Tout est expliqué là. Dans mon HLM IUT, c'est comme dans les autres. C'est aujourd'hui une journée nationale d'action et de mobilisation.
AVANT. Avant (= avant la loi LRU), les IUT bénéficiaient d'un budget fléché, les directeurs desdits IUT en étaient les ordonnateurs principaux (= c'est eux qui décidaient de la répartition du budget et de l'affectation des crédits, en concertation, naturellement, avec les différentes instances décisionnaires de l'IUT). Avant, ce budget était le même pour tous les IUT (en fonction, naturellement, du nombre d'étudiants). Cela permettait, notamment, de délivrer des diplômes nationaux. Vous qui regardez cela de l'extérieur, n'allez pas vous imaginer que nous étions pour autant des assistés, vivant au crochet de l'état et dans l'attente du versement de l'enveloppe divine. Cette enveloppe n'était "que" la part "service public" du financement de l'état. Mais l'autre grosse partie du financement des formations dans les IUT, ce sont les formations qui vont la chercher comme le président Sarkozy va chercher la croissance, c'est à dire "avec les dents".
AUJOURD'HUI. Aujourd'hui, avec la loi LRU, l'université dispose d'un budget aussi global qu'autonome, et le président de l'université et son CA décident du montant de l'enveloppe qu'ils donnent à leur(s) IUT(s) (= exemple : l'université de Nantes dispose par exemple de trois IUT : à la Roche sur Yon, à Saint-Nazaire, et à Nantes). L'avenir des formations est désormais étroitement lié au relationnel, à l'affectif et à la santé financière (comprenez : à la rentabilité) nous unissant à notre maison-mère autonome : l'université de Nantes. De deux choses l'une : soit ils nous aiment et ils ont des sous, et nous n'avons alors pas trop de souci à nous faire. Soit ils ne nous aiment pas et/ou ils n'ont pas trop de sous, et là … là … on a du souci à se faire. La loi LRU, tout le discours sur l'autonomie des universités a mis en avant la lutte contre un système clientéliste, féodal, nombriliste, bureaucratique. Et c'est exactement l'inverse qui se met en place, soit le renforcement du clientélisme et de l'opacité bureaucratique (nouveaux logiciels comptables sur lesquels les personnels sont formés à la hache pour ne citer qu'un exemple, procédures administratives qui sont d'authentiques invitations à la fraude ou au suicide médicalement assisté selon que l'on est de nature optimiste ou pessimiste, pour citer un autre exemple).
CONCRETEMENT. Concrètement, nous sommes le 25 Novembre. Concrètement je n'arrive même pas à en vouloir au président de l'université de Nantes de ne pas vouloir ou de ne pas être capable de répondre aux nombreux messages qui lui adresse (notamment) le directeur de l'IUT pour savoir ce qui va se passer non pas dans deux ans, non pas dans 6 mois, non pas dans deux mois mais dans 35 petits jours. 35 tout petits jours qui nous séparent de l'année 2009. Je ne lui en veux pas parce que je pense que lui-même ne dispose pas de toutes les informations nécessaires pour répondre. Concrètement, dans notre IUT, nous lui avons envoyé une lettre, signée par l'ensemble des personnels (IATOSS, enseignants chercheurs, Prags), lui demandant de venir nous rendre visite ce jour là (le 25 Novembre) pour nous donner des informations concrètes sur les "moyens" humains et financiers qui seront mis à disposition de l'IUT pour l'année 2009. Bref, sur le montant de l'enveloppe. Mais comme nous sommes conscients que lui-même ne dispose pas nécessairement encore de toutes les informations "chiffrées", nous avons été raisonnables, nous lui avons juste demandé si "l'enveloppe" budgétaire pour 2009 serait (au moins) la même que pour 2008. Quand je dis "nous lui avons demandé", comprenez les directeurs et les personnels des 3 IUT sous sa responsabilité (La Roche sur Yon, Saint-Nazaire et Nantes). Une demande qui ne "nous" paraît pas "aberrante" à moins d'un mois des vacances de Noël. Mais le président de l'université de Nantes n'a pas répondu. Ou plus exactement il a fait répondre que Mardi, non vraiment, il ne pouvait pas être là, ni physiquement ni en vidéo-conférence. Parce qu'il avait d'autres engagements. Il a également fait savoir qu'il venait à l'IUT le … 16 Décembre pour une réunion et qu'à cette occasion, il acceptait de rencontrer les représentants du personnel. Le 16 décembre. Soit moins d'une semaine avant les vacances de Noël. Belle perspective. Mais pour l'arbre de Noël de l'IUT on a déjà ce qu'il faut, merci.
