100 ans d'histoire des bibliothèques. Résumées en 2 tweets. Les 50 dernières années. Et les 50 prochaines.
Voici.
Tout y est.
Lui : "bientôt les jeunes et les plus modestes pourront emprunter des CDs gratuitement dans les bibliothèques parisiennes."
L'autre : "ce mec est vraiment sérieux ? Des CD's ? Pourquoi pas des cartes perforées ?"
Dialogue de sourd. Dialectique de l'aveugle et du malvoyant.
La question de l'équipement. La question de la culture. La question de l'accès. La question de la gratuité. La question du public. La question du temps qui passe. Qui passe sur les équipements, sur ce qui fait culture, sur les modèles de gratuité, sur les publics.
Bien sûr il faut pouvoir permettre aux plus modestes d'emprunter des CDs gratuitement. Bien sûr (et heureusement) nombre de bibliothèques le font déjà. Reste bien sûr à savoir quels CDs. Quels "fonds" documentaires.
Et bien sûr comment, quand on connaît pour les avoir fréquenté la pauvreté desdits fonds de CDs desdites bibliothèques ou médiathèques, comment, quand on observe aujourd'hui les modes de consommation (streaming, abonnement), comment, quand on est aujourd'hui mis devant le fait accompli que les nouvelles gammes d'ordinateur ne possèdent plus de lecteur CD, que les tablettes n'en ont jamais possédé et n'en possèderont jamais, comment ne pas sourire, comment ne pas avoir le sourire navré devant cette annonce qui, oui, pourtant, reste bien l'une des missions des bibliothèques ?
50 ans que l'on se pose les mêmes questions en bibliothèques. Livres, CD, K7, CD-Rom, disquettes, VHS, ordinateurs, tous les supports y ont eu droit. Tous les supports y sont passés. Et aujourd'hui certains se demandent encore "faut-il prêter des tablettes" ? Et aujourd'hui des saloperies de DRM empêchent de prêter des livres numériques à plusieurs utilisateurs en même temps. Tu parles d'une dématérialisation ! Et aujourd'hui quand une offre parfaitement légale, parfaitement sans saloperies de DRM foutraques, et en plus contemporaine, et en plus qui ne prend pas les collectivités concernées pour une pompe à phynance, et aujourd'hui quand Publie.net existe, combien le chemin est pourtant long, lent, difficile, jamais acquis.
Il y a ce qu'on se demande aujourd'hui. Et ce qu'on se demandera demain, enfin … Faut-il prêter du flux, de l'abonnement, du streaming ? On se le demandera bien sûr trop tard. Mais on se le demandera. On ne peut pas demander aux bibliothèques de se poser les questions trop tôt. Ni même "à temps". Ni même "dans les temps". Elles n'ont pas le temps. Elles ne l'ont jamais eu. Mais elles sont toujours là. Elles l'ont presque toujours été.
Alors on efface le petit sourire moqueur. Et on devient exigeant. Parce que qui aime bien châtie bien. Et que du châtiment au crime il n'y a que l'espace d'un roman, qui tient sur une disquette, sur un CD-Rom, sur une tablette, qui est quelque part dans le flux. On s'en fout du support. Il n'est qu'accessoire. Prêtons aux gens les accessoires. Mais n'oublions pas l'essentiel. L'espace de ce roman. Faisons une offre. Faisons un pari. Soyons exigeants. Collectivement.
Tu prends des risques…
Ce type de discours de ma part a fait qu’une présidente d’association professionnelle a aussitôt sauté sur son Facebook pour affirmer qu’elle était « scandalisée que des conservateurs de biblitohèques tiennent de tels propos ! », approuvée par ses nombreux amis qui en ont rajouté dans l’agressivité.
La seule nuance, de la part d’un conservateur expérimenté, a été d’affirmer que « toute personne peut dire une connerie » et qu’il fallait donc m’excuser.
Comme on le voit, il y a encore du boulot…
Oui j’ai vu ça 🙂 Mais étant « extérieur » au monde feutré des bibs, je ne prends aucun risque. Sauf celui de (re)lancer un débat, ce qui est le but 😉
« Pas d’opinion sans sondage ». Peut-être serait-il bon parfois, avant d’asséner des vérités attrapées dans l’air du temps d’y regarder d’un peu plus près.
