Ne pas céder sur son désir. Depuis 7 ans je suis responsable pédagogique et administratif d'une licence professionnelle en Community Management. Je l'étais. Car à compter d'aujourd'hui, je démissionne. Rien ne permet d'indiquer aujourd'hui si celle licence pourra ouvrir l'année prochaine. Il faudra assurer son recrutement, le suivi des inscriptions et des négociations estivales d'étudiants en recherche de contrats ou simplement en demande d'information. Il faudra aussi recruter de nouveaux vacataires. Il faudra faire les emplois du temps en jonglant avec d'innombrables contraintes. Je ne le ferai pas. Je démissionne. Je démissionne de toutes mes fonctions administratives.
En 7 ans, je pense avoir exploré toutes les principales failles d'une université qui achève de se renier dans chacune de ses valeurs fondamentales et qui ne tient plus que par la curiosité et l'envie de ses étudiants et le dévouement, hélas souvent mortifère, d'une partie de son personnel enseignant, technique et administratif.
Quand j'ai voulu monter cette licence professionnelle je suis passé par toutes les phases au mieux ubuesques et au pire kafkaïennes. On m'a fait remplir d'innombrables dossiers et formulaires sans cesse recommencés, qui n'avaient aucun autre sens que celui de m'habituer à vivre dans un monde où chaque décision, chaque choix, chaque envie et chaque idée ne vaut que si elle peut être déclinée en autant de procédures cherchant l'épuisement de la (bonne) volonté. J'ai avalé toutes les couleuvres possibles, j'ai commencé, déjà, à m'asseoir sur un certain nombre de mes principes, parce que je pensais qu'il demeurerait une possibilité de les retrouver plus tard. Que ce renoncement n'était que provisoire. J'avais tort. Je vous avais raconté tout cela ici.
Pendant des années, j'ai du défendre une formation qui n'était jamais "assez rentable" au regard d'autres formations, en tout cas pour certains collègues et responsables de site, de pôle ou de toute autre entité managériale superfétatoire. Pendant des années à l'échelle globale de l'université comme à celle de chacune de ses composantes, des formations ont été "mises en concurrence", non sur le plan pédagogique mais uniquement sur des paramètres et des critères financiers. Cette folie a conduit à d'innombrables tensions entre collègues, jusqu'à l'année dernière et cette scène surréaliste où le directeur de ma composante m'a demandé, sous peine de fermer la formation, de m'engager personnellement à trouver 5 ou 6 contrats. On nageait déjà en plein délire. Je vous avais raconté tout cela ici (sautez directement au passage "Mes chers collègues, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être …").
Et puis il y a eu, cette rentrée à l'université de Nantes, l'affaire du trop-perçu des vacataires. Une erreur initiale de la direction des finances publiques, et quelques strates logicielles et administratives plus tard, des vacataires sommés de rembourser des sommes allant de quelques dizaines et plus d'un millier d'euros. Des vacataires qui représentent, rappelons-le près de 30% des heures d'enseignement dans les universités françaises. A l'université de Nantes, comme en atteste l'extrait du bilan social ci-dessous, ces vacataires assurent 127 000 heures d'enseignement. Pour vous donner un point de comparaison relatif, une formation de licence professionnelle c'est 450 heures d'enseignement en moyenne. Je vous laisse faire le produit en croix.
(Source : Bilan social 2019)
Vacataires que l'on a donc, matériellement et symboliquement, traité comme du bétail. Depuis le mois de Septembre, nombre d'entre eux ont démissionné, mettant en péril l'existence même de certaines formations. Nombre d'entre eux sont également restés. Parce qu'ils n'avaient pas le choix (financier). Parce qu'ils étaient sincèrement attachés aux étudiants et aux formations. Et aussi parce que la possibilité de faire figurer "enseignant à l'université" sur son CV reste une reconnaissance symbolique importante. La licence dont je m'occupe emploie chaque année une quinzaine de vacataires intervenant pour deux ou trois heures et parfois pour assurer des enseignements complets autour d'une quarantaine d'heures. A ces gens-là on a envoyé différents courriers les sommant de payer sans même leur offrir la possibilité d'étalonner les paiements. Et sans que je ne sois, comme responsable de formation, jamais informé ni des sommes en jeu ni même de la nature desdits courriers. Puis devant le tollé du premier courrier tant la forme était violente, méprisante et humiliante, un courrier "d'excuse" fut envoyé aux mêmes pour déplorer la violence formelle du premier. Et puis … et puis tout à continué. Les relances incessantes dont celles en guise de voeu de bonne année. Les demandes d'étalement pour lesquelles on vous somme de produire un dossier digne des services sociaux de l'Angleterre Thatcherienne. Vous sollicitez une exonération ou un étalement et vous avez déjà rempli 2 dossiers différents ? Merci de nous envoyer "un état de vos ressources actuelles selon votre situation familiale, un état de vos dépenses (loyer, électricité, téléphone, taxe habitation, impôts sur le revenu, crédit), les justificatifs d'une situation de difficulté financière importante (incident bancaire…). " Tout cela est bien sûr authentique.
