Article "de commande" pour la prochaine parution de la brochure "Repère" de l’ENSSIB (qui dispose également d’un site web)
- Le web 2.0 : partage et collaboration
Le web 2.0 désigne, pour les outils d’accès, de production et de recherche d’information, la part de plus en plus grande qui est laissée à l’utilisateur. Les blogs (plateformes éditoriales « clé en main » ), les wikis (sites collaboratifs dont chacun peut modifier le contenu), les fils RSS (permettant de suivre les dernières nouveautés publiées sur un site), mais également ces gigantesques réservoirs de contenus que sont FLickR (pour les photos), DailyMotion ou YouTube (pour les vidéos) sont autant de sites et de technologies emblématiques de ce web 2.0. Auparavant, les contenus étaient le fait d’une communauté relativement réduite (enseignants, universitaires, entreprises, institutions …), et ils étaient mis à disposition sans ouvrir beaucoup de possibilité d’interaction et de partage. Le point commun des sites et des technologies « 2.0 » est de permettre aux internautes de partager, de participer, de « remixer », de noter, de diffuser et d’accéder à des contenus qu’ils produisent majoritairement. Le passage au web 2.0 se caractérise donc par une frontière de plus en plus floue et perméable entre les producteurs et les utilisateurs de contenus. Ce dernier point est aussi le plus controversé : l’abolition des filtres éditoriaux habituels, la prédominance de contenus « amateurs » font du monde numérique un terrain d’observation privilégié de la démocratie directe dans ce qu’elle a de meilleur (partage, réciprocité, interaction, collaboration) mais également de pire (dictature de la masse, notoriété l’emportant sur l’expertise, logiques quantitatives plutôt que qualitatives).
- Pour approfondir :
- Tim O’Reilly : « Qu’est-ce que le web 2.0 ? », 30 Septembre 2005. Article original : http://www.oreillynet.com/pub/a/oreilly/tim/news/2005/09/30/what-is-web-20.html Traduction en français disponible : http://www.eutech-ssii.com/ressources/view/1
- Journal du Net, « Dico illustré du web 2.0 », Octobre 2006. En ligne http://www.journaldunet.com/diaporama/0610-dicoweb2/index.shtml
- La gestion de l’identité numérique.
Contexte : En lien avec l’avènement du web 2.0, l’usager est aujourd’hui au cœur, non seulement des contenus circulant sur le Net, mais également des préoccupations des grands acteurs propriétaires de ces sites, qui, pour rentabiliser leur modèle économique et continuer d’offrir un accès le plus souvent gratuit à ces services, ont besoin de connaître le plus finement possible leurs utilisateurs, afin de leur proposer des publicités contextuelles parfaitement ciblées. L’une des grandes nouveautés du web actuel est qu’un très petit nombre de sociétés collectent (via les services qu’elles offrent) et ont la possibilité de recouper un très grand nombre d’informations sur chacun d’entre nous : ces informations relèvent aussi bien de notre sphère publique (notre métier par exemple), de notre sphère privée (nos relations, nos amis), que de notre sphère intime (nos préférences politiques, sexuelles ou religieuses).
Ne pas confondre identité et identifiants :
La question de l’identité numérique doit être distinguée de celle des identifiants que nous utilisons pour accéder à différents services. Sur ce dernier point, différents projets existent pour tenter de proposer un standard d’identification unique qui via un seul login et mot de passe, permettrait de s’enregistrer sur toute une gamme d’applications et de pouvoir les utiliser (OpenID …)
Qu’est-ce que l’identité numérique ? Une collection de traces.
L’identité numérique peut être définie comme la collection des traces (écrits, contenus audio ou vidéo, messages sur des forums, identifiants de connexion …) que nous laissons derrière nous, consciemment ou inconsciemment, au fil de nos navigations sur le réseau. Cet ensemble de traces, une fois qu’il apparaît « remixé » par les moteurs de recherche, peut parfois produire des résultats gênants (et ce malgré le recours assez fréquent à des pseudonymes d’identification). Ainsi, la pratique consistant à taper le nom de quelqu’un dans un moteur de recherche pour voir quels sont les premiers résultats qui ressortent est devenue de plus en plus courante, notamment dans le cadre d’un recrutement. La question est d’autant plus importante que l’on parle aujourd’hui de « natifs numériques » (digital natives), c’est à dire d’une génération qui utilise différents services web dès sa prime enfance.
Que faire après coup ?
Si vous souhaitez voir disparaître certains contenus vous concernant, vous avez la possibilité de vous adresser d’abord aux gestionnaires des sites qui disposent desdits contenus. Cela peut concerner la suppression d’une vidéo ou de photos, mais également de messages sur différents forums de discussion. La deuxième étape est de s’adresser directement aux moteurs de recherche : ceux-ci conservent en effet souvent dans leur « cache » une version des contenus précédemment supprimés. Il faut alors leur demander la suppression de ces contenus.
Comment rester maître de son identité numérique ?