ça tombe bien l’ACIM propose un dossier « statistiques sur la musique en bibliothèque, le marché du disque, et les pratiques musicales (édition 2014) » http://www.acim.asso.fr/2014/06/dossier-statistiques-sur-la-musique-en-bibliotheque-le-marche-du-disque-et-les-pratiques-musicales-edition-2013/
Utile pour sortir du confort du prêt-à-penser, et dissiper quelques clichés 🙂
PS : L’ACIM diffuse aujourd’hui un communiqué préconisant un seul tarif de prêt pour tous les documents quelque soit le support, ainsi que la gratuité de préférence. Cette prise de position est étayée de références bibliographiques concernant la gratuité http://www.acim.asso.fr/2014/12/communique-lacim-preconise-un-seul-tarif-de-pret-pour-tous-les-documents-quelque-soit-le-support-ainsi-que-la-gratuite-de-preference/
Je ne pense pas pour ma part que la démocratisation culturelle et l’éducation artistique et culturelle soient des concepts dépassés. Mais qui sait…
Bonjour,
Oui j’ai rendu public des propos qui l’étaient déjà. Afin de susciter un débat car comment ne pas réagir lorsqu’un conservateur de bibliothèques « s’étonne que les ayant-droits n’aient pas encore eu la peau des bibliothèques » Un conservateur qui explique à un élu que « le prêt se fera hors de tout cadre légal » On se demande qui veut la peau de qui ? Quel est le but de ce genre de déclarations ? Question que j’ai posée et qui attend encore sa réponse.
Oui on peut dire des conneries et s’en excuser après, ce qui n’est pas votre cas, mais heureusement des conservateurs expérimentés le font pour vous.
Je confirme il y a encore du boulot, mais au sein même de nos représentations.
Olivier : le problème n’est pas que le monde des bibliothèques soit « feutré » mais qu’il soit complètement refermé sur lui-même.
Comme je disais à ce petit monde sur Twitter, les ordinateurs actuels n’ont plus de lecteur CD, les voitures n’en ont plus, le BHV a fermé son rayon… Et néanmoins on passe pour un traître à la cause en disant que le CD va disparaître (idée banale, pourtant). On se retrouve donc avec des phrases comme ci-dessus : « Je ne pense pas pour ma part que la démocratisation culturelle et l’éducation artistique et culturelle soient des concepts dépassés ». Comme elle n’a rien à voir avec quoi que ce soit, on imagine que, dans la tête de son auteur, dire que les CD ne sont pas un support d’avenir signifie penser que la démocratisation culturelle et l’éducation artistique et culturelle sont dépassés.
On atteint tout de même des sommets de confusion.
Bref, nos bibliothécaires de lecture publique se mettent à ressembler à ces grands-parents au matin de Noël, qui cherchent vraiment à bien faire, sont foncièrement gentils… mais juste à côté de la plaque. Papy a offert un beau CD à sa petite-fille. Papa doit la rassurer sans froisser papy, il lui chuchote : « si ça te plaît, je te le mettrai en MP3 sur ton portable, et sinon je le garderai pour moi et tu me diras ce que tu veux à la place ».
Cela fait 10 ans qu’on nous annonce que le cd va disparaître…. curieusement il existe toujours. Ça c’est un fait et pas une supposition. Toujours est il qu’une fois qu’on affirme que le support est dépassé, qu’est ce qu’on propose à la place pour continuer à offrir de la musique en bibliothèque? Je suis curieuse de lire vos propositions. Pour l’instant le cd reste le meilleurs moyen pour proposer une offre musicale plurielle et de qualité à nos publics. Mais je suis ouverte à toutes les idées. Je vous souhaite de belles découvertes musicales sur votre tablette 😉
La BNF, un endroit où t’es en contact avec le public tous les jours… De plus, avant d’être dans l’avenir, il faudrait penser à être dans le présent.
J’ajoute une chose. Avant de railler l’acharnement des discothécaires à défendre la présence de la musique dand les établissement de « lecture publique » (ce terme… décidément), je vous suggère de faire une chose simple : de reprendre les statistiques de prêts et de comparer les taux de rotations des cd avec ceux des livres…. juste pour voir. Dans cette époque où la rentabilité est le maître mot je pense que vous pourriez avoir des surprises et peut être cesser de ricaner sur la base d’idées toutes faites. Vous pouvez pousser plus loin et calculer le véritable coup d’utilisation des services de streaming qui fonctionnent tellement mieux en bib que les prêts de cd. Bonne continuation.
