Maréchal nous voilà. Mais gare au retour de bâton.

(Billet manifestement écrit sous le coup de la colère, façon grosses trombes d'eau qui font déborder la citerne. J'assume.)

Ici, à Toulouse, on refuse la titularisation à 30 stagiaires IUFM au motif qu'ils ont contesté les réformes en cours.
Là, à Paris, on conditionne la réinscription d'un lycéen (Tristan S.) à "un engagement écrit de ne pas participer à des actions de blocage du lycée".
Là, à Strasbourg, on met en place des sanctions disciplinaires staliniennes contre un employé de l'université (David R.) qui eût le tort d'être l'un des porte-parole de la contestation universitaire de l'année écoulée.
C'est écoeurant. C'est consternant. C'est révoltant. C'est l'air du temps. Faire des exemples. S'attaquer aux individus plutôt qu'aux racines du mal, plutôt qu'au groupe.
Le proviseur du Lycée Maurice Ravel (Paris 20ème), l'inspectrice générale et l'ensemble du jury académique de qualification professionnelle qui a ajourné la titularisation des 30 stagiaires, M. Alain Béretz, président de l'Université de Strasbourg, pour avoir fait ou laisser faire, tous sont les instruments de la petite France : lâcheté, rancoeur, rancune, caporalisme, prêt à penser. 
On ne saura jamais dans toutes ces affaires s'ils ont agi "sur ordre" ou s'ils ont simplement jugé bon de devancer l'appel et d'apparaître aux yeux de leurs ministères comme de zélés bras armés de la répression et de l'intimidation. Peut-être d'ailleurs ont-ils agi à contrecoeur, sous la pression. Cela ne change rien au résultat. Comme disait l'autre, "nous n'avons jamais été aussi libres que sous l'occupation."
Que tous ces gens-là comprennent bien et leurs ministères avec eux, que leur attitude n'aura qu'une seule issue : faire de la désobéissance civile
et de l'indiscipline systématique des valeurs nécessaires, des vertus cardinales, et ce y compris pour des "segments sociétaux" ou des "catégories socio-professionnelles" qui n'ont pas pour habitude d'entretenir ce genre de posture, de nourrir ce genre de radicalisme.
Désobéissance et indiscipline.
Pour Tristant Sadeghi, pour David Romieux, pour les 30 stagiaires de l'IUFM de Toulouse, et pour tous les autres dont le nom ne figure pas à la une des médias ou dans l'en-tête d'une pétition …

13 commentaires pour “Maréchal nous voilà. Mais gare au retour de bâton.

  1. J’hésite à attribuer un point Godwin à ce billet. C’est le Maréchal, pas Hitler. Disons un demi point.

  2. Je prends le point Godwin si ça peut te faire plaisir. C’est un titre (de billet) peut-être racoleur ou exagéré. je n’en sais rien. Ce que je sais c’est que sur ces trois cas j’ai lu, au delà des pétitions, un nombre important de messages et de témoignages (y compris des principaux intéressés), et que Godwin ou pas, c’est bien un pétainisme rampant qui relie l’ensemble. Et j’ai la conviction que le risque de systématisation de ce genre de dérives est réel. Et que face à elles, les principaux concernés sont hélas impuissants et ont, à minimum, besoin du soutien de chacun de nous.

  3. Le point godwin, au début c’était drôle, maintenant ça devient fatigant. Revenons aux fondamentaux, please: le PG, c’est pour les commentaires. Un billet ne peut pas se troller lui-même. Reste le like ou les petites étoiles. Pour le billet ci-dessus, moi ce sera 5 étoiles.

  4. ‘jour.
    Tiens, il est marrant de noter que je n’avais eu le même son de cloche concernant le lycéen. Il n’était pas si propre que décrit.
    Pour les stagiaires, cela sent plus l’excès de zèle, doublé du léchage de bottes ^^

  5. Mêmes échos du côté de Nanterre, l’autonomie fraîchement acquise ouvre à des pratiques décomplexées, de type goulag ou autre… J’ai appris que des licences n’ouvriront pas à la rentrée. Et c’était même pas la peine d’essayer de résister.

  6. Je crains hélas que ce ne soit pas tant que ça exagéré malheureusement.
    Il y a un esprit proche de l’époque du maréchal en France.

  7. Cela glisse de plus en plus vers une forme d’autoritarisme politique et institutionnel, qui fait froid dans le dos. Ici on désigne en effet quelques cas, mais quand on regarde de près ou on suit cela régionalement (pour moi en Charente), les cas se multiplient.
    Une vision à la fois synthétique et analytique de toutes les dérives qui se constituent, font bien apparaître un durcissement de la loi et du contrôle du pouvoir à l’encontre des citoyens et par la même des travailleurs en France.
    Pour ceux qui avaient peur de la démocratisation de la société (horizontalisation et possibilité de libre expression), pour ceux qui mettait en critique la plus grande liberté du citoyen contre les valeurs et discours des pouvoirs hégémoniques, pas de souci, tout cela ne sera bientôt si cela se poursuit à cette cadence, qu’un pâle souvenir.
    Gauchet a gagné contre Rancière, la méfiance contre la confiance, la pyramide contre le plan d’immanence politique.