L’idéal pour maîtriser son image numérique consiste à en devenir l’acteur principal. Ainsi, si vous tenez un blog sous votre nom, si vous achetez « votre » nom de domaine pour votre site web, si vous y déposez votre CV, ce sont ces éléments d’information qui devraient apparaître en premier dans les moteurs de recherche. Mais on ne peut pas demander à des adolescents alimentant leur skyblog ou leur MySpace aujourd’hui de penser à l’image que cela renverra d’eux dans 10 ou 15 ans. Les règles du bon sens demandent donc de conserver les identifiants utilisés lors de la création d’un contenu ou d’un service, pour pouvoir, le moment venu, supprimer ce contenu ou ce service. Eviter également de déposer des messages ou des contenus qui pourraient s’avérer nuisibles à notre image quelque soit le service utilisé et son niveau de « confidentialité » affiché. Enfin, avoir présent à l’esprit cette idée qu’une réputation numérique se construit de la même manière qu’une réputation « non-numérique » – c’est à dire patiemment et sur la durée – est encore le meilleur moyen d’agir en conséquence.
- Pour approfondir :
- Frédéric Cavazza, « Qu’est-ce que l’identité numérique ? », 22 Octobre 2006. En ligne : http://www.fredcavazza.net/2006/10/22/qu-est-ce-que-l-identite-numerique/
- Christophe Deschamps : « L’indispensable gestion de la réputation numérique », 6 février 2006. En ligne : http://www.zdnet.fr/blogs/2006/02/06/lindispensable-gestion-de-la-reputation-numerique/
Olivier Ertzscheid. Maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication.
Université de Nantes.
25 Mars 2008.
Beau panorama, expliqué avec des mots simples, ce qui est toujours un exploit 😉
A la Fing, nous nous intéressons pas mal à ces questions d’identité numérique, sous le sobriquet « Identités actives », avec l’intuition que l’individu devient stratège de son identité. Bon.
Du coup, en début de travail, nous nous sommes aussi posés la question de ce que recouvrait l’identité numérique.
Pour nous, au-delà des traces qui en constituent une bonne partie, elle désigne 5 familles assez distinctes (mais pas étanches non plus) :
– Les données d' »attention » et autres traces ;
– Les expressions de soi au travers de blogs, échanges en ligne, etc. ;
– La « présence » et la localisation (visibilité, joignabilité) ;
– Le regard des autres (réputation, notoriété) ;
– L’existence collective, appartenances, projets, reconnaissances, participations…
Ce n’est bien sûr pas exhaustif, et on espère compléter cette « liste » dans les mois à venir…
Nous lançons à ce sujet un travail de lexique « Identités actives », qui sera publié au fil de l’eau sur http://www.identitesactives.net et dont on espère que nombreux seront les contradicteurs ou contributeurs (ou mieux, les deux !!) pour essayer de mieux cerner tout ça. Bon, à suivre et surtout, à discuter !
Renaud> C’était effectivement un article compliqué à faire … parce qu’il fallait le faire avec des mots simples (la brochure est d’abord destinée à des étudiants). Si on y ajoute la contrainte des 6000 signes pour « faire le tour » de ce genre de question, c’était carrément oulipien 😉
Merci pour le lien vers identitesactives.net. Je vais suivre cela de près.
Bravo pour ce billet ! A mon avis, les traces que nous laissons sur Internet sont plus liées à notre vie numérique qu’à notre identité numérique. Vie, identité et réputation numériques sont 3 choses bien différentes.
Pour en savoir plus :
http://reputation.axiopole.info/2007/12/08/vie-numerique-identite-reputation/
Terrifiant, Olivier. je n’avais pas encore regardé ton texte qu’il est déjà en ligne, et commenté. lol
Voir peut-être aussi
Le design de la visibilité : un essai de typologie du web 2.0 sur internet actu (http://www.internetactu.net/2008/02/01/le-design-de-la-visibilite-un-essai-de-typologie-du-web-20/ )
qui m’avait semblé éclairant.
Je tiens personnellement à ce que cet aspect de la gestion de l’identité numérique soit abordé dans Repère, à mon sens c’est le grand enjeu actuellement, après celui de l’évaluation de l’information! Pour l’instant je n’ai pourtant guère vu de cours ou de formation à ce sujet. Ca viendra obligatoirement.
Elisabeth> je ne voie pas ce qu’il y a de terrifiant dans cette mise en ligne, surtout sur vu le sujet 😉 Et puis avec ta mise en place d’un Wiki en back-office je ne pouvais pas faire moins que de publier mon texte en front-office sur mon blog 🙂
Blague à part donc, OK pour intégrer le texte de Cardon en bibliographie (en fait je le trouvais un peu trop dense par rapport à ce qu’il m’avait semblé comprendre du ciblage de la brochure). Si tu as d’autres remarques, tu peux me les transmettre de manière moins « terrifiante », directement sur mon mail 😉
terrifiant : juste la rapidité de diffusion, et ça m’amuse beaucoup. Ca ne m’inquiètes pas plus que ça, rassures-toi.