silos scientifiques. Et si l’état ne le souhaite pas – autonomie oblige – qu’il donne au moins mandat (et financement dédié) à 2 ou 3 universités pour accomplir ce travail.
A la marge pour l’instant, la question de ces « nouvelles salles de classe internationales » finira bien également par poser le problème de la reconfiguration nécessaire des actuelles salles de classe nationales. Là encore, espérons que l’on ne jette pas trop hâtivement le bébé du présentiel et de l’accompagnement IRL avec l’eau du bain du numérique et de la formation à distance (d’autant que les bonnes pratiques en la matière ne sont pas encore monnaie courante …)
Mais il est clair que la pratique même de l’enseignement est chaque jour davantage heurtée par l’accessibilité et la visibilité de ces nouveaux gisements de savoirs académiques.
Ne pas confondre la science 2.0 avec la communication institutionnelle 2.0. Mais ne pas négliger non plus les outils du web contributif pour y laisser l’empreinte numérique de son institution. Sur le comment faire, voir notamment ici.
Je signalais ici : http://lafeuille.homo-numericus.net/2009/11/safari-la-librairie-dans-les-nuages.html
deux choses à ajouter à ce billet : http://blogs.bmj.com/bmj/2009/11/02/richard-smith-the-beginning-of-the-end-for-impact-factors-and-journals/
Et ceci : http://www.deepdyve.com
Pour info, depuis 2005 je fais aussi une petite veille sur les usages et les outils collaboratifs dans les sciences. Certains liens vous intéresseront peut être:
http://delicious.com/wikilious/science2.0