"Société de l’information", "économie de la connaissance". Deux expressions qui à force d’évidence se sont banalisées, seraient presque devenues la maronnier de la presse scientifique. Et pourtant … Alors qu’en France la création du tout récent "Institut des sciences de la communication" intègre des problématiques et des axes de recherche liés aux sciences de l’information sans pourtant en compléter sa dénomination, alors qu’en France toujours, un récent "édito" de la SFSIC (société savante des sciences de l’information et de la communication) semblait découvrir à l’occasion de la tenue de son dernier congrès, que les thèmes liés aux sciences de l’information constituaient des axes de recherche de plus en plus représentés lors des communications, alors qu’en France toujours, les sciences de l’information constituent (avec la biologie) la dernière patate chaude du CNRS dont on ne sait pas très bien quoi faire ni où les caser …
Ailleurs, dans des pays sous-développés tels que les Etats-Unis ou le Canada (pour ne citer qu’eux …), ailleurs LA science de l’information occupe une place centrale. L’information est une science constituée, au même titre que la médecine, le droit, l’histoire, la physique. Une science constituée et nommée comme telle. Il arrive souvent dans l’histoire des sciences, que celles-ci se retrouvent littéralement submergées devant l’ampleur de l’émergence de leurs objets d’étude, devant l’ampleur du terrain théorique et expérimental à déchiffrer, à analyser, devant l’ampleur des usages à disséquer. Google, Wikipédia, les pratiques éditoriales numériques et tant d’autres sont ces objets de recherche en pleine émergence. La plupart des revues majeures anglophones leurs consacrent régulièrement des articles, et ce depuis déjà de nombreuses années. En France, cet intérêt reste, en terme de traitement éditorial comme en terme de recherche "pure", très marginal. Il serait grand temps que l’on se saisisse de ce champ de recherche, que l’on affirme la spécificité des objets qui le constituent (laquelle spécificité n’interdit naturellement pas la mise en oeuvre d’études "trans" ou "inter"disciplinaires), qu’on lui donne tout simplement la place qu’il doit avoir aux côté des autres matières nobles du panoptique scientifique, sans éternellement le réduire à une branche de la communication, sans éternellement l’envisager du seul côté des "techniques" de l’information.
Pour moi, c’est le titre qui me semble décalé : ce qui est en jeu me semble plus relever du niveau de l’intelligence de la complexité…c’est le découpage disciplinaire qui risque d’être un frein aux défis !
Florence> Certes, certes … mais si trop de discipline nuit, l’absence d’un fléchage clair (dans le contexte actuel du découpage disciplinaire de la recherche) m’apparaît comme encore plus nuisible.
Si un découpage disciplinaire trop important peut laisser craindre un travail en silo trop hermétique, une approche plus holiste endigue l’émergence de pôle de compétences clairs (même si en même temps les relations inter-disciplinaires sont plus apparentes). Dès lors il s’agit de savoir fédérer adroitement ces énergies. Peut être faudrait-il un découpage dynamique? On peut imaginer un morcellement disciplinaire moins important au départ qui permettrait d’indiquer les directions et collaborations futures. Et seulement après ce travail prospectif pourrait-on procéder à une division des disciplines qui devrait permettre une meilleur connaissance et appropriation des problématiques envisagées précédemment (et les enrichir au cours de la recherche). Il faudra toujours veiller à “poleniser” les diciplines entre elles…vaste question
Les sciences de l’information se concentre sur l’objet “information”. Les sciences de la communication s’intéresse au processus plus spécifiquement. La division existe déjà selon moi, et s’ajoute à la confusion.
Ce refus français de tirer les conséquence du fait pourtant bien visible que nous visons dans une société et une économie de l’information, se voit non seulement en sciences mais également dans le monde professionnel et l’entreprise.
Certes, les publicitaires, “marketeurs” et autres communiquants français “communiquent” beaucoup en externe — et même sur le Web maintenant.
Mais les organismes officiels (ministères, autorités, …) et les entreprises communiquent mal : elles ne comprennent rien (contrairement à beaucoup de leurs consoeurs anglo-saxonnes) aux nouvelles règles de l’efficacité *réelle* de l’information et de la communication.
Et en interne, dans les structures, c’est encore pire : les dirigeants français en sont restés à une conception malthusienne, très 19e siècle, de l’information. Pour eux, l’information ne se donne jamais, elle ne se partage qu’entre pairs ou avec un client important. Ils ne conçoivent même pas qu’en lâchant gratuitement sur le Net ou à la presse la moitié non-stratégique d’une information ou d’un document, on grille les concurrents moins rapide ou moins audacieuse, on se crée une position de leader, on se crée des obligés, qui ensuite sont à votre remorque, dépendant de vous pour leur info et vous faisant de la pub’. Les intranets et forums internes des boîtes sont d’une pauvreté, d’un manque de dynamisme. Seule la bonne vieille messagerie marche.
Ca me paraît pourtant évident. Mais ça ne l’est pas pour notre élite. Un retard français de plus.