Quand les étudiants #CM aident le gouvernement à gérer la comm de crise de #LoiTravail

Episode 2. Après avoir analysé et décortiqué les causes de la "crise" suscitée par la création du compte @loitravail sur Twitter, voici, comme promis les réponses des étudiants de la licence pro community manager aux deux questions suivantes :

  • qu'aurait-il fallu faire ?
  • et maintenant on fait quoi ?

Qu'aurait-il fallu faire ?

#PasUnBoulotDeStagiaire. Parmi les recommandations qui font l'unanimité, naturellement la question de la compétence puisqu'il semble que le compte @loitravail ait été alimenté par une stagiaire. Non pas que les stagiaires soient incompétents, mais dans ce cadre de dossier chaud, c'est très indélicat et risqué de confier les clés du camion à quelqu'un d'autre qu'à un professionnel.

#PasDeKikouLOL. Oui on parle du "ton". Projet de loi, sujet sérieux, implications sociétales très lourdes. On n'est pas là pour déconner. On écoute la chronique de Sophia Aram

#Anticiper. Ben oui. La polémique enflait déjà, la pétition battait déjà des records historiques. Dans le cadre de ce contexte de communication, lorsque l'on sait qu'un tel type d'avant-projet de loi va nécessairement susciter des réactions pour le moins véhémentes, on occupe le terrain dès le départ. Pas lorsqu'il est trop tard et que l'incendie est déjà déclaré. Donc il aurait fallu anticiper et créer différents comptes (a minima sur Twitter et Facebook) pour commencer à diffuser un certain nombre d'informations susceptibles de désamorcer les principaux points de tension qui vont cristalliser l'attention et les mécontentements (notamment sur la question du licenciement).

#Diversifier. Twitter et Facebook sont certes des attracteurs "naturels" mais il aurait été utile de multiplier (pour diluer la cristallisation des mécontentements) les possibilités de dialogue, par exemple au travers d'un site "collaboratif" (piloté par le gouvernement) sur lequel les gens auraient eu la possibilité de s'exprimer, et d'avoir des réponses. Se servir, là encore dès le début, de ces différents supports pour répondre aux interrogations ou aux mécontentements sous la forme de FAQs thématisées et non uniquement sous la forme d'un Vrai/Faux malhabile. L'autre intérêt est de garder un minimum de "contrôle" et "d'aiguiller" la contestation vers une plateforme sur laquelle on a la main.

#Assumer. C'est-à-dire "faire parler" non pas un compte @loitravail mais les différents comptes officiels du gouvernement, du ministère du travail et de Myriam El Khomri, via leurs comptes Twitter.

#Editorialiser. Editorialiser c'est choisir. Choisir une ligne éditoriale claire qui continue de faire cruellement défaut. Pour l'instant, et mis à part les 2 tweets initiaux, ce compte pourrait parfaitement être alimenté par un quelconque bot. Plusieurs lignes éditoriales sont possibles. Par exemple afficher clairement son intention de répondre à tous types de questions autour du projet de loi. Et … et le faire. Par exemple aussi, choisir clairement entre un positionnement "éclaircissements" et un positionnement "débat". Puisqu'il s'agit ici d'une forme de gestion de la relation client (ou usager ou citoyen), le plus opportun est clairement d'éviter le débat et de favoriser les éclaircissements, mais par le biais de la vraie discussion et pas uniquement en republiant des liens ou des gifs déjà disponibles sur d'autres supports / médias.

#Expertiser. Ne pas parler d'une seule voie / voix gouvernementale. Se débrouiller (en anticipant et en réagissant) pour "faire parler" des gens issus de la société civile en soutien à la loi (économistes, sociologues, travailleurs, cadres, etc.). L'objectif, même s'ils seront probablement étiquetés "à droite" est de diluer un peu les prises de position très visibles et très en amont du Medef et autres grands patrons. Bref tenter de trouver une nouvelle voie de légitimation du débat au travers de la parole de ces experts en privilégiant les individualités plutôt que les collectifs supposément représentatifs ou déjà décrédibilisés par leur ancrage ou leurs liens avec les organisations patronales.

#DéplacerLaPolarisation. Par exemple en reprenant (RT) les déclarations d'élus et de membres du gouvernement quand ceux-ci parlent (en bien) du projet de loi. Comme le dit très bien un étudiant, "Cela permet de relayer le message d'un point de vue politique, moins pratique et technique que dans les réponses du compte @loitravail. Cette prise de parole valorisant le projet de loi n'est alors plus celle du compte officiel mais celle de ministres et de parlementaires et si des protestations ont lieu, elles prendront place dans les réponses des tweets et sur les comptes des personnalités politiques retweetées et non pas dans les discussions du compte @loitravail. Ce qui permet à la fois de déplacer la polarisation de l'attention sur un seul compte mais aussi de diversifier les angles et les stratégies de réponse possible."

