Voilà quelques années maintenant que je m’intéresse (et que j’essaie d’intéresser les autres, au premier rang desquels mes étudiants) à la recherche d’information. Voilà quelques années également que l’on parle des technologies "push" qui après une série de promesses novatrices engendrèrent dans un premier temps (faute de services pertinents) beaucoup plus de désenchantement que de statisfaction. Ces technologies ont cependant désormais recouvrées une nouvelle jeunesse et de nouvelles ambitions, grâce notamment à l’avènement du RSS et (même s’il ne s’agit cette fois encore que de promesses) au web sémantique. Voici quelques temps également que je m’intéresse avec un collègue niçois au phénomène de sérendipité (ou ‘faculté de trouver avec habilité quelque chose que l’on ne cherchait pas’). Or donc, voici que je m’aperçois soudainement que nonobstant les centres d’intérêt précités, je ne suis plus un "chercheur" d’information mais bien un "trouveur", et me trouve du même coup au centre de mon sujet d’étude (la sérendipité et la recherche d’information).
Je m’explique … Il y a maintenant quelques mois que, contrairement à ma pratique professionnelle précédente qui m’obligeait à être constamment "en recherche" d’information pour étayer mes centres d’intérêt, mes articles ou mes cours, il y a maintenant quelques mois disais-je, que si j’exagère un peu (à peine) je n’ai plus utilisé un moteur de recherche pour déposer une requête … Et pourtant je n’ai jamais trouvé autant d’information, aussi vite et de manière aussi pertinente au regard de mes centres d’intérêts. Comment est-ce possible ?
Grâce à la sérendipité, aux blogs et aux techniques de visualisation de l’information.
Commençons par les blogs. Il semble que je bénéficie de "l’effet pundit". Les ‘pundit’ sont ces experts souvent auto-proclamés (espérons que ce ne soit pas mon cas) qui drainent vers eux et sur un domaine de compétence plus ou moins étroit les avis et commentaires d’autres experts. Or il se trouve que via UrfistInfo tout d’abord, puis affordance.info, je suis devenu un (petit) centre névralgique vers lequel se tournent les regards éclairants et les commentaires judicieux sur les thématiques que je m’efforce de traiter. Or il n’est qu’à utiliser les petits gadgets de visualisation qui figurent dans la colonne de gauche de ce blog (sous la rubrique ‘d’où venez-vous’) pour avoir une idée en temps réel des blogs qui viennent visiter celui-ci et qui sont bien souvent des sources incontournables d’informations sur les mêmes sujets. Nous sommes donc ici en présence d’une communauté d’intérêt générée et non imposée par une quelconque hiérarchie ou administration, ce qui fait à la fois sa force et sa pertinence. Car en effet ces blogs que j’ai découvert par le biais des mes petits outils de "suivi de visite" sont de facto ceux dans lesquels je puise bon nombre d’informations ou d’idées pour mes propres billets et mes propres recherches. Ils sont également ceux à partir desquels je découvre (via leurs propres listes de liens – blogroll-) les autres blogs restant à visiter de ma propre initiative.
Seconde étape : les techniques de visualisation et le "temps réel". Des outils comme celui-ci me permettent de fureter en quête de débats ou d’opinions à relayer sur mon blog. Outils auxquels s’ajoutent les fameux "tags" (folksonomies) et leurs propres techniques de visualisation (tagclouds) qui là encore permettent d’agréger "au fil de l’eau" nombre de sites ou de billets pertinents.
Troisième étape : le RSS. Ayant constitué (grâce aux deux étapes précédentes – et à pas mal de temps quand même – une liste de fils RSS à la fois très centrés mais aussi très ‘à la marge’ au regard des questions qui m’intéressent, et en monitorant de temps en temps lesdits fils, il est fréquent que l’un de ces billets soit à son tour source d’inspiration pour étayer et/ou réfuter et/ou faire naître une nopuvelle idée, un nouvel argument.
Chacune de ces trois étapes est le plus souvent accomplie de manière totalement fortuite (ou sérendipiteuse (mais pour le coup la finale ‘piteuse’ sonne assez mal ;-).
Enfin, les moteurs de recherche classiques (que je n’utilise guère plus de manière classique) ont également contribué à faire de moi ce ‘trouveur’ grâce d’une part au mouvement de dérive des continents informationnels qu’ils stigmatisent et grâce également aux nouveaux outils relevant de la sérendipité qu’ils implémentent à tour de bras.