Qu’on ne se méprenne pas, ce qui se joue ici n’est pas la querelle des anciens et des modernes, entre les forcément ringards défenseurs des supports physiques (merci cher RM pour la métaphore délicieuse des papis gâteux :-)) et les forcément cool promoteurs des accès numériques. Il s’agit plutôt de la juste revendication à la légitimité des supports audio-visuels à avoir leur place en bibliothèque (je préfère d’ailleurs le terme de médiathèque) au même titre que les supports imprimés. Mais comme on le voit cette légitimité reste encore contestée sous le fallacieux masque de la modernité. Les phonogrammes et vidéogrammes, ce n’est pas une découverte, n’ont jamais été tout à fait légitimes en bibliothèque. En cela la dématérialisation des supports physiques peut paraître pour certains une véritable aubaine : purgeons enfin la bibliothèque des « non-livres » (non-book materials)!
Une chose est sûre : je ne sais pas à quoi est payé « RM » mais en tout cas il a beaucoup de temps libre ! Notamment pour s’amuser à essayer de monter les professionnels des médiathèques les uns contre les autres.
– Fabien Ratz
Alors la mamie gâteuse de 27 ans que je suis reste assez perplexe devant tant de mépris concernant non seulement la profession mais aussi envers le public… vous savez, ces usagers qui continuent d’emprunter des disques malgré tout (sûrement sous la contrainte…). Vous pensez que nous sommes réfractaires aux nouveaux moyens juste parce que nous défendons nos collections de CD? Vous pensez peut-être aussi que nous travaillons toujours sur un minitel et que nous correspondons par télégrammes? Et la réalité sociale et économique, vous en faites quoi?
Je travaille dans un département qui n’est pas entièrement couvert par le numérique et dont la population est pauvre et au chômage, et qui ne peut pas se permettre d’avoir un ordinateur/tablette ni même un accès à internet. La médiathèque serait un bon moyen de pallier à cela? c’est oublié les restrictions budgétaires de toutes parts et le coût excessif pour équiper une structure (voire un réseau de médiathèques). Alors quoi? Parce qu’il ne faut pas être « ringard », qu’il faut « innover », on bazarde tout pour n’importe quoi du moment que ça brille? Je rejoins Nath, montrez-nous des offres comparables de qualité et à un coût raisonnable plutôt que de tout nous mettre sur le dos en vous donnant la part belle comme les valeureux aventuriers de l’innovation !
Dernière chose : eu égard à votre position et votre pouvoir dans cette corporation, monsieur, nommer les gens que l’on incrimine publiquement me parait la moindre des politesses.
J’aime tout particulièrement l’opposition subtile entre la « présidente d’association » qui « saute sur son Facebook » et le « conservateur expérimenté » seul apte à « nuancer ». Sur ce je vous laisse à vos fonctions, quelles qu’elles soient, et pour de bon j’espère.
Fabien Ratz
Bonjour,
Je citerais juste un cas d’école pour illustrer les conséquences des jugements hâtifs en matière de destinée des supports physiques en médiathèque…
La médiathèque du Chesnay a ouvert sans CD musicaux il y a 4 ou 5 ans en pensant mettre à disposition une offre musicale « moderne » (dans la novlangue du XXIe siècle, moderne = numérique et dématérialisée). Mais cette offre n’a pas rencontré son public pour différentes raisons (offre destinée aux médiathèques non concurrente au regard de l’offre illégale, difficulté d’accès des ressources, méconnaissance des pratiques des publics, manque de savoir-faire des bibliothécaire dans la mise en valeur des ressources dématérialisées…).
Résultat : l’offre dématérialisée a été peu à peu abandonnée, la médiathèque se retrouvant quasiment sans musique. Une de ses missions essentielles n’était plus remplie quand d’autres médiathèques résolument has been continuaient de voir sortir leurs collections de CD. Pourquoi ? Parce que ça correspond encore à des usages persistants et que la matérialité du support est un des moyens les plus faciles de mise en valeur d’une oeuvre culturelle dans un espace physique.
De mon point de vue, même s’il faut évidemment développer la médiation sur les ressources dématérialisées(intégrées aux collections ou disponibles en ligne), sur place et surtout en ligne, il est encore trop tôt pour évacuer certains supports physiques, CD en tête.
Ceci étant, la nature du support devrait être secondaire dans nos réflexions. L’essentiel, c’est bien de se demander comment mettre à portée la richesse culturelle de la création musicale auprès du plus grand nombre et compte tenu de la diversité des usages, des contextes sociaux, culturels, économiques, territoriaux. Pour tel public, sur tel type d’oeuvre, quel support conviendrait mieux, quel mode de médiation ? Malgré le formidable développement des usages numériques, de nombreuses configurations sont possibles. Il est nécessaire de toutes les considérer.
ps : mes infos datant un peu, si quelqu’un du Chesnay peut corroborer ou contre-argumenter, dire si la situation a évolué, ça ne pourra qu’enrichir le débat 🙂
Une chose est certaine, cher Olivier Ertzscheid : les bibliothèques et leur destin suscitent beaucoup de commentaires, beaucoup de débats, beaucoup d’espoir et beaucoup d’attente.
