Fable du vendredi #7 : L’âne chargé d’éponges, et l’âne chargé de sel (et le livre de DRM)

Un Lecteur, sa liseuse ou tablette à la main,
Lisait, en mode connecté,
Deux grands livres achetés.
L'un, chargé de DRMs, marchait comme un Courrier ;
Et l'autre, se faisant prier,
Portait, comme on dit, les bouteilles :
Son code est Open Source. Nos deux gaillards bouquins,
Par monts, par vaux, et par chemins,
Au gué du prêt et du partage à la fin arrivèrent,
Et fort empêchés se trouvèrent.
Le lecteur, qui tous les jours traversait ce gué-là,
Son livre aux DRM enfourcha,
Chassant devant lui l'autre livre,
Qui voulant en faire à sa tête,
Dans un torrent se précipita,
Revint sur le réseau, puis échappa ;
Car au bout de quelques octets,
Son code ouvert se répandit si bien
Que le bouquin ne sentit rien ni n'en fût affecté
Et put librement circuler.
Le livre vérrouillé prit exemple sur lui,
Comme un Mouton qui va dessus la foi d'autrui.
Voilà mon livre dans le réseau ; jusqu'au col il se plonge,
Lui, le lecteur et leurs DRM.
Tous trois burent d'autant : le lecteur et son oeuvre
Firent aux verrous raison.
Ceux-ci devinrent si pesants,
Et tant d'empêchements cumulèrent, de prêter, d'échanger,
de lire sans surveillance, d'acheter sans entrave,
Que le livre succombant ne put trouver audience.
Le lecteur l'abandonnait, dans l'attente
D'une prompte et certaine mort.
Quelqu'un vint au secours : qui ce fut, il n'importe ;
C'est assez qu'on ait vu par là qu'il ne faut point
Agir chacun de même sorte.
J'en voulais venir à ce point.

———————–

Pardon Jean, l'original est là.

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