Mais Deliveroo du mal (Kiss my Ass Tech for Good)

Le 21 Janvier 2019, alors même que la société Google venait d'être condamnée par la CNIL à verser une amende record de 50 millions d'euros pour violations répétées du RGPD et atteinte à la vie privée, l'Elysée, pas rancunier, offrait à Google une page de pub gratuite sur son compte Twitter officiel où l'on voyait Sébastien Missofle (DG de Google France) annoncer que Google formait plein de gens au numérique et que c'était tellement cool.

Deliveroo Academy.

A l'occasion du sommet "Tech for Good", l'Elysée à ouvert son compte Twitter officiel à beaucoup des "granzacteursdelatech" de passage à Paris pour se lustrer le nombril aux frais de la licorne.

Parmi lesdits acteurs, on trouve un certain Will Shu, PDG de l'entreprise de livraison Deliveroo. Will Shu est super fort. Will Shu a tout compris de l'ancienne économie puisqu'il fait partie de ces patrons qui ne rechignent pas à s'augmenter de manière indécente et disproportionnée à chaque fois qu'ils le peuvent. Et Will Shu a aussi tout compris de la nouvelle économie puisqu'il s'efforce de maintenir ses coursiers en situation de quasi-esclavage. De quasi-esclavage consenti mais de quasi-esclavage quand même. "Deliveroo riders are screwed for Good" comme l'écrit Antonio Casilli. Ce qui vaut à Will Shu un certain nombre de procès, depuis déjà un certain temps (2017).

Et c'est donc depuis le compte Twitter officiel de l'Elysée que Will Shu nous annonce tout guilleret qu'il était, pendant "Tech for Good" à une session sur l'avenir de l'emploi et qu'il va créer la "Deliveroo Academy". Sérieux. La Deliveroo Academy. Un … machin en lien avec Open Classrooms pour permettre à ses esclaves coursiers de prendre des cours sur "comment faire son CV" ou (je vous jure que c'est authentique) "comment gérer les interactions avec différents types de personnes" (sic) mais aussi des cours de "code informatique" parce que bon ben j'en sais rien, probablement que Open Classrooms avait pas le module "le syndicalisme pour les travailleurs exploités".

Da

Et puis tant qu'à y être, parce qu'il est comme ça, Will Shu, il annonce aussi, toujours depuis le compte Twitter de l'Elysée, que Deliveroo va créer des "bourses d'étude" qui seront proposées "à un certain nombre de coursiers" dans "un certain nombre de domaines" et puis cadeau de la maison, "des programmes d'apprentissage avec de nombreux restaurants avec lesquels nous travaillons". Yolo. Des bourses d'étude. De l'apprentissage. Quand tu sais ce que c'est qu'un contrat d'apprentissage et la manière dont c'est encadré à l'université.  Le tout proposé par Deliveroo. Le gars était tellement chaud bouillant qu'il a failli annoncer la délivrance de diplômes universitaires. Une pizza livrée un Master en management offert. 

Les mecs sont tellement en train de faire des loopings d'indignité dans la stratosphère du foutage de gueule que si demain Patrick Balkany venait squatter le compte Twitter de l'Elysée pour annoncer qu'il crée un guide du routard des paradis fiscaux ça passerait crème et il enquillerait les RT et les Fav de l'ensemble de ce gouvernement de pathétiques badernes. 

Mais Deliveroo du mal.

Mais bon faut dire aussi que Deliveroo en ce moment ils ont la licorne sous stéroïdes étant donné qu'une petite entreprise spécialisée dans la livraison de plein de trucs ainsi que dans la maltraitance managériale de ses employés vient d'entrer dans son capital à hauteur de 515 millions d'euros. Bam. La même petite société qui a inventé l'algorithme du licenciement automatisé. Bref, Amazon. Entre esclavagistes et fossoyeurs du droit du travail forcément ça crée des liens.    

Depuis déjà plusieurs années (mais avec une recrudescence notable depuis 2 ans), on voit un peu partout fleurir ces initiatives visant, sous couvert de formation de masse ou de publics "éloignés", à préempter de la force de travail corvéable à merci à grand renfort d'Education Washing et Formation Washing. Venez-vous former chez nous, n'importe quand, n'importe comment, à n'importe quel âge et à n'importe quel prix (en général gratuitement, puisque c'est vous les produits). Ladite formation se résumant très souvent à coller lesdits impétrants devant un Mooc en mode télétravail encadré par des "tuteurs" eux-mêmes le plus souvent employés avec des contrats de misère, et sans aucune autre certification ou diplôme ou perspective au final qui ne permette de faire autre chose que d'avoir le sentiment d'avoir participé au plan de comm. de la start-up nation et d'être assis sur une licorne tellement ça pique. 

Oui je sais je vois tout en noir. Oui je sais "y'a quand même des gens formidables". Oui je sais "c'est toujours mieux que rien". Oui mais merde. Oui je sais surtout que quand Facebook forme les chômeurs et Google les étudiants, ben moi (et l'université) je vous l'ai déjà dit, on vous emmerde. Heureusement qu'il nous reste nos valeurs et qu'on n'est pas en train de multiplier par seize les frais d'inscription pour les étudiants étrangers sinon on finirait par croire qu'on a élu la version Ken à la plage de Jair Bolsonaro. Oh Wait.

