Il s’agit d’un conflit social Madame la ministre : il n’y aura pas d’année universitaire 2008-2009.

"Madame la ministre,


Je lis dans la presse qu'au bout de onze semaines de
grève dans les universités, vous vous préoccupez de ce qui va arriver aux
étudiants en fin de semestre. Pour illustrer ce qu'est l'« autonomie » des
universités, vous nous donnez des ordres : vous ne validerez pas « des semestres
sans cours », nous devons rattraper nos enseignements, étaler les examens,
utiliser les vacances de Pâques. Peut-être estimez-vous que, tout à notre
mouvement, nous avions oublié « de penser aux étudiants et aux
diplômes »…

Mais rassurez-vous, Madame la ministre : nous n'entendons pas
« valider des semestres sans cours ». Nous sommes en grève : pas de cours, pas
d'examens ; pas d'examens, pas de diplômes. Les conséquences ? Nous les
connaissons autant que vous : les étudiants de cette année, victimes de votre
obstination, ne pourront pas valider leur année. Ils devront redoubler l'année
prochaine. Par conséquent, il nous sera impossible d'inscrire de nouveaux
étudiants. Nous ne présiderons pas les jurys du baccalauréat. Quelques centaines
de milliers d'étudiants et de bacheliers vont se souvenir avec émotion de votre
passage au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, Madame la
ministre.

Il est fini le temps des « voies de passage », des réécritures,
des petits reculs, des petites astuces, des petits arrangements avec de petits
syndicats. Votre mépris de notre enseignement est tel que vous ne vous êtes pas
vraiment préoccupée, jusqu'à maintenant, de l'arrêt des cours dans la
quasi-totalité des universités. On peut toujours rattraper, n'est-ce pas ? On
peut dispenser le contenu de 13 semaines en 7 semaines, pas vrai ? Et puis ces
diplômes universitaires ont tellement peu de valeur, après tout… Voilà comment
vous voyez les choses, Madame la ministre : il y a eu un peu de « grogne »,
comme disent vos amis de TF1, et puis au final tout rentre dans l'ordre, on
rallonge un peu l'année (il faut bien que ces fainéants d'enseignants-chercheurs
travaillent enfin), vous faites les gros yeux et puis tout finit bien, les
étudiants ont un diplôme, vaille que vaille, et votre décret passe, avec
« modulation de service », « évaluation », et tout ce qui vous tient à coeur.
Ouf ! On peut passer aux élections régionales. C'est que vous avez un plan de
carrière à tenir.

Mais je suis désolé de vous dire que ce scénario bien
huilé ne va pas pouvoir se réaliser. L'université est en grève, depuis onze
semaines, jusqu'au retrait du projet de décret modifiant le statut des
enseignants-chercheurs, de celui qui instaure un « contrat doctoral », du projet
de « mastérisation » des concours de recrutement et jusqu'à ce qu'on annule les
suppressions de postes de cette année. Et c'est une grève totale, illimitée, pas
l'expression vague et fiévreuse d'« inquiétudes » ou de « incompréhensions ». Il
s'agit d'un conflit social, Madame la ministre, comme en Guadeloupe ou chez
Continental, un conflit que vous avez si mal géré que vous avez réussi à le
« radicaliser », à l'étendre et à créer la situation très grave où nous sommes
aujourd'hui : il n'y aura pas d'année universitaire 2008-2009.

Vous
pensez avoir isolé une « frange » d'acharnés et pouvoir la désigner à la
vindicte publique ? Vous comptez sur les congés du printemps pour casser le
mouvement et faire passer votre décret en catimini devant le Conseil d'Etat ?
Vous croyez avoir trouvé des alliés fidèles auprès des présidents d'université
et des médias serviles qui se contentent de reproduire vos communiqués ? Vous
pensez, même, que la majorité présidentielle va vous soutenir jusqu'au bout ?
Erreurs, Madame la ministre, erreurs lourdes de conséquences pour l'enseignement
supérieur et la recherche. Le mouvement continue, il ira jusqu'au bout de sa
logique. La « ronde infinie des obstinés », coeur battant et symbole de notre
refus, tourne toujours, de jour et de nuit. Elle tourne avec des étudiants, des
enseignants, des personnels administratifs et techniques, des bibliothécaires,
des chercheurs, et même, de plus en plus, avec nos collègues du primaire, du
secondaire, avec des hospitaliers.

Il paraît que vous vous « inquiétez »
pour l'année universitaire, « menacée », d'après vous, si « les cours continuent
à être perturbés au retour des vacances de Pâques ». Je vous le confirme : si
vous ne retirez pas rapidement et clairement tous vos projets de casse de
l'université, les cours continueront à être « perturbés » et l'année
universitaire est bien « menacée ». 83 universités, 724 000 étudiants et leurs
familles, 58 000 enseignants-chercheurs, 55 000 BIATOSS attendent vos décisions,
Madame la ministre."


Michel Bernard
Professeur des universités
Université
de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3

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J'ajoute simplement que Nancy 2, Lorient, Le Havre, Toulouse, Nice, Lyon 1, Lyon 2, Lille 2 … et tant d'autres sont toujours en lutte contre la mise au pas des universitaires, Madame la ministre.

3 commentaires pour “Il s’agit d’un conflit social Madame la ministre : il n’y aura pas d’année universitaire 2008-2009.

  1. c’est un peu dommage que les étudiants qui ont rien demandé paient le prix de cette réforme
    car le but des étudiants c’est d’en sortir de la fac alors que les enseignants y seront encore l’année prochaine

  2. @the cure> Oui c’est dommage. Comme il est dommage que les cheminots prennent les usagers de la SNCF en otage, comme il est dommage que la pluie mouille, comme il est dommage que la guerre tue, comme il est dommage que Jean-Pierre Pernaud soit journaliste. Dommage.
    Et le jour où plus aucun corps de métier ne prendra plus aucun usager en otage, cela signifiera que nous sommes TOUS devenus les otages d’un seul.
    Et là effectivement ce sera dommage.

  3. @Olivier : on est pas encore en état de guerre, pour la SNCF à part le groupe des 20 qui ont loupé leur concours d’agreg l’autre jour, tu perds pas une année d’étude quand tu arrives un jour en retard à la fac.
    bref j’ai du mal à comprendre le pourquoi de toutes ces grèves

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