Ce sera donc Méta. Le nouveau nom de la firme englobant Facebook, Instagram, Messenger, WhatsApp, etc. sera "méta". J'ai perdu mon pari 🙂
"Méta" de "métavers". Voilà pour le "naming" et le "rebranding". On peut maintenant parler … D'autre chose 🙂
(Merci @IamHappyToast pour le photomontage)
"Méta" c'est, dans l'histoire du web, le nom de ces balises, initialement utilisées pour le référencement.
"Méta" c'est aussi une caste, celle des méta-barons.
"Métavers" c'est cet univers virtuel, double du nôtre, théorisé et romancé par Neal Stephenson en 1992 dans "Snow Crash" (traduit : Le Samouraï virtuel).
"Méta" c'est étymologiquement ce qui est sur un plan différent permettant de voir différemment le plan initial : les métadonnées sont des données sur les données, les métaconnaissances sont des connaissances sur des connaissances, la métacognition c'est que que l'on sait de soi, de ses propres capacités cognitives, les métalangage c'est un langage qui permet décrire une langue naturelle, et ainsi de suite. Alors "Méta" pour Facebook et pour le "métavers" c'est un univers qui permet de nous voir interagissant dans le notre, d'univers.
Le projet du métavers est celui d'une privation sensorielle totale.
Carrément. À regarder rapidement hier soir la "démonstration" du métavers de Zuckerberg, sorte de 2nd Life sous stéroïdes où l'on pourra se déguiser en poney ou en licorne pour se projeter dans une séance de visioconférence et basculer ensuite dans un univers de Gaming "immersif" et faire de la planche à voile en slip, je me disais que finalement, l'ambition de Zuckerberg était de nous plonger dans une sorte de privation sensorielle totale. Je m'explique.
Dans son univers "méta", dans son métavers, toutes les interactions se font donc virtuelles, immersives et prétendument augmentées. On a donc son casque rivé sur la tronche, on saisit soit ses gants haptiques soit les espèces de bâtons de ski à retour de force qui nous permettent de piloter les interactions et c'est parti.
Les bâtons de ski pour faire plein de sport immersif comme sur sa Wii des années 2000
et donc une sorte de slip immersif connecté
(bon en vrai je ne sais pas ce que c'est mais avouez que ça ressemble à un slip connecté immersif à retour de force)
Quand je dis que le projet de Zuckerberg est de nous placer en situation de privation sensorielle, c'est que chaque nouvel appareillage, chaque nouvel équipement, commence par nous priver de quelque chose pour pouvoir ensuite et ensuite seulement nous permettre d'accéder à cette virtualité pour l'instant assez rudimentaire.
Au commencement de la firme, les discours de Zuckerberg adoptaient au sujet du numérique (et de Facebook) un positionnement palliatif. Il s'agissait de nous permettre de socialiser plus facilement parce que l'on était empêché de le faire (par la distance, par le temps, par le manque de connaissances, etc.) Il s'agissait de nous permettre de socialiser et d'interagir plus facilement dans la mesure où cela nous permettait de revenir au réel. Le virtuel n'était pas (encore) un horizon indépassable mais une étape, un processus de compensation, d'équilibrage.
Il faut se souvenir que pendant longtemps, et de manière encore très récente lors de différents mouvements sociaux, la force de Facebook fut sa capacité d'organiser et de coordonner des manifestations, des actions collectives, dans le monde réel.
Ce qui semble avoir changé avec cette présentation du métavers c'est un peu, comme le rappelait Dominique Cardon ce matin sur France Inter, comme si le réel de l'humanité était devenu trop pesant pour Zuckerberg, fatigué d'être sommé à comparaître devant tout un tas d'assemblées et d'états au nom des errements et des graves inconséquences et manquements de son entreprise. Alors on (il …) développe et se réfugie dans un monde où tout est encore plus sous son contrôle, et où l'on peut singer toute forme d'activité réelle mais avec des avatars à tronche de licorne ou de poney.
Et oui c'est un projet de privation sensorielle car pour pouvoir commencer à interagir dans le métavers, il faut commencer par renoncer à interagir dans le monde réel. A la manière de la pente problématique sur laquelle Facebook s'est engagé et nous a engagé avec lui, de la même manière que l'interaction en ligne à fini par supplanter l'intérêt de l'interaction réelle plutôt que de la déclencher ou de permettre d'en mesurer le manque (je schématise un peu ok mais bon c'est l'idée …), il s'agit ici d'une forme de réalité remplacée et non plus de réalité augmentée ou prolongée même si c'est encore bien sûr, ce que Zuckerberg explique. Le métavers c'est l'Oasis de Ready Player One, où l'on ne se déploie, là-bas, que parce que l'on est fondamentalement empêché ou entravé, ici.
Zuckerberg a annoncé vouloir invertir des millions sur les 10 prochaines années pour faire du métavers un incontournable. Il a aussi annoncer des dizaines de milliers de recrutement pour bâtir ce métavers. En pleine pandémie mondiale, Facebook fut aussi l'une des toutes premières entreprises à annoncer comme objectif qu'au moins la moitié de ses salarié.e.s puissent travailler entièrement chez eux d'ici 5 à 10 ans.
Embodied Internet.
Au début de sa démo, Zuckerberg parle d'un "embodied Internet", un internet incarné, métabolisé. C'est pour lui, dans son esprit de développeur, une sorte de suite aussi logique qu'inexorable. Internet, l'expérience numérique, ne peut devenir autre chose qu'incarnée et que métabolisée.
