Le modèle américain de l’université ?

A l’heure où ça commence à sérieusement chauffer du côté des facs, on lira avec intérêt le compte-rendu du discours de la nouvelle présidente de l’université d’Harvard,  qui doit à n’en pas douter être l’un des modèles de Sarko l’américain et de Valérie Pêcheresse :   
Titre :
La première femme à prendre les rennes d’Harvard
Article :
Drew Gilpin Faust, première présidente de l’université d’Harvard, a pris ses fonctions vendredi 12 octobre 2007 avec un discours offensif de défense des valeurs de l’enseignement supérieur qui seraient menacées par les exigences d’évaluation des enseignements et l’obligation de former la main-d’oeuvre destinée à une économie mondialisée. Selon la présidente, "l’essence même de l’université est qu’elle est comptable vis-à-vis du passé et du futur, pas simplement et pas même en premier lieu, vis-à-vis du présent". Pour Drew Gilpin Faust, historienne de formation et ancienne directrice du Radcliffe Institute for Advanced Study, "l’université, ce n’est pas seulement les résultats financiers du prochain trimestre. Ce n’est même pas ce qu’un étudiant est devenu au moment de la remise de son diplôme. Il s’agit d’un enseignement qui modèle à vie, un enseignement qui transmet l’héritage des millénaires, un enseignement qui façonne l’avenir." Elle s’est clairement et fortement opposée dans son discours aux tentatives de l’État fédéral de rendre les universités comptables de ce qu’elles enseignent en essayant de le quantifier. Elle en a appelé aux universités afin qu’elles "prennent l’initiative en définissant elles-mêmes ce dont elles sont
comptables".
DIVERSIFIER LES EFFECTIFS
Son discours inaugural a également apporté une défense ferme du rôle traditionnel de l’université qui est "l’organisatrice d’une tradition vivante", mais aussi un lieu "pour les philosophes autant que pour les scientifiques", où l’enseignement et la connaissance sont valorisés en partie "parce qu’ils définissent ce qui, à travers les siècles, a fait de nous des humains et pas parce qu’ils peuvent améliorer notre compétitivité mondiale".
Elle a en outre signalé sa volonté de rendre l’enseignement à Harvard "disponible et accessible", et de diversifier les effectifs de l’université : "Ceux qui regrettent un âge d’or perdu de l’enseignement supérieur devraient penser à la partie très limitée de la population à qui cette utopie était destinée. L’université était réservée à une petite élite; désormais, elle sert les masses, pas seulement quelques privilégiés."
Elle ajoute que les universités américaines ont servi "à la fois d’emblème et de moteur pour l’expansion de la citoyenneté, de l’égalité et des chances accordées aux Noirs, aux femmes, aux Juifs, aux immigrants et à d’autres groupes qui auraient été mis dans des quotas voire exclus à des époques antérieures". Même si elle a axé son discours sur les idées, Drew Gilpin Faust n’a pas oublié de rappeler qu’il était indispensable qu’Harvard soit à la pointe de la recherche scientifique mais que cela ne devait pas se faire au détriment des valeurs humanistes de l’établissement: "Il est urgent pour nous de poser les questions d’éthique et de sens de notre action qui nous permettront de nous confronter à la signification humaine, sociale et morale de notre relation changeante avec le monde qui nous entoure."
Source: "The New York Times" du 13 octobre 2007
Traduction récupérée via une source syndicale.

6 commentaires pour “Le modèle américain de l’université ?

  1. Bonjour Olivier,
    Même s’il faut applaudir le plaidoyer, la comparaison avec la France est impossible et dangereuse, pour toutes les universités US, mais peut-être encore plus pour Harvard fleuron en la matière. Le modèle économique, en dehors des dérives dénoncées par la présidente, repose TRES largement sur la récolte de fonds privés auprès des anciens élèves et des corporations. Une bonne partie du temps de ses dirigeants est entièrement consacré à cette tâche.
    Alors ce discours est aussi dirigé vers ces donateurs pour les inciter à donner encore plus. J’ajoute que ces donations permettent de très substantiels gains fiscaux, jusqu’à parfois, s’ils ont été bien programmés à l’avance, en cas d’héritage un gain pour les deux parties : les héritiers qui reçoivent plus que dans la fiscalité ordinaire et l’université.
    Dans ces conditions, il est plus facile de donner quelques leçons de morale..

  2. Jean-Michel> Merci de ces précisions 🙂 Ceci étant, les logiques « réformistes » demeurent les mêmes ou vont à tout le moins dans la même direction. Et en prenant en compte les arguments que tu rapportes, les résultats risquent d’être, pour ces raisons là, encore pires ici que là-bas …

  3. Juste comme ça au passage : on ne dit pas l’Université d’Harvard ou l’Université de Yale ou l’Université de Stanford… mais l’Université Harvard (en hommage à John Harvard), l’Université Yale (son bienfaiteur était Elihu Yale) et l’Université Stanford (son fondateur Leland Stanford).

  4. Jean Michel>C’est tout de même réconfortant d’entendre de tels propos venant d’outre atlantique.
    On aimerait quelquefois une pareille véhémence dans le monde universitaire français !
    Surtout en ce moment !
    Pour dénoncer des dérives peut-être, en tout cas une réaction certaine et vigoureuse à un modèle que l’on tente de nous imposer;
    Et si les propos de la nouvelle directrice de Harvard ne concernaient pas de simples dérives mais s’apparentaient à des conséquences systémiques ?

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