#Raconter1histoire. Faire du Storytelling. Si ce projet de loi a bien les vertus qu'il est supposé avoir, il ne devrait pas être très difficile de raconter l'histoire de chômeurs, de gens en difficulté face à l'emploi et la manière dont les dispositions dudit projet de loi permettront de les ramener vers ledit emploi ou de leur donner un accès plus facile et davantage de garanties dans leur situation professionnelle.

#TyrannieDesAgissants. Phénomène classique très bien décrit par – notamment – Dominique Cardon. Ce sont ceux qui parlent / agissent le plus sur les réseaux sociaux qui bénéficient d'un phénomène naturel de surexposition. D'où l'intérêt d'une communication pro-active et dans le bon timing. Soit l'exact inverse de la stratégie du gouvernement sur cette affaire.

#AccidentDomestique. Un étudiant a également évoqué la possibilité (tout en reconnaissant immédiatement que ce serait in fine une très mauvaise idée) de simuler un "hackage" de compte et de passer à autre chose. Mauvaise idée puisque personne ne serait dupe. En même temps personne n'est à l'abri d'un accident domestique, du coup …

 

Et maintenant on fait quoi ?

#Pardon. Ben oui c'est comme ça, a minima quand on fait une bourde sur #lérézosocio on le reconnaît. Et on s'en excuse. Rapidement. Or à ce jour, dans les 40 tweets (sic) du compte, aucune excuse.

#Désambiguïser. Surtout on ne vire pas la stagiaire 🙂 Mais on explique et on raconte pourquoi et comment elle s'est retrouvée à gérer ce compte. Et on en profite pour rajouter une couche de #meaculpa.

#OnPleure. Ben oui parce qu'à un tel niveau d'accumulation de bourdes, à part s'excuser et pleurer …

#OnchangeDeTon. On change de ton. ON CHANGE DE TON.

#OnRépond. Si on se lance sur Twitter, l'intérêt n'est pas d'avoir une communication "vitrine", c'est à dire de reprendre des éléments de langage (ou des gifs animés) déjà disponibles et publiés sur le site du gouvernement ou ailleurs mais de dialoguer et de répondre aux internautes contents ou mécontents. Pour l'instant la communication du compte @loitravail a certes arrêté le #KikouLol mais se contente de reposter des éléments de langage très "plats" et n'entre absolument pas dans des logiques d'interaction. 

#PayPeanutsGetMonkeys. Les gens sont éduqués. Et en plus le sujet #loitravail les intéresse. Donc ils ont déjà plein d'infos, ils se renseignent, ils apprennent, et surtout ils vivent des situations de précarité de plus en plus grandes. Donc on s'efforce de produire de la documentation, de s'appuyer et de valoriser des articles et des travaux de sociologues du travail (par exemple).

#EtreConstructif. Les gens ne sont pas contents. Du tout. Et ils ont des propositions. Beaucoup. Naturellement l'essentiel de ces propositions citoyennes ne vont pas dans le sens du texte voulu par le gouvernement. Mais il faut indiquer clairement aux gens que le gouvernement est à leur écoute, par exemple en mettant un place un dispositif visible de recueil de ces propositions. Comme le disent texto mes étudiants, "Bref récupérer les avis, les recommandations, les points d'amélioration proposés par les communautés contre la loi travail. Même si le risque est grand d'avoir énormément de réponses non-pertinentes de type #troll et même si au fond ces pistes ne seront pas (toutes) étudiées, cela peut-être un bon point en termes d'image". Or là encore pour l'instant, force est de constater que le gouvernement fait exactement l'inverse. C'est à dire au lieu de délinéariser, au lieu de remettre de l'horizontalité, il surjoue la verticalité de la décision : c'est le 1er Ministre qui va recevoir les syndicats pour travailler sur les quelques points qui posent problème. Les plus d'un million de votants de la pétition et les communautés YouTube particulièrement actives sur le sujet apprécieront.

