Je soumets à votre sagacité les quelques lignes ci-dessous, reçues aujourd'hui par mail, et envoyées – à moi donc et – à l'ensemble des collègues de mon laboratoire de recherche (le mail initial provient de la "division des affaires financières" de mon université de rattachement). On peut y lire ceci, texto :
- "Bonjour,
Conformément à ce qui était annoncé dans le cadre de la préparation du budget 2010 en ce qui concerne l'investissement, un nouvel appel à projets est lancé afin d'utiliser pleinement les crédits issus des retours sur amortissement permettant de financer les nouveaux investissements."
J'avoue avoir eu besoin d'un peu plus que mes capacités intellectuelles normales pour arriver à déchiffrer toute la portée de ce sybillin message. J'avoue encore, toute perplexité bue après sa énième lecture, en avoir aperçu toute la portée shadockienne. J'ai dès lors effectué ma mue pour devenir un "sherdock", c'est à dire pour demeurer un chercheur tout en pensant comme un shadock ; Et ce fut la révélation. Tel un Claudel illuminé par la foi aux vêpres de Notre-Dame(**), je pensai, je fus et je devins un chercheur-shadock ! L'immanence du message de la direction des affaires financières m'apparut alors dans toute sa splendeur.
Je fus, je devins et je suis un chercheur-shadock pompant et pompant encore sur la pompe à phynance de l'investissement, un chercheur-shadock pompant pour pomper des projets, un chercheur-shadock pompant derechef pour que son shadoratoire (= laboratoire shadock) ne se trouve par, par un brutal arrêt de pompe, privé du bénéfice des "crédits issus des retours sur amortissement", un chercheur-shadock pompant hardi, hardi, pour que lesdits crédits dudit retour sur amortissement permettent à son shadoratoire "de financer les nouveaux investissement", nouveaux investissements qui à leur tour génèreront du retour sur amortissement qui à son tour et via un nouvel appel à projet permettra de financer de nouveaux investissements qui à leur tour … pour des siècles et des siècles. Amen.
Puis éreinté par une journée de pompage pareille à tant d'autres, je suis allé me coucher, priant le Très Saint Kafka et l'immaculée Mère Ubu que tout cela ne soit pas un rêve et que, pour la gloire de la division des affaires phynancières de mon université et la survie de mon shadoratoire, priant disais-je, pour que demain soit, en vertu de pompage, pareil à aujourd'hui.
cher collègue
tu as oublié de copier la suite du message : ces nouvelles dotations ne seront pas elles-mêmes génératrices d’amortissement, ou du moins, la présidence modeste et géniale du centre-ville prend en charge ces amortissements (ils viennent de réaliser que tout le monde a compris que ces amortissements sont pires qu’une carte cofinoga : tu paies ton équipement plus tard, et tu ne peux absolument pas justifier ces dépenses à l’ANR ou autre phynanceur sélectif, donc big caca, nous sommes bien d’accord).
A quand un petit billet pour raconter comment notre nouvel agent comptable ne veut plus qu’on prenne notre billet de train nous-même quand c’est plus facile, sans omettre les prélèvements de 10euros par clic de souris que notre agence de voyage titulaire du marché facture… Ah, pourquoi ne nous appelle t-on par « le service éducatif » et « le service de recherche », qui seraient des composantes périphériques au service des missions centrales de l’université : remplir des formulaires excel foireux, faire des tableaux de bord d’indicateurs (V de Gaulejac disait tout il y a 15 ans) et communiquer pour être visible et lisible (accessoirement, risible).
effectivement,
il y aurait tant à dire …
je pense cependant en dire suffisamment en mon nom propre et sans aucun anonymat pour pouvoir un peu laisser la parole à d’autres 🙂