Au regard de ce qu'est en train de devenir l'université française d'une part, mais surtout au regard du profil de psychopathes du contrat social et de serial killers du droit du travail des acteurs se positionnant actuellement sur le marché plus que juteux de la formation de masse, il serait quand même temps d'arrêter de se pogner le coq rouge en 3D pour s'interroger sur le projet politiquement criminel et socialement mortifère consistant à laisser des boîtes comme Deliveroo (qui en plus n'est même pas la pire …) s'inventer des "Academy" et mettre en place des putains de bourses d'étude. Quant à penser un seul instant qu'ils agissent ou agiront au nom du bien commun ou de l'intérêt général faut avoir la clairvoyance politique d'une huître morte pour l'imaginer ne serait-ce qu'une seconde. 

Phonétiquement "deliver" et "délivre" sont aussi proches qu'anagrammatiques. "Deliver" en anglais, signifie "livrer". Se livrer. L'inverse d'une libération. L'antithèse d'une délivrance. Une aliénation consentie. La Deliveroo Academy. Et ses coursiers boursiers. Tech for Good. Kiss my Ass. Mais Deliveroo du mal. Amen. 

7 commentaires pour “Mais Deliveroo du mal (Kiss my Ass Tech for Good)

  1. Cet article est très représentatif d’une mentalité française cynique et petite d’esprit. Comme quoi tout dépend de la manière dont on envisage la vie..
    Je suis développeur, j’ai un bac +3 en informatique de gestion. Jusqu’à très récemment j’ai travaillé pour une « Entreprise de Services du Numérique », où là, comme la plupart des jobs salariés, j’avais l’impression de bosser comme un esclave.
    Ces derniers mois jai commencé à travailler pour les plateformes de coursiers afin de me mettre « du beurre dans les épinards ». J’ai eu l’agréable surprise de voir que le soir pour 3 à 5h de boulot (je dirais plutôt de sport) je pouvais me faire entre 35 et 75 de complètement de revenu.
    Ai vu de mes gains,j’ai décidé de quitter mon job pour lancer mes propres projets dans le numérique. Cela tombait pile poil au moment où openclassrooms et Google offrait une bourse à 100 indépendant de certaines plateformes de services (deliveroo, Uber, malt…). J’ai donc sauté sur une opportunité en or pour moi; par chance j’ai été un heureux élus parlais 2600 candidats). Je suis la formation de « chef de projet digital » d’OC. J’en suis très satisfait ; ce n’est peut être pas une formation universitaire classique mais c’est un diplôme reconnu par l’État (titre RNCP), on bosse sur de vrais projets encadrés par des pros et cela complète très bien mes connaissances théoriques acquises dans l’enseignement supérieur classique.
    Cette formation me permet d’avoir les outils nécessaires à la réalisation de mes projets.
    Pour revenir à deliveroo, je suis très heureux de pouvoir choisir mes heures et ne pas bosser quand je veux. Alors certes je n’ai pas de congés payés et ma protection sociale est mince, quoiqu’ils mme paient une assurance Axa..
    En ce moment je suis beaucoup plus heureux que d’être obligé de bosser dans un bureau; d’ailleurs la plupart des coursiers avec qui j’ai discuté sont très satisfait de leur sort, même s’il y en a qui pleurent, mais ça c’est courant en france. Pour moi l’esclavage moderne c’est plutôt le salariat, à tous les échelons..
    Voilà je trouve que cela méritait d’être dit, on lit trop souvent des articles écris par des « journalistes » qui jugent superficiellement. Comme partout tout n’est pas rose avec les plateformes mais pour moi les avantages excédent largement les inconvénients..
    A bon entendeur..!

  2. @Affranchi : on en reparle quand tu sera à la retraite au minimum vieillesse ou quand tu auras un accident de travail sans le moindre revenu, et à ta charge.
    Si l’esclavage, c’est le salariat, et que tu l’assumes, merci de l’indiquer à tes futurs salariés, qu’il sache ce que penses leur patron de leur statut

  3. Je dirais que Affranchi bénéficie du statut d’Auto Entrepreneur qui est une niche fiscale (moitié moins de cotisations sociales qu’en entreprise classique, pas de TVA, pas d’impôts sur les sociétés). Il est juste passé de salarié qui donne à l’etat 50% (voir plus) de ce que son employeur dépense pour lui, à un statut où il ne donne que 22%.
    C’est juste un cadeau de l’état, rien de plus. Et le jour où l’état reviendra sur ce cadeau…

  4. Merci pour cet article.
    Je tiens à rebondir sur le commentaire d' »Affanchi » qui me laisse perplexe…
    Je ne nie pas l’authenticité de l’histoire relatée, tu as l’air tout à fait sincère.
    Néanmoins, tu es conscient que ta position (livreur Deliveroo repêché par OC) nous incite à la méfiance ?
    Tu as pour toi l’expérience de l’intérieur mais, au delà du fait que ce n’en est qu’une, difficile de ne pas voir dans ce témoignage ultra millimétré un contre feux parfait pour affaiblir la portée de cet article.
    Ce ne serait la première fois : c’est une technique vieille comme le monde utilisée sur les débats autour du tabac, de l’amiante, du glyphosate et j’en passe…
    Je n’ai pas de preuves pour dire que tu es en service commandé, mais le doute plane, désolé.

  5. Heu… Raoul, je crois que tu as raison. Le style est trop léché, trop travaillé, pas ou peu de fautes d’orthographe. Ça sent le plan com à 100m, pas le message bafouillé à toute vitesse pour réagir à un article. On dirait du travail d’étudiant d’école de commerce en mission.

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