Précarité menstruelle étudiante ? La ministre s’en tamponne.

J'ignore si Frédérique Vidal a déjà eu à se fourrer du papier toilette premier prix dans la culotte en guise de protection hygiénique. Mais je pense que non. Et je vais vous expliquer pourquoi. L'histoire commence en Février dernier. Frédérique Vidal qui était en mode "oh la la mais c'est vrai qu'ils ont l'air de morfler les presque 3 millions d'étudiant.e.s dont je suis supposée m'occuper", annonce, des trémolos dans la voix, son grand plan de lutte contre la précarité menstruelle. Tadaaaaaaam. C'était la priorité. Elle l'avait bien compris et on allait voir ce qu'on allait voir. 

Elle était alors péniblement dans la roue boueuse des annonces d'Emmanuel Macron et de son interview de Décembre 2020 au média Brut qui avait fait du sujet de la précarité menstruelle une priorité. Au même titre que la lutte contre les féminicides, les violences policières qui n'existent pas, l'évasion fiscale qui ne doit pas faire oublier la fraude aux allocations et, plus récemment, la fraude à l'achat massif d'écrans plats par ces salauds de pauvres avec leur allocation de rentrée scolaire pour pouvoir colmater les plafonds et les murs des écoles de leurs enfants qui s'effondrent. Autant vous dire qu'on était sur un niveau de confiance … relatif. Mais bon. Le 24 Janvier 2021 le même Macron annonçait le repas à un euro pour tou.te.s les étudiant.e.s. Faut dire qu'il était temps et les images des files d'attente devant des universités transformées en autant de succursales des restos du coeur, ça commençait à faire tache dans la 6ème puissance mondiale. Donc repas à un euros pour tout le monde et grand plan de lutte contre la précarité menstruelle annoncé pile un mois plus tard par Frédérique Vidal.

Le 23 Février, Frédérique Vidal annonce que "dans les toutes prochaines semaines" (lol) on installera plein de distributeurs entièrement gratuits dans les universités. Et elle ajoute – retenez bien ce chiffre – "on vise plus de 1500 distributeurs à la rentrée." Si vous ne me croyez pas, c'est là

Capture d’écran 2021-09-06 à 22.49.05

Alors voilà, justement ça tombe bien, c'est la rentrée à l'université. Et aujourd'hui dans mon université, celle de Nantes, qui est l'une des plus importantes universités de France en nombre d'étudiants (40 000 à la louche), la présidence de l'université organisait un petit Zoom de rentrée avec l'ensemble des personnels, pour parler … bah de la rentrée et des préoccupations, questions et éventuellement inquiétudes de chacun. 

Donc moi, j'ai posé une question dans le chat vu que mon micro était en carafe. Bref. J'ai dit : "Concernant les annonces de Frédérique Vidal de Février dernier pour lutter contre la précarité menstruelle, on en est où de l'installation des distributeurs sur nos campus ? Y'en aura combien ? Et quand seront-ils mis en service ? Merci." Et puis j'ai attendu. Et là … 

7 d'un coup.

J'ai donc appris que l'université de Nantes, qui compte près de 40 000 étudiants dont plus de 55% sont des étudiantes, allait implanter, courant Septembre … sept distributeurs de protections hygiéniques gratuites. Sept distributeurs pour donc, à la louche, 22 000 étudiantes. WOW. Ou plutôt WTF. Sept distributeurs pour 22 000 étudiantes. Pour tous les campus de l'université de Nantes (qui dispose donc de campus à Saint-Nazaire et à La Roche-sur-Yon en plus des différents campus Nanto-Nantais de la fac de sciences, de lettres, de droit, etc.). 7 campus, 7 distributeurs. Voilà voilà.

Sept. Putains. De. Distributeurs. Pour 22 000 étudiantes. Pour vous éviter le calcul de tête, ça fait un distributeur pour plus de 3142 étudiantes. Mate la longueur de la file d'attente et va pleurer. 

Vous vous rappelez des chiffres annoncés par Frédérique Vidal ? "On vise 1500 distributeurs à la rentrée." Bon. En gros il y a un peu moins de 70 universités publiques en France (Nantes étant l'une des plus "grosses" en nombre d'étudiant.e.s), donc sept multiplié par soixante dix ça fait 490 distributeurs. Visiblement il en manque encore mille par rapport au chiffre annoncé.

Faut dire que la précarité menstruelle ça doit être comme la précarité alimentaire hein. Dès que la crise est finie (bon bah je vous l'annonce, visiblement elle est finie d'après le gouvernement), les étudiant.e.s retrouvent des frigos magiques dans lesquels 7 fruits et légumes frais poussent tous les jours à l'intérieur du bac à glaçon. Et donc au rythme de sept distributeurs pour 22 000 étudiantes, j'imagine qu'en sortie de crise y'a aussi du coton magique qui doit pousser directement à l'intérieur du vagin des filles. Sinon je ne vois pas comment on prétend régler le problème de la précarité menstruelle. Vraiment je ne vois pas. 