C'était là ma limite. La plupart de ces gens, de ces "vacataires", je les connais depuis plus de 10 ans. Pour nombre d'entre eux c'est moi qui les ai "recrutés" ou plus exactement "embarqués" dans cette histoire. Ils viennent pour une paie de misère. Ils n'ont même pas le droit d'être défrayés parce que l'université ne le permet pas. Alors bien sûr on triche. On fait des faux. Oui. Des faux. Dix ans que je fais des faux. Je rajoute ici ou là des fausses heures de cours parce que j'ai honte de ne pas pouvoir faire autrement pour pouvoir au moins défrayer un petit peu les vacataires qui sont à nos côtés et devant nos étudiants. Chaque année je "pose" les emplois du temps de ces vacataires. On finit par pénétrer dans des zones d'intimité. Pas de cours le mercredi parce qu'il est divorcé et a la garde de ses enfants. Pas de cours pour elle les semaines impaires, pour la même raison. Que des cours le vendredi après-midi en Janvier parce qu'il en profite pour visiter des clients dans le coin le vendredi matin. Pour elle, pas de cours le lundi matin de Septembre à Décembre parce qu'elle suit un traitement médical un peu "lourd". Et tout le reste. La famille. Les enfants. Les loisirs. Les opinions politiques. Depuis 10 ans. 10 ans qu'on les connaît ces vacataires. Qu'on prend le café avec eux. Elle c'est sans sucre. Et lui c'est plutôt du thé. Il y en a qu'on accueille à la maison pour leur éviter de payer l'hôtel. Car certains viennent de loin. Il y en a qui nous amènent des chocolats à Noël. Il y en a qui prennent nos étudiants en stage. Ou en contrat. Il y en a qui versent chaque année de la taxe d'apprentissage à nos formations. A l'université de Nantes. Celle-là même qui leur réclame ce "trop-perçu". Il y en a tellement. Qui passent. Qui restent. Qui reviennent. Certains sont devenus des copains. Le resteront quoi qu'il arrive.
Dans l'affaire du trop-perçu des vacataires j'ai averti et alerté tous les services centraux de l'université. Présidence, DGS, DRH, directions concernées de l'IUT. J'ai arrosé large. Je n'ai pas du être le seul. J'ai demandé et j'ai expliqué. J'ai dit que nous ne pourrions pas supporter ces démissions. J'ai dit que des formations allaient être en (grand) danger. J'ai dit que sur le fond comme sur la forme rien de ce qui était fait n'était ni normal, ni digne, ni respectueux. J'ai même proposé un protocole pour en sortir. Un "tuto" de sortie de crise. Qui consistait par exemple à prioriser avec les responsables de formation, les sommes à recouvrer dans l'immédiat, celles à recouvrer plus tard, et enfin un volet de cas particuliers pour lesquels une exonération partielle ou totale, immédiate ou différée, était à la fois envisageable et justifiée, soit au regard de la situation des personnes, soit au regard des exigences et nécessités de service des formations. Mais rien. Nombre de vacataires ayant finalement payé, nombre d'entre eux ayant également démissionné, et étant toujours en contact étroit avec chacun d'entre eux, j'ai fini par demander une exonération totale des sommes qu'il restait à payer pour 4 d'entre eux. Il y avait à chaque fois une bonne raison : l'entreprise de l'un nous versait régulièrement de la taxe d'apprentissage, une autre s'était tapée le trajet Bordeaux – La Roche sur Yon 4 fois par an pendant 7 ans, et un autre traversait un moment personnel compliqué. C'était bien sûr inéquitable. Mais dans un système à ce point dysfonctionnel il ne peut plus y avoir de point d'équilibre ou d'équité, seulement des points de rupture. Et j'ai mis ma démission dans la balance.