  8. Pas du tout exagéré, peut être même sous-estimé…
    Je crois qu’il faudrait trouver un nouveau mot pour décrire le phénomène en cours…
    Ce n’est ni tout à fait du pétainisme (repression moins claire, qui ne s’assume pas officiellement : on cherche à “attaquer” les personnes contestataires sur d’autres tableaux),
    ni tout à fait du fascisme (même s’il en a certains aspects : désignation de “l’ennemi” en lui créant une image fausse :
    cas du lycéen “pas si net” que ça,
    cas de stagiaires désignés par la vindicte populaire comme “mauvais” prof car l’inspecteur fait mine de ne pas comprendre le cours alors que les élèves eux, le comprennent

    ni tout à fait du totalitarisme (même si peur et atomisation de la société sont bien présents)
    N’oublions pas tout ce que comportait le projet de loi Edwige en matière de “flicage” de ce type de personnes jugées “dangereuses” par l’Etat…
    Un nouveau mont donc serait nécessaire, il me semble. Qu’en pensez-vous?
    Ceci dit, merci pour ce post!!!!
    C’est rassurant de voir qu’il y a quand même des personnes éclairées au pays des Lumières, qui se rendent compte de la situation.
    Signé : un stagiaire en cours de licenciement qui aime profondément enseigner et qui est bien dégouté

  9. La force du système sarkoziste c’est d’avoir compris qu’un exemple profondément injuste et choquant était extrêmement efficace. En faisant virer le rédacteur en chef de Match pour avoir fait du Match, par exemple, le (à l’époque) futur président a réussi à s’assurer non pas la complicité ou la complaisance de la presse mais une terreur durable, car à ce moment là les gens ne se disent pas “le pauvre gars” ni “il faut qu’on se serre les coudes” mais “ça pourrait m’arriver à moi”.
    Et une fois le mouvement enclenché, il n’y a plus rien à faire, l’obéissance passe en pilotage auto : autocensure, autodiscipline. Beurk.
    Diviser pour mieux régner… Nier le projet commun, nier jusqu’aux classes sociales, et tout ça au profit de “communautés” : oui, c’est assez proche de la révolution nationale de Pétain tout ça. Le problème c’est que cette méthode de gouvernement va faire beaucoup de tort à l’intelligence comme au lien social, deux denrées qui ne me semblent pas spécialement abondantes, déjà.

  10. C’est marrant le point Godwin : c’est devenu une sorte de trophée négatif qu’on distribue, mais à la base, c’est juste un axiome qui est que, sur usenet, plus une discussion dure et plus elle a de chances de se terminer sur une réflexion qui se rapporte au nazisme. Et ça se constate, et effectivement c’est pénible puisque les références au nazisme sont des “Thought terminating clichés” (une fois mentionné, la discussion ne peut plus continuer). Mais le présent article n’a rien à voir avec ça, déjà parce qu’il est le point de départ d’une réflexion et non un chantage intellectuel placé au milieu d’une discussion (genre “ah ouais tu aimes pas tel écrivain/l’art contemporain/la viande/les chemises à carreau, eh bien Hitler non plus…”). De plus la comparaison se tient, car la révolution nationale pétainiste est un moment d’abêtissement et de pleutrerie terrifiant de l’histoire de France : de gauche ou de droite, des tas de gens se sont précipités pour obéir parfois très activement à des ordres qui étaient tout ce qu’ils détestaient vingt ans plus tôt, et avant même de les recevoir.

  11. Quels que soient les totalitarismes, ils ont tous généré les mêmes phénomènes au sein des institutions : servilité, suspicion généralisée, anticipation et amplification de comportements coercitifs, chasse aux personnels exerçant encore une pensée critique, etc. Quand on lit Vassili Grossman, qui décrit l’URSS stalinienne vue (en partie) depuis un laboratoire de recherche, on ne peut qu’être frappé par la similarité de nombreux comportements avec ce qui se passe dans la France d’Après les talonnettes. Quand on lit Sebastian Haffner, qui a magnifiquement décrit l’effondrement de l’Etat Allemand lors de la montée du nazisme, vue depuis les institutions juridiques, on ne peut là aussi qu’être frappés par de nombreuses similitudes comportementales avec nos institutions qui subissent la “montée” du talonnettisme.
    Mais on sait aussi comment le stalinisme, le fascisme italien et le nazisme ont fini : Mussolini pendu par les pieds, la foule de défoulant sur lui. Avec le talonnettisme, la foule d’aura qu’à cracher par terre : notre petit dictateur maison est déjà assez près du sol pour qu’on n’ait pas besoin de gros efforts physiques. Un npeu de mépris, et beaucoup d’indiscipline, pas mal de résistance, et on devrait tout de même arriver à éradiquer la peste talonnettique.
    Non, le vrai problème, ce n’est pas la hauteur des talonnettes : c’est, comme sous Hitler, Mussolini ou Staline, la servilité des valets du régime, et celle des fonctionnaires à ses ordres. Y compris dans les universités. Et y compris parmi les manifestants anti-LRU et autres adorateurs de l’Insurrection qui tarde… La servilité, le conformisme et l’abandon de tout esprit critique n’ont besoin d’aucun totalitarisme pour fleurir : ils en sont au contraire le terreau.

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