DANS LES COULOIRS. Dans les couloirs c'est le règne de l'à peu près et du grand n'importe quoi. Des personnels administratifs se demandent s'ils seront encore là à la rentrée de Janvier ou s'ils seront obligés de se coltiner des aller-retour sur Nantes, "mutualisation" et "flexibilité" oblige. Les enseignants-chercheurs sont pour la plupart (mal) renseignés sur le projet de décret modifiant leur statut et naviguent à vue, nombre d'entre eux sont encore tout occupés à se demander comment entrer dans les nouveaux critères de publication fixés par l'AERES. Ceux (les enseignants-chercheurs) qui sont "plus" ou "mieux" informés, s'inquiètent de ce retour en arrière à la fois sans précédent et sans garantie. En réunion, les "représentants du monde professionnel" (patrons d'entreprise siégeant dans les conseils d'instituts) se désolent d'assister à la casse méthodique du "seul pôle d'insertion professionnelle qui fonctionnait à peu près correctement et depuis longtemps à l'université". Ces échos ne sont pas seulement ceux de l'IUT de La Roche sur Yon. Ils sont – de ce que j'en sais – presque partout les mêmes dans l'immense majorité des IUT de France. Concrètement et "objectivement" (si le lecteur peut encore accorder quelque objectivité au blog d'un dangereux leader d'opinion désormais sous surveillance), la situation est très binaire : les IUT qui ont réussi à préserver des moyens (humains et budgétaires) constants à ce jour sont ceux dont le ou les directeurs entretenaient de bonnes relations avec le président de leur université et/ou dont les université étaient largement excédentaires financièrement … mais là, je n'en connais aucune :-(. Pour ceux qui n'avaient pas cette chance et pour lesquels le couperet est tombé, le réveil a été rude. Très rude.
J'OBSERVE. J'observe, pour l'instant, que pour tout ce à quoi la LRU était censée apporter des réponses, c'est, en termes de résultats, l'exact opposé des effets d'annonce ministériels qui est en train de se produire. Le discours officiel vous expliquera que c'est un "temps d'adaptation nécessaire", que "la temporalité d'une réforme structurelle ne peux être mesurée à l'aune de ses effets immédiats mais doit être observé sur le moyen terme". Probablement. Mais pour l'instant c'est l'impression d'un énorme cafouillage, d'un énorme gâchis, d'un énorme bordel, d'une énorme inquiétude qui domine. J'ai depuis longtemps cessé de croire que la Ministre pouvait entendre ces inquiétudes, la loi LRU ayant acté et légitimé l'ablation du dernier sonotone qui lui permettait de garder un lien avec les formations, sur le terrain. Mais il est dommage que le président de l'université autonome de Nantes ne vienne pas au moins tenter d'apaiser ou d'entendre ces inquiétudes.
Ailleurs : mobilisation à Nice, à Grenoble, au Mans, etc … etc … (n'hésitez pas à signaler vos propres liens en commentaire de ce billet)
Tout est dit, et vous le dites clairement. La grande braderie libérale est ouverte et les systèmes éducatifs, certes pas tous performants, vont souffrir.
Mon expérience professionnelle et personnelle m’ont conduit à procéder (antérieurement) à des analyses similaires aux vôtres. Et pendant quelques années encore, j’ai bien tenté de mobiliser et de faire réagir mes semblables enseignants et administratifs, sur les questions qui sont devenues actualité: baisse des revenus, renforcement de l’abus d’autorité, contenus d’enseignement, braderie des services publics et privatisation, mépris et campagnes d’intoxications, baisse délibérée de la qualité, … J’avais la chance (ou la malchance) de voir d’autres systèmes identiques aux nôtres démantelés par l’action politique volontaire.
Par lâcheté et dégout, mais sans doute aussi pour m’éviter des ennuis, puisque l’autorité de contrôle (Ministère de l’Information: M.O.I. dans Brazil) m’avait dans le collimateur, j’ai abandonné. Buttle est parti avant que les mouches n’arrivent.
J’ai donc quitté l’enseignement, et la France, peu après les élections. J’ai trouvé un emploi dans le secteur privé ou je gagne plus de 2,5 fois mon salaire enseignant. J’aime ce que je fais et je fais vivre ma famille de façon humble et discrète.