Pendant que l'université continuait de réclamer quelques centaines d'euros "d'argent public" à de récalcitrants vacataires, le président sortant de l'université, Olivier Laboux, nous livrait son "bilan de mandat", sur les pages web de l'université, en version .pdf et … avec un document imprimé de 32 pages sur papier glacé diffusé à … je n'ose imaginer combien d'exemplaires. Avec cet argent également public d'une impression tout à fait inutile, combien de vacataires aurait-il été possible d'épargner et de soulager ? J'ai posé cette question par mail au président. J'attends toujours sa réponse.
Parmi les gens auxquels j'ai écrit, il y a quelques managers venus du privé et il y a surtout beaucoup, beaucoup d'universitaires. Mais non. Rien. La seule réponse que j'obtins fut celle du "je partage votre exaspération" mais "il s'agit d'argent public" suivi d'un inénarrable "mais on va apprendre de cet échec pour s'améliorer, pour alléger les procédures". Malgré tout cela et depuis désormais presque 6 mois que cette affaire a éclaté, jamais ces gens n'ont agi en universitaires. Pourtant beaucoup d'entre eux sont universitaires. Jamais ils n'ont pris de contact direct avec les responsables de formation. Jamais ils n'ont envisagé de prendre en compte l'impact de leurs décisions de recouvrement sur le contenu des formations. Jamais ils n'ont pris en compte l'aspect humain et la relation de sens qui unit l'immense majorité de ces "vacataires" à l'université. Tous ces gens n'ont été que comptables, et en plus de cela de mauvais comptables, tristement incapables d'une quelconque forme d'expertise. Je crois que c'est cela qui est le plus navrant. Que des universitaires puissent à ce point être oublieux de ce qu'ils sont.
Nous sommes devenus indignes de ce(ux) que nous représentons.
Parce qu'il faut que les formations soient toujours plus "rentables", l'université déploie des trésors d'ingéniosité budgétaire pour accompagner les étudiants dans la recherche de contrats (contrats pro ou contrat d'apprentissage) qui vont lui rapporter de l'argent, des "ressources propres" comme l'on dit dans la novlangue managériale. Et pourquoi pas.
Mais à l'heure où la précarité étudiante (matérielle et psychologique) progresse, la médecine universitaire du 21ème siècle est indigente, les services sociaux sur les campus sont soit inexistants soit totalement saturés, et – expérience vécue – quand nous sommes confrontés à des cas extrêmement difficiles de harcèlement sur un lieu de stage les services juridiques sont absents, surchargés ou se déclarent eux-mêmes incompétents et d'autres services (la DEVU en l'occurence, merci à eux d'ailleurs) font … ce qu'ils peuvent. J'en suis arrivé, cette année, à faire intervenir une inspectrice du travail à la retraite pour sensibiliser les étudiants à ces questions, intervention que je dois bien entendu payer "sur les crédits de ma formation", grâce à l'argent que me rapportent … les contrats. Je n'ai même pas cherché à discuter quand on me l'a annoncé. Pour être sincère, sur le moment, cela m'a d'ailleurs presque paru … normal. La formation est désormais rentable. Je paie donc certains intervenants sur mes propres crédits. Tout cela est un non-sens absolu. Et occupe l'essentiel de nos agendas qui ne sont faits que de fausses urgences alimentées par d'imbéciles procédures nécessitant d'improbables et toujours plus complexes dossiers soumis à d'aléatoires et aveugles arbitrages budgétaires.
Je ne pense pas, en l'état actuel de la gestion des universités françaises, qu'il soit encore possible de faire avancer les choses. En tout cas par des formes de négociation qui postulent ou présupposent une acceptation de l'environnement managérial actuel de l'université. Même les gens intelligents sont pris dans un environnement auto-référentiel qui les aveugle et les abrutit. Ils dansent comme des lapins dans des phares. Quand l'université leur annonce qu'ils vont devenir des "préfigurateurs de la vision" (là encore c'est authentique) ils trouvent ça normal et se précipitent aux réunions pour en être. Quand le ministère baptise "Bienvenue en France" un plan visant à multiplier par 16 les frais d'inscription pour les étudiants étrangers, ils trouvent ça cohérent. Eux-mêmes, dans leur propre université, font voter une baisse de 20% du budget des bibliothèques universitaires. De leur bibliothèque universitaire. Quand on les interpelle sur la violence systémique et symbolique de leurs courriers et de leur mode de management ils disent n'y voir "aucune intentionnalité". Si demain on leur annonçait le remplacement du ministère de l'enseignement et de la recherche par celui des démarches ridicules ils se mettraient à marcher en canard ou en crabe.