La réalité c'est que Frédérique Vidal a menti. Une fois de plus. Les annonces du grand plan de lutte contre la précarité menstruelle étudiante n'ont été suivies d'aucun financement direct adressé aux universités. Je vais vous écrire de nouveau cette phrase et vous la mettre bien en gras pour que vous mesuriez le niveau de cynisme et de foutage de gueule de Frédérique Vidal et de son ministère : les annonces du grand plan de lutte contre la précarité menstruelle étudiante n'ont été suivies d'aucun financement direct adressé aux universités. A charge donc pour les universités (dont les financements sont déjà à l'os suite au désengagement de l'état depuis 15 ans) de taper dans leurs caisses vides ou dans la manne de la CVEC si elles veulent faire quelque chose. 

Résultat : 7 distributeurs pour 22 000 étudiantes. 

Je vous ai beaucoup parlé des étudiantes et des étudiants pendant les 2 années universitaires fracassées qu'ils et elles ont traversé, et nous avec elles et eux. Je vous ai aussi raconté qu'on avait monté sur le campus de La Roche-sur-Yon, comme dans plein d'autres campus en France, une distribution alimentaire et de produits d'hygiène gratuite. Pendant toute cette dernière année universitaire (et cette année on remet ça et ce n'est malheureusement pas près de s'arrêter …), on bosse avec des associations comme Féminité sans abri, et plein d'autres gens qui font des dons de produits d'hygiène féminine : tampons, protections, etc. Et à chaque distribution sur nos campus, je peux vous confirmer que c'est utile. 

Alors voilà. Ce soir j'ai un peu de honte et aussi surtout beaucoup de colère. Parce que depuis 2 ans maintenant, j'ai aussi une expérience, disons bien plus "sensible", bien plus concrète en tout cas, de ces réalités, et des mots que les gens qui les vivent mettent dessus. C'est pour ça que j'ai commencé mon billet par inviter Frédérique Vidal à se coller du papier cul Lidl premier prix dans la culotte en guise de protection. Parce que c'est comme ça, souvent, que font nos étudiantes quand il faut choisir entre se soigner, ou bouffer, ou s'acheter des tampons. Et que ce n'est plus possible. 

Je ne sais pas où sont ces putains de 1500 distributeurs promis par Vidal. Je ne sais pas quel niveau de cynisme il faut avoir atteint pour mentir à ce point sur de tels sujets. Je ne sais plus quoi faire quand j'apprends qu'il y aura 7 distributeurs en service dans une université de plus de 22 000 étudiantes. Je sais que sur le terrain tout le monde essaie de faire ce qu'il peut avec de l'argent qu'il n'a pas et avec du temps qu'il n'a plus. Et je sais que si les 7 distributeurs pour 22 000 étudiantes de l'université de Nantes apparaissent pathétiquement insuffisants, d'autres universités ne feront probablement même pas cet effort puisque les annonces du grand plan de lutte contre la précarité menstruelle étudiante n'ont été suivies d'aucun financement direct adressé aux universités. Voilà où nous en sommes en cette rentrée 2021 du grand plan de lutte contre la précarité menstruelle.

Je ne sais pas si Frédérique Vidal a eu a se fourrer du papier cul premier prix dans la culotte quand elle était étudiante. Mais je sais qu'elle a menti. Une fois de plus. Et j'espère qu'elle a honte. Parce que sur le terrain quand il faut se coltiner ce genre d'annonce, je nous jure que nous, nous avons honte. 

2 commentaires pour “Précarité menstruelle étudiante ? La ministre s’en tamponne.

  1. Par curiosité, j’ai fait une requête sur les distributeurs inventoriés en France, sur OpenStreetMap :
    https://overpass-turbo.eu/s/1aZp
    13 sont inventoriés actuellement, avec une majorité à Besançon, avec l’entreprise https://margueriteetcie.com/
    Cette entreprise est bretonne (Lesconil) et leurs distributeurs sont apparemment disponibles dans bien d’autres endroits de France, dont Rennes (aucun ne figure sur OSM ; contributeurs, à vos claviers !).
    C’est aussi cette entreprise qui va équiper, d’ici fin 2021, 141 collèges publics et privés de Loire-Atlantique :
    https://www.loire-atlantique.fr/44/education-et-colleges/quoi-de-neuf-pour-les-eleves-des-colleges-a-la-rentree-2021/c_1371059

  2. J’ai toujours pensé que c’était de l’arnaque, ce concept… Ne pas avoir d’argent pour quelque chose d’aussi basique que des protections hygiéniques, ce n’est pas de la “précarité menstruelle”, c’est de la précarité, c’est tout… Autant augmenter les aides du CROUS et s’épargner l’installation de distributeurs

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