Pour résumer : je n’ai jamais "trouvé" autant d’information, autant d’information "pertinente", en si peu de temps, et en déployant si peu de techniques avancées de recherche (booléens, outils de veille, etc.).
A vous décourager d’enseigner cela aux étudiants 😉 Sauf à pondérer le tout par l’un des corrélats de la sérendipité : "la chance ne sourit qu’aux esprits préparés" qui, si on la met en résonnance avec l’aristotélicienne "tout est dans tout" (et réciproquement), implique que je n’aurai jamais pu si naturellement passer de l’éreintant statut de ‘chercheur’ à celui, jubilatoire de ‘trouveur’, si l’un n’avait précédé l’autre, et si n’avait pré-existée la "base de connaissance personnelle" péniblement constituée au fil des années et qui semble aujourd’hui avoir trouvé son seuil de sérendipité : celui à partir duquel elle comporte suffisamment d’informations et de sources permettant de renvoyer vers d’autres dont la majorité s’avérera pertinente et dans lesquelles le bruit informationnel sera quantité négligeable.
Folksonomies, Social Bookmarking, Glocalisation, Sérendipité, Veille & Recherche d'info, Weblogs, Wikis & RSS
J’aime beaucoup cette idée:
« ces blogs que j’ai découvert par le biais des mes petits outils de « suivi de visite » sont de facto ceux dans lesquels je puise bon nombre d’informations ou d’idées pour mes propres billets et mes propres recherches. Ils sont également ceux à partir desquels je découvre (via leurs propres listes de liens – blogroll-) les autres blogs restant à visiter de ma propre initiative. »
C’est quelque chose que j’avais aussi défendu à un séminaire Doc Forum en présentant l’aggrégateur rss4you: http://www.docforum.tm.fr/documents/25mai04WeblogInterOrtelli-NovaRss4you.pdf
En gros cela part de l’idée que tous les outils qui permettent de savoir qui nous lit peuvent etre intéressant pour découvrir de l’information nous intéressant (du fait de l’intéret de la communauté de pratique).
Très bon résumé, que je rejoins totalement, Olivier.
Cela rejoint l’idée évoquée par ce bloggeur/referenceur americain, que j’avais aussi évoqué le 11 octobre à Lyon :
http://www.searchengineblog.com/2005/10/search-engines-in-less-useful-than.html
« I get told interesting stuff that I never would have gone looking for »
Pour ma part j’utilise énormément les statistiques de fréquentation de mon site et plus particulièrement le IP hostname croisé avec un reverse IP Lookup et bien évidemment l’URL d’accés.
On pourrait faire une hypothèse tout à fait inversée : Les milieux s’enferment sur eux-même et l’information devient circulaire.
Une information précise, rapide mais réduite dans sa diversité, favorise l’idée de la trouvaille, qui n’est peut-être que le silence sur le reste.
Il faudrait alors bientôt retourner à la bonne vieille et salutaire recherche d’information..
Pour rebondir à ce que dit JM Salun, je suis pas 100% d’accord avec l’assertion « Les milieux s’enferment sur eux-même et l’information devient circulaire ». Il arrive en effet des situations ou un sujet/information précis concerne une communauté inter/pluri/mutli-disciplinaire. La communauté est alors constituée autour de son intéret pour ce thème et accueille par exemple des contributions (je prends l’exemple des blogs) traitant de ce thème mais avec des points de vue différent (car liés aux backgrounds/travaux/activités des participants). Ces contributions pouvant enrichier la découverte des nouvelles trouvailles (par ‘serendipity’). Par exemple, dans ma discipline (interaction homme-machine), il existe une forte communauté blog/wiki/forum/mailing list constituée d’informaticiens, ergonomes, psychologues, architectes, designers… Ceux-ci amènent des perspectives différentes et donc de la matière (liens, documents, notes de lectures…) nouvelles pour chacun.
Bien sur dans le cas que je cite, il s’agit plus d’etre « au courant » (awareness) de ce qui se passe autour d’une idée que de chercher et trouver l’info qui manquait à chacun.
JeanMichel> Je ne croie pas que l’idée (ou le principe) même de la commnauté d’intérêt présente un risque de circularité, en tout cas pas supérieur à celui d’une recherche classique ou isolée. Il me semble même qu’à la condition que lesdites commununautés d’intérêt aient été constituées sur la base d’un « intérêt mutuel » et d’une l’ouverture pluri-disciplinaire, elles font la preuve de leur pertinence et renforcent les capacités de chacun des membres à mieux cerner un sujet ou une thématique. Faudrait peut-être poser la question à Roger 😉 (=rtp-doc pour les non-initiés).