J'avais jusqu'à maintenant "résisté" parce qu'à chaque fois c'est moi qui prenait la décision finale. Et cette décision était prise conformément à un certain nombre de mes valeurs. Et me permettait, du moins le pensais-je, de protéger et d'accompagner au mieux les étudiants et parfois les collègues. Juste un exemple parmi tant d'autres : on m'expliquait (avec force) qu'il ne fallait prendre que des étudiants "financés" par un contrat en licence pro ? Je maintenais un accès de droit en formation initiale pour des étudiants avec de bons dossiers et continuais de refuser des étudiants avec des contrats mais de mauvais dossiers. Parce que je ne suis pas là pour faire du chiffre. Mais pour former des étudiants qui ont un projet cohérent. Cela peut vous paraître fou mais voilà contre quoi nous sommes nombreux à lutter, pied à pied, chaque jour, depuis des années.
Aujourd'hui la plupart des digues qui me permettaient de protéger et d'accompagner efficacement les étudiants sautent les unes après les autres. Et celles qui me permettaient, pour une formation dont j'ai la charge, de rester (vaguement) responsable parce que décisionnaire du sort qui était fait aux collègues, titulaires, précaires et vacataires, ces digues là ont donc également sauté. Je n'ai donc plus aucune raison de continuer. Le système en lui-même ne semble plus capable d'une forme, même vague, même lointaine, de résilience. Si mon seul rôle consiste à accompagner des collègues sur le chemin de l'humiliation administrative, financière et symbolique sans pouvoir de quelque manière que ce soit l'empêcher, l'éviter ou la combattre, alors c'est que je ne suis plus à ma place, ou que ma place est celle d'un allié de ce système. Ce n'est bien sûr pas envisageable.
Mais derrière tout "système" il y a des gens, décisionnaires, responsables devant la communauté qu'ils sont supposés représenter. A chaque étage franchi dans l'échelle des responsabilités universitaires – et même en laissant de côté les simples arrivistes déjà nombreux – j'ai l'impression que l'on ne fait que grandir en aveuglement et dans l'acceptation cynique et réfléchie de formes douces d'inhumanité. Jusqu'à l'étage ministériel et l'immonde plan "Bienvenue en France" contre lequel la communauté universitaire dans son ensemble n'a même plus été en capacité de réunir les formes de résistance nécessaires à son abolition immédiate.
Très sincèrement je ne sais plus comment me comporter avec ces gens là. Les ignorer est coupable. Leur parler semble vain. Les insulter soulage à peine.
Il (me) faut trouver d'autres terrains de lutte. Peut-être plus essentiels. Probablement moins universitaires. Car ce qui reste à sauver de l'université semble se jouer désormais principalement en dehors d'elle-même.
"Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner" écrivait Saint-Exupéry. Alors soyons exigeants 🙂
Je remercie sincèrement, les collègues, titulaires, vacataires, précaires, grégaires, mais aussi, et leur part est immense, les secrétariats et services administratifs, services de formation continue, qui ont fait vivre et porté à bout de bras cette formation pendant 7 années à mes côtés. Que nous ayons été d'accord ou pas, pendant 7 années cette licence a aussi été la votre et ce que chaque diplômé est devenu, il vous le doit aussi un peu. Chaque parcours aura été unique et chaque rencontre précieuse. Ce que vous avez apporté aux étudiants n'a pas vraiment de prix. Vous le savez. La vie continue.
La vie continue mais il va falloir que quelque chose change. Pour que nous retrouvions du sens à faire ce que nous faisons chaque jour. Nous le devons à nos étudiants. A nos collègues. Surtout précaires. D'abord précaires. Et un peu à nous-mêmes.
"Ne pas céder sur son désir" disait Lacan, pour que la personne devienne sujet. Il ne nous reste que nos désirs à opposer aux ratiocinations faussement rationnelles du New Public Management dans les dernières strates encore capables de prendre collectivement soin des êtres et de ces choses bizarres que l'on trouve notamment dans les bibliothèques universitaires et que l'on appelle des connaissances. Ne pas céder sur son désir. Celui de prendre soin. A l'université comme à l'hôpital. Alors ne cédons pas sur nos désirs.
Le 5 Mars l'université et la recherche s'arrêtent. C'est écrit sur les murs.
Vos mots sont justes et sincères ! Bravo même si je ressens la tristesse et le poids de ce vous avez vécu !
Ce qui fait peur c’est que votre expérience n’est pas un cas isolé ni au niveau de l’Université de Nantes ni au niveau des universités françaises !