Une autre chose est sûre, et elle est même certaine : vous pontifiez sur ce que vous ne connaissez pas, et vos lecteurs ne se privent pas de vous le dire. Vous ignorez ce qu’est un CD, vous ne savez pas ce qu’est un livre, en bibliothèque publique vous ne vous rendez jamais (vos trois derniers, espérons qu’ils seront les trois ultimes, billets le démontrent suffisamment), vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est un utilisateur.
Enfermé dans votre tour d’ivoire méprisante de petit marquis de la science internautique, vous ne parlez qu’à vos semblables, parce que vous ne parlez que de vous et de vos semblables. C’est dommage, on vous a connu plus pertinent et plus stimulant. Comme quoi tout n’est pas perdu : il vous suffirait de reprendre contact avec le réel…
Pour essayer de ne pas rentrer dans une avalanche de propos méprisants, pour ne pas redire non plus ce qui a déjà été dit très justement par Mediamus, qui s’appuie sur des chiffres, ou par Julien Teisseire, qui s’appuie sur des expériences réelles, je ne comprends pas non plus cette réaction.
D’une part, je ne comprends pas, quand on est conservateur et qu’à fortiori, on a appris un minimum la gestion de l’humain, on puisse s’étonner d’avoir des réactions de ce type de la part de discothécaires qui se battent pour faire leur métier, et qu’on continue, et c’est très clair, à mépriser de la sorte. Accuser les discothécaires de passéisme, c’est un comble ! Qui mieux que les discos expérimentent dans les médiathèques depuis 10 ou 15 ans, essayent de prendre le tournant du numérique ? Certes il y a encore du chemin à faire, pour reprendre les propos de M. Mathis, mais je ne pense pas que nous soyons contre cette évolution. Nous subissons, par contre, les affres de choix politiques et d’absences de législations catastrophiques, dont VOUS, les conservateurs, êtes les premiers leviers possibles vers une amélioration.
D’autre part, le topic à la base traite du passage (à minima en plus), des collections CD vers la gratuité. Cela fait 20 ans que cela aurait du être réalisé. Plutôt que se réjouir non pas d’une avancée mais d’une petite mise à jour vers plus d’égalité et de pertinence dans l’offre au public, vous vous gaussez de la chose… oui c’est tardif, mais enfin, ca va dans le droit chemin ! Que voulez vous qu’on fasse des collections CD désormais constituées, on ne va pas les mettre dans des containers poubelles, donc si elles ne servent plus à rien, autant les rendre gratuites non ?
Enfin, j’aimerais beaucoup, connaitre vos prérogatives vers une meilleure offre de collections musicales à destination de public des médiathèques. Comme illustré avec brio au Chesnay, des tentatives ont déjà eu lieu, toutes soldées par des échecs (et à quel coût !). Il n’y a encore que quelques mois, j’ai recu un coup de téléphone d’une directrice de médiathèque qui venait me demander des informations sur la constitution de mon fonds CD (réalisé cette année) dans le cadre de l’ouverture de notre médiathèque. Bizarrement, chez elle, les gens demandaient toujours des CD. Parmi eux, certains avaient moins de 70 ans, elle me l’a assuré. Ici, notre fonds marche extrêmement bien aussi. Nos offres numériques elles, s’écroulent.
Peut être que les discothécaires réagissent aussi à vos propos car ils inscrivent leur travail sur le moyen terme, au delà de décision prise dans l’urgence, et qu’ils constatent que pour l’instant, malgré ce qu’ils entendent tous les jours, personne n’est en mesure de proposer une alternative plus efficace que ce qu’ils font depuis 15 ans.
Bonjour Armand, relisez mon billet et vous verrez qu’il est bien plus pondéré (et moins pontifiant) que votre commentaire. Paix et amour.
« quand on est conservateur et qu’à fortiori, on a appris un minimum la gestion de l’humain » Lol
« législations catastrophiques, dont VOUS, les conservateurs, êtes les premiers leviers possibles vers une amélioration. » Relol
Y’a même des bibs qui téléchargent de la musique (en licence « libre ») pour la graver sur des CD (ou les mettre sur des clés USB) et les prêter. Pas parce que ce sont des papys rétrogrades mais parce qu’ils ont trouvé que c’était un moyen comme un autre de promouvoir et valoriser une offre musicale.