J’aime aussi beaucoup la notion d' »awareness » mise en avant par Nicolas. Il me semble que les outils et techniques citées par moi-même et les commentateurs de ce billet permettent, dans le cadre d’une tâche ou d’une aciton de recherche ciblée de se mettre en situation de réceptivité maximale et donc à l’opposé du risque de circularité que tu soulignes. Ceci étant (et dans ce sens mon billet était un peu provocateur et ta remarque justifiée) il ne s’agit que d’une approche qui n’efface pas la nécessité des recherche classiques sur certains sujets et dans certains contextes. Disons simplement que grâce aux éléments cités (RSS, blogs, techniques de visualisation, etc …) les technologies « push » ont enfin trouvé des « méthodologies » appropriées et une adéquation inédite avec les besoins d’un certain type de public.
L’information ne devient pas Amha circulaire. Une spirale tourbillonante serait peut-être plus adaptés comme image : L’information s’enrichit en permanence d’apports exterieurs, mais ces nouveaux usage permettent d’exploiter le coeur de la spirale, là ou la densité d’information est la plus grande.
Les outils de mise en commun de l’information ne sont qu’un point de contact entre les individus, parmi d’autres. L’information vient de toutes parts, mais elle est juste filtrée et concentrée dans ces réseaux.
Et comme le souligne Olivier, les utilisateurs bien qu’ayant des points de contact sont parfois d’univers très différents, je suis par exemple dans le Search Marketing…
Voila, c’est cette notion d’utilisateurs venant d’univers trés différents que je trouve intéressante, pertinente et utile pour la découverte d’information (qui est plus un backgroun awareness qu’une recherche précise). Pardon pour mes anglicismes.
L’homme est un réseau pensant
G. Siemens propose une présentation powerpoint et ses commentaires enregistrés sur le connectivisme ou la manière de repenser l’apprentissage à l’ère digitale. Dit comme cela (c’est la loi du genre avec les powerpoints …) il faudrait un ouvrage entie…
Awareness, sérendipité … éveil, ouverture, disponibilité. Ces termes pourraient être utilisés dans un cours (un accompagnement) de savoir-être. Ouille, aïe, mais il y a tant de charlatans psy avec tant de pratiques douteuses. Ce n’est pas une raison. Un bon prof sait « naturellement » éveiller ses élèves, et les rendre peu à peu conscients qu’ils sont en train (en chemin) de s’éveiller.
Et un adulte (sans prof) ? Une pratique d’outils / de communautés (blogs wikis mond mapping etc.) peut contribuer à l’éveiller. Il sera sérendipiteux (horrible, le piteux, en effet. Sérendipinard ? Hum.) lorsqu’il pratiquera naturellement (sans réfléchir) le partage, donc la possibilité de bénéficier de choses différentes. Différence –> Emergence , merci Darwin.
A propos de partage, les services basés sur la valeur contributive (dans tous les sens du terme) de l’utilisateur, c’est très Web 2.0 (oui, Ebay avait aussi démontré la chose, bien avant). Et la sérendipité, dans tous ces nouveaux services ? Il y a dans les bons projets des spécialistes de la technique, du design, etc. Pourquoi pas des … sérendipistards (heu …).
Est ce que O. Ertscheid ou d’autres seraient intéressés à injecter de la sérendipité dans les projets (ou les porteurs de projets) français Web 2.0 (pitié, pas de querelle sur ce vocable) ? Pourquoi français ? Parce qu’il n’y a pas de raison que ces projets soit éternellement humbles devant les Google Flickr etc.
Comme quoi, le documentaliste aurait intérêt à cesser d’être un pur spectateur.
En effet, si on ne cherche plus/trouve grâce aux auteurs de blogs (RSS, blogrolls), c’est aussi parce qu’on est soi-même auteur (commentaires sur son blog, referers). Autrement dit : pour trouver, il ne suffit plus de chercher, il faut participer — ce qui ne veut pas dire perdre toute distance.
http://www.precisement.org/blog/article.php3?id_article=131
certainement interessant… je n’ai malheureusement pu lire qu’entre les lignes ce long blog(c) de texte car j’ai tellement d’autres choses a faire…
il faudra definitivement penser a adapter le contenu au media et garder a l’esprit que trop d’information…nuie a l’information!