J’ai comme une impression qu’on veut tuer l’enseignement universitaire public, qu’on veut « dégoûter » enseignants et étudiants, les pousser à démissionner, à partir, à aller vers le privé,
Bon courage cher collègue et merci encore pour vos mots
Merci pour tout ça
Tristesse et désolation, ici aussi.
« Se soucier de son prochain, voilà ce qui nous rend authentiques. » (Ken Liu)
Merci d’être de ceux-là, envers et contre tous.
« Je ne suis pas certain que ça ira mieux si ça change, mais je suis certain qu’il faut que ça change pour que ça aille mieux. » Lichtenberg
Reste à savoir comment réussir à changer les choses…
Bon courage !
Bonjour
Et merci pour ce texte dans lequel je me retrouve en partie. Je suis également MCF à l’université de Nantes et après 15 ans en responsabilité d’un département où 50% des TD sont assurés par des vacataires, j’arrête. Trop compliqué, trop lourd, trop inhumain.
Et effectivement, le cas n’est pas isolé et existe sans doute dans toutes les universités de France.
Bon courage à vous.
Cordialement,
EFP
Merci pour ce texte, merci pour cette décision, ..
Hélas le constat est le même dans l’hôpital public, et certainement également dans d’autres branches.
Je ne sais pas si une amélioration sera possible un jour… Notre contrat de société est explicitement déchiré sous nos yeux… une révolution s’impose pour le re écrire.
Bonjour,
» Quand l’université leur annonce qu’ils vont devenir des « préfigurateurs de la vision » (là encore c’est authentique) ils trouvent ça normal et se précipitent aux réunions pour en être. Quand le ministère baptise « Bienvenue en France » un plan visant à multiplier par 16 les frais d’inscription pour les étudiants étrangers, ils trouvent ça cohérent »
Votre billet qui est le dénouement de ce que vous énoncez depuis un certain temps me rappelle les réflexions de Sebastian Haffner lorsqu’il écrit « histoire d’un allemand ». Il décrit le lent processus qui amène la plupart de ses collègues juristes universitaires à accepter ce que le gouvernement nazi leur impose par petites touches insignifiantes, jusqu’au jour où il se rend compte que le respect de toutes les consignes absurdes les amène à la limite de l’obéissance aveugle.
« Si demain on leur annonçait le remplacement du ministère de l’enseignement et de la recherche par celui des démarches ridicules ils se mettraient à marcher en canard ou en crabe »
On y est ou plutôt ils y sont. C’est le point de non retour, il est temps de passer à autre chose.
Merci de nous faire partager votre expérience et votre lucidité
Je lis avec vos mots ce sentiment profond de déréliction qui traverse toute la société française, l’absurdité paperassière (et des procédures) qui envahit tout et surtout épuise les énergies et les détourne de l’essentiel, l’humanité niée par le jargon creux des décideurs et la rigidité toute administrative des « gestionnaires ». Oui ce monde qu’on nous propose est désespérant et puisqu’y contribuer de l’intérieur ne permet aucune inflexion, puisqu’y contribuer c’est quelque part le cautionner, il est temps de « trouver d’autres terrains de lutte ». IL est temps, avant tout, de retrouver le chemin de la solidarité.
Bonsoir,
Je suis un de ces précaires dans une ville similaire d’une autre région. Je me suis particulièrement bien reconnu dans votre description des « dossier digne des services sociaux de l’Angleterre Thatcherienne ». Humiliants. Devoir envoyer le détail d’un compte bancaire pour quémander que dalle c’est savoir que désormais chacune de mes dépenses pourrait un jour être examiné plus tard. Si je me dis ça avant d’assurer un TD, je perds toute confiance. Comment être pris au sérieux par ses étudiants quand on galère à ce point ? De toute façon, ces étudiants je les retrouve à trimmer dans les mêmes boulots que moi. Aucune reconnaissance, la fatigue et l’impuissance des titulaires.
On ne peut pas faire grand-chose de notre côté. Votre démission est un bon début, j’espère que ça essaimera chez les titulaires.
Comme je vous rejoins sur la situation désastreuse de l’Université de Nantes. Après avoir connu pendant 5 ans, en tant qu’étudiante, l’Université d’Angers, ma venue à l’Université de Nantes cette année n’en a été que plus cruelle. À Angers, j’ai réellement été bien formée, respectée, considérée comme une véritable personne. À Nantes, je suis prise pour une moins que rien, tout juste assez digne pour être informée de ce qu’il se passe dans ma formation : une véritable honte !
Merci. Les précaires de l’ESR (dont je suis) ont besoin de ce type de soutien des titulaires. On aime notre métier mais on n’en peut plus de se sacrifier pour une organisation destructrice. Arrêter de cautionner des universités plus avilissantes qu’émancipatrices est nécessaire !
Merci pour votre témoignage !!! J’en ai presque la larme à l’oeil, cela donne envie de vous avoir pour collègue. Ici dans mon université, traitement similaire des vacataires par l’administration, notamment des plus mobilisé.e.s.
Dans mon département, les vacataires à bout ont décidé de faire la rétention des notes, leur seule « arme » pour protester contre la réforme en cours. Les personnels administratifs divisés se sont pour certain.e.s insurgé.e.s contre cette méthode qui leur doublerait le travail (puisque si les jurys se tiennent, pour toutes les notes non disponibles ils/elles doivent rentrer un « ABS »). Les titulaires n’arrivent pas à se mobiliser, il est peu probable qu’ils/elles reportent la tenue des jurys.
Les vacataires sont exténué.e.s des bonnes paroles de soutien, de collègues titulaires qui se disent « mobilisé.e.s » alors qu’ils/elles n’ont fait qu’écrire une tribune dans un grand quotidien national (alors que les vacataires sont en grève et/ou manifestent dans les rues et mènent des actions depuis maintenant 3 mois cette année). Ils/elles appellent les vacataires à être « raisonnables ». L’action de collage visibilisant les situations intenables vécues par les vacataires (similaire à ce qui se fait un peu partout dans le pays) depuis trop longtemps a été qualifiée de « violente » par certains membres du personnel administratif, la direction de l’UFR a enlevé l’ensemble de ces affiches à l’étage des bureaux. Le dialogue semble une nouvelle fois (comme depuis 5 ans que nous avons des réunions avec la DRH, où les progrès sont bien trop faibles pour le temps passé à l’accompagnement d’une administration paumée et limitée par un système en perdition), le mot d’ordre dans cette université: un dialogue de sourds, épuisant pour les plus précaires au bord du gouffre…
Collègues titulaires, vous avez un rôle à jouer, les plus précaires vous attendent, eux qui sont en première ligne craquent, ne leur tournez pas le dos!
Bonjour,
je reconnais dans vos lignes ma triste expérience de responsable de formation à l’université de Lorraine.
Ce mépris institutionnel pour les vacataires et la contradiction suivante : le recours de plus en plus massif aux vacataires transforme les EC en DRH improvisé, avec l’injonction contradictoire de trouver de bons intervenants (voir des enseignants qui devraient être statutaires) avec des moyens misérables.
Ce qui m’avait « achevé » en 2013/2014 est finalement l’inertie des collègues E-C qui, après avoir longtemps attendu d’être recruté et une fois dans la « maison », ne faisaient pas grand-chose pour la transformer, alors que déjà le feu prenait à différents étages.
Il n’a pas pas de morale de ces histoires, la vôtre et la mienne, mais le sentiment d’assister impuissant au déroulement mécanique d’une histoire dont les acteurs sont devenus des ombres.
Bien cordialement,
Vincent Goulet
Démissionnaire de l’université en 2014
https://blogs.mediapart.fr/vincent-goulet/blog/021014/pourquoi-j-ai-demissionne-de-l-universite-de-lorraine
Oui, vous avez conscience de l’indignite de la situation et vous en tirez les conclusions qui s’imposent.
Bravo. Bon courage.
Les echelons supérieurs en prendront ils de la graine ?
J’en doute. Plus la gamelle est pkeine, plus la conscience se met en veilleuse et plus la novlangue s’agite.
Comme chez nos élus…
Bon vent malgré tout.
Bravo de votre honnêteté et votre courage.
Bravo et merci, il faut savoir dire non à un système inacceptable!
Merci d’avoir su poser les mots sur la situation, avec un parfait équilibre entre des faits précis et des métaphores exprimant l’individualisme forcené, aveugle et sourd de l’establishment universitaire. Ils et elles enseignent la segmentation du marché du travail entre installé·e·s et précaires dès la L1, ils et elles sont supposé·e·s former des étudiant·e·s à des disciplines en voie d’extinction, et parviennent à respirer dans cette absurdité gluante. À regarder les étudiant·e·s en face et passer à côté de cette opportunité historique.
Iels ne se rendent même pas compte qu’en plaçant une armée de vacataires face aux étudiant·e·s de licence, iels leur offrent une image effroyage de ce qui les attend s’iels persévèrent dans cette discipline.
Il faut diffuser vos mots en grand partout sur les murs.
Affligeant, mais tellement réaliste, et malheureusement de plus en plus fréquent !!! Navré que vos investissement et bonne volonté soient réduits à néant. Vos mots laissaient à penser que vos qualité et dynamisme pouvaient profiter à beaucoup. Quel gâchis !
La France se perd, car ce que vous décrivez devient une réalité partout, public, privé ….
Je regrette d’avoir fait des enfants il y a 10 ans et de leur laisser un tel avenir !
Ce qui peine dans ce récit c’est l’absurdité de ce monde dont les hiérarchies se déconnectent de la réalité, obéissent à un dieu du rendement, de la récompense du supérieur, et comme dans toutes les strates de la communauté « france » la dignité et la valeur humaine sont reléguées au dernier plan! Le travail de transmission y est méprisé, les « passeurs » dévalorisés. J’y vois les raisons même de la colère initiale des gilets jaunes. Le respect des valeurs du travail et la reconnaissances de la dignité.
Il est important que de tels témoignages soient exprimés.
Le commentaire précédent exprime parfaitement ce que je ressens à la suite de l’article : « Ce qui peine dans ce récit c’est l’absurdité de ce monde dont les hiérarchies se déconnectent de la réalité, obéissent à un dieu du rendement, de la récompense du supérieur, et comme dans toutes les strates de la communauté « France » la dignité et la valeur humaine sont reléguées au dernier plan! Le travail de transmission y est méprisé, les « passeurs » dévalorisés. »
Je me sens tellement identifiée à vos propos…je suis triste et avec une malaise généralisée dans mon équipe depuis que je suis recrutée MCF…c’est douloureux.
Cher collègue,
Même constat implacable et désespéré à l’université de Lille devenue un montre avec la fusion des 3 anciennes universités et la fusion rapide des facultés.
Je n’ai pas votre courage de tout lâcher maintenant parce que j’ai embarqué dans mes projets pleins de gens biens, mais mes nuits sont souvent blanches.
Certains trouvent que ces propos sont exagérés, peu constructifs et peu compatibles avec le souhait d’être dans les petits papiers de la présidence et des zinfluents métropolitains. On en est maintenant à recruter des CDD long-terme (type CDD LRU 3 ans) pour recruter et gérer les vacataires, tout ça avec des incitations en carton.
Je ne partage pas l’unanimité des commentaires ci-dessus, mais peux comprendre votre amertume. Cela dit, vous avez quand même trouvé l’énergie de produire un amalgame de 18000 signes, avec beaucoup de pathos.
Il me semble qu’il manque un pan important dans votre analyse, celui de votre propre situation au regard de la formation que vous avez portée, enfantée, élevée, etc. Aucun responsable de formation ne devrait être impliqué au point que ce degré d’implication mette la formation en danger, voire la condamne.
Jean-Phi, il semble pourtant que ça ne soit pas absent au point que vous ne l’ayez pas noté.
Quant à ne pas s’impliquer dans ce que l’on fait, rassurez-vous, tout le monde… le fait.
Et, selon moi, c’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes dans un tel merdier.
Mais je peux me tromper.
De tout coeur avec vous.
En 1996, à l’IUT de Fontainebleau, les vacataires d’une formation d’un an de FLE intensif grands débutants pour un groupe d’étudiants Chinois de l’UPVM n’ont pas été payés pendant plus de 3 mois. Le 4ème mois, nous avons décidé de ne plus assurer les cours et nous l’avons fait savoir à la direction. En 48 heures les fonds nécessaires ont été trouvés et payés. La formation, un DU, rapportait un pognon de dingue à l’IUT. Mais je me demande si ce genre de démarche serait efficace aujourd’hui, et pour autre chose qu’un retard de paiement. J’étais chef du département qui hébergeait la formation.
e ne suis pas universitaire, ni professeur, ni rien, seulement une personne qui veut sauver son pays à tous les niveaux. Mais comment ? Dans un premier temps il faudrait accepter de tout et tous « arrêter », comme vous le faites cher Monsieur le Professeur. Nous sommes dans un etau entre l Union européenne et la macronie. Tous deux veulent détruire la France et les autres nations afin d etablir leur gouvernement mondial. C est tout à fait le livre « Le Maitre du monde ». Lisez le et vous comprendrez enfin le but de tout ce dysfonctionnement général
Bien a vous ! et bravo pour votre réaction !….
@Laurence Eyguesier
Ni l UE ni Macron veulent detruire la France (et pourquoi donc d ailleurs voudraient ils faire une chose pareille ?)
La France a survecu a l invasion anglaise (guerre de 100 ans), allemande (1870 ou 1940) et survivra a Macron
Par contre, on est clairement au bout d un systeme inauguré par Mitterrand qui consiste a economiser sur les investissements et frais de fonctionnement pour pouvoir payer de genereuses pensions de retraites et autre depenses sociales (a tel point que les retraités francais ont un niveau de vie superieur aux actifs)
A force de tirer sur la corde, l industrie francaise s est effondree ou est partie en chine, les salaires pas terrible et un cout de la vie elevé poussent les jeunes a etudier autre chose que de la technologie (medecine ou commerce ca paye bien plus) ou a s exiler, d ou un effondrement previsible de la R&D
Tout ca, ca n est pas la faute de l UE (d autres pays s en sortent mieux : Hollande, RFA, autriche par ex) ni de Macron (qui herite du passif mitterando-chiracquo-sakozo-hollandais)
PS: un des gros probleme en France est l administration centrale. Pour justifier leur poste et fonction elle multiplie la paperasse et sterilise toute initiative qui ne vient pas d elle. On arrivera a rien tant qu on aura pas dynamité l EN et sa bureaucratie
@cdg : « Tout ca, ca n est pas la faute de l UE (d autres pays s en sortent mieux : Hollande, RFA, autriche par ex) ni de Macron (qui herite du passif mitterando-chiracquo-sakozo-hollandais) »
Donc par ce qu’il en « hérite » il n’a aucun rôle, aucune responsabilité, rien d’autre à faire que perpétuer ? (et aussi comme vous le faites, blâmer les autres, la paperassse etc)
Un héritage ça peut aussi se refuser.
Cordialement
Merci à toi, merci pour ces années de construction, merci pour ton analyse qu’on ne peut malheureusement lire que les larmes aux yeux. Il y a, dans nos universités, nombre de gens qui la partagent et se débrouillent, tantôt seulement pour agrandir leur espace vital et celui de leurs étudiants, tels des passagers embarqués dans une rame de métro bondée, tantôt pour s’opposer, tantôt pour rire et faire rire de la novlangue et du reste… Tenir bon et compter ses alliés. Et,pour se donner un peu de courage, rester sur le terrain de la langue dont on nous cherche aussi (d’abord) à nous priver. Alerter, avec d’autres.
– sur la langue de bois: https://www.youtube.com/watch?v=8oSIq5mxhv8
-sur les mots orwelliens parachutés les uns après les autres, par exemple : https://www.lemonde.fr/blog/huet/2020/02/20/frederique-vidal-et-la-coopetition/
A te lire,
Françoise.
Navré d’entendre cela…mais quelque peu pas étonné par ce système assez ingrat.
Bonjour,
Voici un cri du coeur dans lequel, comme d’autres collègues, je me retrouve. Mon expérience comporte une variante : après plusieurs années de travail démesuré (travail tard, les week-ends etc.) pour relever un master moribond, et malgré le succès en termes de transformations de très grande ampleur chez les apprenants, mais aussi au regard de tous les indicateurs managériaux (insertion professionnelle etc.), la formation a été supprimée (pour tout à la fois satisfaire les jaloux et diminuer les coûts de l’établissement). Tout le travail (colossal) de l’équipe pédagogique, dont une majorité de non-titulaires et de professionnels,, a été méprisée. L’université m’a tout à la fois fait vivre un enfer et, pour les plus mauvaises raisons du monde, a mis fin à cet enfer (non sans avoir au passage provoqué un immense gâchis…), avant que je ne le fasse moi-même.
Votre conclusion est également la mienne : mettre son énergie ailleurs, au service des valeurs que nous défendons.
Bien chaleureusement,
Bonjour,
Je suis vacataire depuis 1998 !!! à l’Université de Rouen. Tous les ans la même galère pour justifier mes compétences à occuper un poste de chargée de cours (cours magistral en amphi et TD). Une rémunération payée de temps en temps, au bon vouloir des secrétaires qui déclarent vos heures sans même vous faire signer un document (elles déclarent donc ce qu’elles veulent bien déclarer) et cette année « un trop perçu » à rembourser. Un véritable acharnement avec des relances incessantes, sans expliquer le pourquoi d’un tel « trop perçu ». J’ai découvert à cette occasion que je suis un « client » et que je devais « rembourser » une facture ???? J’ai bien sûr exercer un recours : j’attends encore les explications.
Rien, mépris total pour les vacataires.
Je compte donc ne pas reprendre les heures de cours à la rentrée et préfère me consacrer à d’autres centres de formation respectueux de leur salariés.
Cordialement.
Véro76