L’Université sclérosée doit encore se battre contre le démantèlement entrepris par les dogmaticiens du clan. Malgré sa sclérose elle survivra, en continuant toutefois de servir sa mission principale de parking social pour enfants de pauvres, et n’assurant que peu, ou si peu, de débouchés en terme de vie et d’emploi. Ce constat accablant a été fait dans plein d’autres pays qui ont connu une baisse de leur PIB, et leur taux de croissance, comme la France en ce moment (et depuis 30 ans au moins).
La pensée stratégique dirigeante, donc dominante, de ces pays dans des situations tout à fait similaires et critiques, avait déjà, il y a 20 ans, conclu à la nécessité de rendre l’Université publique inopérante en termes de débouchés, pour maintenir les conditions de choix et de suprématie des élites, et de leurs enfants. Mais la même analyse était toutefois favorable au maintien de l’Université. Maintien en terme d’accueil, en situation de tension volontairement dégradée cependant, pour parquer socialement les enfants de la masse, qui, s’ils n’avaient pas ce miroir aux alouettes,pourraient bien prendre la rue.
Dans les instances internationales, nationales locales, syndicales et politiques, nous avions longuement analysé ces choix stratégiques , qui finalement ne sont décriés que par le peuple de gauche, qui reste persuadé que l’accès aux études supèrieures et l’égalité face à l’éducation restent une valeur bien défendue en France.
Votre contribution sur les IUT illustre bien ce stratagème à plusieurs détentes:
– casse délibérée des systèmes d’intégration professionnelle (Les IUT restant avec les BTS les seuls vrais débouchés )
– mise en compétition artificielle
– pris de contrôle des systèmes aléatoires et injustes d’évaluation des performances
– mise en danger et fragilisation des personnels (anihilation des potentiels de lutte collective)
– consécration de l’excès d’autorité et d’abus de pouvoir
– renforcement du clientélisme et de l’opacité bureaucratique
– puis, baisse de la qualité et de l’étendue des choix (filières, horaires, contenus, collaborations)
– puis, baisse d’attrait pour la fonction enseignante et administrative
– renforcement du complexe de ghetto
– renforcement du massacre médiatique et du formatage de l’opinion sur l’Education et le service public
– renforcement de la dépendance vis à vis des élites politiques et économiques (faveurs pour les inscriptions, pour les emplois, pour les budgets, pour les promotions, …)
– perte de crédit de l’action syndicale devenue inopérante, voire anecdotique
– baisse de qualité et donc d’efficience
– parking social: n’oubliez pas l’horodateur!
Il y a fort à parier que rien ne bougera avant les fêtes….
cordialement
Morgenrot
rejoingez notre groupe pour soutenir les IUT en grand danger!!!!!
http://www.facebook.com/group.php?gid=38105704289
merci
@Morgenrot> merci de ce message détaillé qui reflète assez bien la réalité …
Florent> J’y suis déjà, et je crois même que je devais y être dans les premiers 😉
Journée d’information plus que d’actions organisée à l’IUT de Besançon-Vesoul (avec également le représentant de l’IUT de Belfort-Montbéliard) ce 25/11.
Présentation complète par le Directeur, en présence du Vice-Prédisent au CEVU, puis débat dans la salle, pendant lequel je suis intervenu pour essayer de faire prendre conscience de la nécessaire vision systémique du problème : je pense qu’il faut prendre en compte la LRU dans son ensemble, ainsi que toutes les modifications en cours que tu évoques ici (statut des enseignants-chercheurs, mais aussi situation des IUFM, de la reconnaissance des laboratoires, casse du CNRS en instituts, menaces sur les formations, les personnels, obligation de projets…). J’ai tenté de sortir d’une vision nombriliste de défense des seuls IUT en prétendant que seule une lutte coordonnée, globale, macro, systémique, et surtout… force de proposition, pouvait obtenir de réels résultats.
Je crains que nous restions divisés entre structures, voire entre départements dans nos IUT, avec l’utopie cynique qui vise à tirer ses propres marrons du feu, et tant pis pour les autres.
… je crains que ce discours n’ait pas fait mouche, et que “diviser pour régner” reste notre mode de fonctionnement. Cf. le groupe Facebook de défense des IUT, SLR et SLU…
Je commence à désespérer.
Et pourtant… pourtant, je n’ai aucune envie de partir gagner plein de sous à l’étranger, je crois encore à l’universalité des savoirs et à l’efficience du carré didactique et scientifique : enseignements fondamentaux, enseignements professionnels, recherche fondamentale, recherche appliquée.
Suis-je le seul à y croire encore ?