Près de 12 millions d'enfants, de collégiens et de lycéens vont donc reprendre lundi le chemin des écoles, des collèges et des lycées.
Près de 3 millions d'étudiantes et d'étudiants ne retrouveront probablement pas l'université avant Noël. Alors que certains n'étaient rentrés que depuis quelques semaines. Et que d'autres, les mêmes parfois, ont déjà eu à subir l'arrêt total du présentiel à l'université à compter du mois de Mars 2020.
Je ne discuterai pas les mesures prises. Cela ne m'appartient pas. Mais j'appartiens à une communauté. La communauté universitaire. Dans cette communauté, lors du premier confinement de mars 2020 qui renvoya chez eux, du jour au lendemain et sans aucun espoir de retour près de 3 millions d'étudiantes et d'étudiants, nous avons, comme enseignants autant que comme chercheurs, observé et essayé d'accompagner du mieux possible, c'est à dire insuffisamment et très mal, des jeunes gens et des jeunes filles dont déjà plus de 20% vivaient en temps normal en dessous du seuil de pauvreté. Dont la plupart étaient déjà obligé.e.s de travailler en horaire fractionnés dans divers Bullshit Jobs pour pouvoir simplement un peu survivre. Nous avons observé les ravages de l'éloignement, de l'enfermement dans les cités U, de la fracture numérique, de l'absence de stages, de boulots d'été, d'échanges internationaux, du distanciel se muant le plus souvent en improbable démerdentiel, de l'absence de perspectives. Ces ravages ont été constants. Différents selon les moyens des régions et des universités, différents bien sûr selon les situations individuelles, mais constants.
Et voilà la deuxième vague. Près de trois millions d'étudiant.e.s, une nouvelle fois, vont être totalement coupés de l'université. Les boursiers continueront de bénéficier des repas du CROUS à emporter à un euro. Les autres, parfois dans des situations plus difficiles que les boursiers eux-mêmes pour cause de rupture familiale notamment, les autres n'auront rien. Le RSA ne sera pas étendu aux moins de 25 ans contrairement à ce qui avait un temps été envisagé.
Concernant les universités, le premier ministre a indiqué dans son allocution du 29 Octobre que "seuls les travaux pratiques nécessitant du matériel spécialisé pourront se tenir. Les BU seront ouvertes sur rendez-vous." Et c'est tout. 18 mots. Deux phrases. Pour 3 millions d'étudiantes et d'étudiants. Frédérique Vidal n'avait même pas fait le déplacement. Superfétatoire. Elle devait chercher ses mots, ou sa dignité.
Alors voilà. Toutes les universités vont fermer. Avec peut-être quelques rares exceptions pour les TP "nécessitant du matériel spécifique". Exceptions qui ne tiendront pas 15 jours. Tout le monde le sait. Les universités vont fermer. Pour un mois annoncé. En réalité pour deux mois au moins. Jusqu'à Noël donc. Cela aussi tout le monde le sait. Il y aura du distanciel. On sait faire. On distribuera des clés 4G et quelques ordinateurs aux plus miséreux ou à celles et ceux qui auront le courage de dire leur misère. Tant d'autres se tairont. Nous le savons aussi. Alors il faut, il FAUT que des espaces restent ouverts sur TOUS les campus de France pour continuer de faire lien et pour que TOU.TE.S les étudiant.e.s qui vont se trouver pendant ces deux mois loin de chez elles et eux, sans travail, sans connexion, sans lieu, puissent avoir un endroit pour bosser, pour parler, pour continuer d'aller à l'université. Pour que l'université ne se vide pas, pas une nouvelle fois. Pas avec les conséquences que l'on connaît et que l'on a pu mesurer. Pas avec la désespérance que cela a déclenché. Ce lieu, ce doit être les Bibliothèques Universitaires. C'est impératif. C'est évident. Non seulement elles doivent rester ouvertes mais elles doivent ouvrir avec des amplitudes horaires étendues, aussi tard que possible le soir et pendant le week-end dimanches inclus. Pour que cela soit possible, il faut que des enseignants acceptent d'y être présents sur ces temps d'ouverture considérablement élargis. De manière bénévole. Ils y sont prêts. Nous serons prêts. Nous nous débrouillerons. Nous y arriverons. Enseignants, doctorants, ATER, nous serons prêts. Evidemment. Notre devoir d'enseignant est d'être présent aux côtés de nos étudiantes et de nos étudiants. Et pas simplement en ligne ou par mail. Mais de leur garantir la possibilité d'un accueil physique, sur un campus. Leur campus. Dans le respect des gestes barrière et des mesures sanitaires. Dans le respect surtout, d'une génération de près de trois millions de jeunes gens qui ont droit à une autre considération que les quelques mots prononcés par le premier ministre ce soir, qui ont droit à une autre considération que les mots que n'a jamais prononcé la ministre putativement en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la présidente de l'Université de Nantes, puisque c'est celle où j'exerce,
Madame la ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, puisque vous fûtes aussi présidente d'université avant de devenir mutique,
Monsieur le premier Ministre, Monsieur le Président de la République,
Voilà plus de 10 ans que vous faites voter des lois sur "l'autonomie" des universités. Alors allez au bout. Nos BU sont aujourd'hui nos Bastilles. Et elles le sont à plus d'un titre. Ne laissez pas, ne laissons pas 3 millions d'étudiants "à distance" pendant les mois qui vont venir. Laissez-nous organiser cet accueil. A côté des Restos U qui resteront ouverts pour ne livrer que des plats à emporter, à côté des services de médecine universitaire si indigents pourtant et si abandonnés des politiques publiques mais dont certaines universités ont déjà annoncé qu'ils resteraient aussi ouverts, laissez les Bibliothèques Universitaires ouvertes. Laissez-nous les ouvrir et les tenir. Une université confinée ne peut pas être réduite à un service de médecine et de restauration "et tout le reste à distance". La présence à du sens. Celle des bibliothèques est essentielle. Elles sont nos Bastilles. Donnez-nous les clés. Nous nous chargeons du reste.
Pas d’accord. Vous ne savez rien des BU, vous ne fréquentez, comme vos semblables, que les bibliothécaires et les conservateurs, qui vont tous bénéficier du télétravail.
Je suis cat. C en BU. Pas de télétravail possible. Pas assez de gel et de lingettes, pas d’aération réelle possible, espace de travail interne ultra confiné. Et hiérarchie qui s’en fout, et croit toujours que c’est une gripette. Je suis et reste exposé. Vos propos me donnent envie de chialer, voire de crever.
Bonjour “tartenpion”. Sincèrement vous vous méprenez. Sur moi d’abord, mais c’est normal, vous ne me connaissez pas, et sur le sens de cet appel ensuite : oui je connais et fréquente des cat C en BU. Et aussi plein de cat C ailleurs qu’en BU. L’idée c’est vraiment de répondre à une misère et à un besoin qui sont ceux des étudiants. Et l’idée c’est précisément de ne pas obliger les personnels (quelle que soit leur catégorie) de venir bosser mais justement que des gens volontaires (enseignants et donc … moi) puissent venir faire du bénévolat pour permettre cette ouverture.