Dès 2017 dans la conférence F8 pour les développeurs, on trouvait cette diapositive qui décrit bien la timeline dans laquelle s'inscrit la firme :
Alors une fois cet internet métabolisé, et pour qu'il le soit, il faut, bien sûr, l'équiper : gants, lunettes, casques, etc. C'est le premier étage de la stratégie commerciale de l'internet métabolisé.
La suite de cette stratégie commerciale, c'est l'orientation clairement "gaming immersif" donnée à la présentation et qui fait sens : la firme peut en effet prétendre aller chercher des jeunes gens et des jeunes filles dont l'activité de gaming échappe pour l'instant à Facebook pour se concentrer autour de différentes consoles. C'est clairement un marché où Facebook est encore déficitaire et où il peut recruter de nouveaux usagers.
Pour le reste par contre … j'avoue que j'y crois assez peu. Pour que le métavers de Zuckerberg fonctionne au niveau de croissance auquel il semble aspirer, il va falloir multiplier les équipements assez coûteux côté usagers (casques, manettes, etc.) et surtout les ressources machine permettant de faire tourner cet environnement virtuel sous stéroïdes. L'empreinte carbone du Métavers va faire de chaque membre du foyer l'équivalent d'un possesseur de SUV.
D'autant qu'il y aura (c'est toujours Mark qui le dit …) non pas un mais des métavers. On aura des "garde-robe d'avatars", et "votre maison sera votre espace personnel d'où vous pourrez vous téléporter n'importe où" ajoute-t-il. Tout dans sa "démo" n'est que mouvements, déplacements, téléportations, gestuelles, paysages somptueux sur commande. La réalité c'est que pour tout ça il nous faudra accepter d'être aveugles (avec un casque sur la tronche) et essentiellement immobiles collés dans notre canapé. Privation sensorielle donc.
Se téléporter dans le métavers ce sera "comme cliquer sur un lien hypertexte", dit-il encore. Et d'ajouter : cela nécessitera de l'interopérabilité. Bah oui. Faudra que les univers métaversiens soient compatibles.
Donc le plus simple sera, vous l'aurez compris, d'aller directement les créer "dans" ou "depuis" Facebook, enfin "Méta".
Sur le modèle économique du métavers.
Ce sera l'occasion, comme dans n'importe quel univers de gaming, de s'acheter des skins, des avatars relookés, des accès à des fonctions particulières de certains univers, bref du Brand Content, du contenu porté par des marques ou des annonceurs.
Et puis il y aura un "marketplace" où des créateurs pourront vendre leurs créations en 3D. Une sorte d'Affaire conclue mais à l'américaine 😉 Pour l'instant Zuckerberg n'a pas précisé le montant de la commission que prélèverait Facebook sur chaque vente. A moins qu'il ne parte davantage sur la tarification d'un ticket d'entrée permettant de commencer à créer ses objets en 3D destinés à la vente.
Le bullshit climax est atteint à la 40ème minute où on nous emmène discuter dans le métavers avec Jackie, instagrammeuse beauté et créatrice de bougies parfumées, qui va pouvoir créer son entreprise dans le métavers (= y vendre des objets 3D représentant ses bougies parfumées). Là j'ai vraiment hésité entre continuer le visionnage ou entrer directement en dépression.
(entretien dans le métavers personnel de Jackie, instagrammeuse bougie)
Grâce au métavers de Jackie qui "adooooore les tons pastels" tu vas pouvoir continuer de la suivre sur Insta mais surtout elle va pouvoir de proposer de venir la rencontrer dans son métavers moyennant finance. Yolo bro. Le pire c'est qu'à mon avis c'est ce truc là qui va cartonner en premier. Aller discuter en réalité virtuelle avec des instagrammeuses en lâchant ponctuellement ou sur abonnement ou forfait de la monnaie tout sauf virtuelle.
Il y aura aussi des sortes de contenus "premium" vous permettant de vous faire une sortie au Futuroscope sans sortir de votre cuisine, et vas-y que tu pourras plonger dans la grande barrière de Corail comme si tu y étais avec Jean-Michel, instagrammeur plongeur, et te faire un raid en 4D max sur un volcan à deux doigts de l'éruption avec Haroun T., instagrammeur décédé. Et on paiera pour ça.
Et puis Last but not Least, il y aura même des formations, des Moocs, disponibles sur Coursera et une autre plateforme, pour apprendre à créer des tas d'objets, de textures, d'environnements, "d'effets" que vous pourrez ensuite vendre dans le métavers. Avec un programme spécial d'accompagnement pour les "créateurs". Bref. Comme sur YouTube quoi. Et comme chez Ford aussi. Les OS du Métavers. Formés, diplômés, puis accompagnés, puis rémunérés, par et chez "Méta".
Un milliard d'utilisateurs. Et ta soeur.
Zuckerberg annonce viser un milliard d'utilisateurs dans 10 ans. Pas impossible que ça marche. Ne serait-ce que parce que dans 10 ans il est probable qu'il soit impossible de sortir de chez soi une bonne partie de l'année à cause du réchauffement climatique ou d'un nouveau virus aéroporté ou des deux à la fois.
Alors, alors seulement, le métavers pourrait presque ressembler à un truc vaguement cool. Pour l'instant c'est surtout assez flippant et désespérant.
Vous me direz, quoi que fasse Zuckerberg, même lorsqu'il se prend en photo devant le nouveau panneau de son siège social, c'est inquiétant …
Is this a man ? Is this a robot ? Is this an avatar of a bot of a man ?
« Second life » v2.0, ça fait rêver dis-donc 🙂
Je confirme ça fait rêver ^^