#NePasMépriser. #NeJamaisSousEstimer. Bon forcément avec Jean-Vincent Placé c'est tout de suite plus compliqué … Mais en gros l'idée est la suivante : vu l'état de la polémique et de l'opinion, tout acte ou parole visant à tenter de décrédibiliser les mobilisations en ligne (par exemple en contestant le nombre de signatures de la pétition) ou à revenir à un autoritarisme de pacotille que le manque de crédibilité dû aux trop nombreux errements de la parole politique rend d'avance caduque et pathétique ("c'est pas – au choix – #LaRue #LesRézoSocio qui gouvernent") serait une – grave – erreur et aboutirait à l'effet exactement inverse. Merci Jean-Vincent Placé.

#LeaderOpinion. On le sait, la clé dans ce genre de crise ce sont les "leaders d'opinion". Il serait donc très utile, primo, de les identifier, et dans un deuxième temps, d'organiser un rencontre avec eux, sur le même principe que la sus-mentionnée "rencontre" avec les syndicats. Ainsi le gouvernement montrerait qu'il ne méprise pas ce mouvement d'expression populaire et le traite en tant qu'interlocuteur légitime. Si cette démarche était mise en place elle nécessiterait naturellement une bonne préparation en amont et en aval étant donné la popularité des leaders d'opinion concernés et qui pourraient y assister, et donc le relais qui suivrait sur les réseaux sociaux.

#Clarifier. le gouvernement dispose d'un service (le SIG, Service d'Information Gouvernemental) qui est en charge de la communication sur #lérézosocio (voir l'interview de Romain Pigenel, son directeur adjoint, ou le témoignage de Romain Pontécaille, un "ancien" du service). Il a "l'habitude" des situations de crise, il "connaît" le média internet et sa fonction est précisément de produire une communication adaptée à ce média. Indiquer à l'ensemble des acteurs et ministères concernés que c'est le SIG qui reprend la main sur la communication internet de ce projet de loi. C'est à dire que c'est lui qui coordonne l'ensemble de l'opération "on éteint l'incendie et on (essaie) de repartir sur des bases constructives". Avec un joli planning éditorial adapté à chaque ministère. L'intérêt est de clarifier (en interne) les protocoles de communication de crise et de disposer d'un interlocuteur unique, identifié et (sur la forme tout au moins) plus légitime que les initiatives ministérielles individuelles.

#Argumenter. Le débat état considérablement clivé, il est peu probable que les "pour" et les "contre" changent d'avis. Il faut donc miser sur les arguments capables de toucher les indécis (en gros ce que le gouvernement est en train de tenter côté syndical avec la CFDT). Par ailleurs la méthode #FactChecking ne fonctionne pas. A cause du côté hyper-clivé du débat et des opinions, et à cause de la maladresse initiale du "vrai/faux" gouvernemental immédiatement démonté par différents "vrai/faux du vrai/faux" publiés par des grands médias (Le Monde et Libé). Il faut donc privilégier le storytelling au fact-checking et orienter ledit storytelling sur le volet "social" qui est le seul susceptible d'atteindre les indécis plutôt à gauche. Bref, regagner la bataille de l'image et faisant en sorte que, même si le Medef et le grand patronat continuent de soutenir le projet de loi, ils ne soient pas ses soutiens les plus … visibles.

#OnCréeUneCommunauté. Ben oui, on l'a bien vu, le gros problème (sur les réseaux sociaux) de la communication gouvernementale autour de la loi travail est l'absence de communauté (absence d'autant plus criante que la communauté d'en face est, elle, très dense, très active, très structurée et très idéologiquement clivée). Or pour créer une communauté, il n'y a que 3 leviers : les contenus, la publicité et l'événementiel. Donc côté contenus, on relit attentivement le contenu de ce billet 🙂 Côté publicité, on met en place une stratégie Adwords qui ne soit pas trop agressive. Et côté événementiel on garde l'idée expliquée dans les paragraphes #EtreConstructif et #LeaderOpinion.

Besoin d'une petite vue synoptique ?

(click to enlarge your penis)

Diapositive2

Merci qui ?

Voilà. L'ensemble de ces préconisations (qui me semblent parfaitement pertinentes et opératoires) ont été élaborées en totale autonomie par mes 14 padawans de la licence pro CommunityManager de l'université de Nantes. Je n'ai fait que les remettre en forme pour supprimer les doublons et harmoniser l'ensemble (et rajouter de petits trucs mais vraiment à la marge, toutes les idées étaient là). Ils arrivent sur le marché de l'emploi dans 3 petits mois. Ne les ratez pas.

Un commentaire pour “Quand les étudiants #CM aident le gouvernement à gérer la comm de crise de #LoiTravail

  1. Ben ça c’est peu banal: faire travailler des étudiants en conseil en communication pour mieux faire passer une loi qui va augmenter les risques de précarité sur le marché du travail!
    On marche sur la tête

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut