« J’aimerais que Google rende visible mon livre sur le net » : moi aussi mais …

Interpellé récemment par André Gunthert, et ayant passé ces dernières semaines pas mal de temps au téléphone à répondre à différentes questions de différents journalistes au sujet de Google Books, et en attendant un billet de rentrée sur la question, je reproduis ici le commentaire de réponse à la susdite interpellation qui me semble résumer "ma" position sur les récents événements et développements de Google Books :

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Salut André mon poteau,

1. Je n’ai jamais dit que les éditeurs étaient des angelots. J’ai même
souvent écrit que leur frilosité à courte vue les condamnait à (très)
moyen terme et qu’ils ne songeaient – dans leur immense majorité – qu’à
préserver leur situation de rente.
2. Je n’ai jamais dit non plus qu’avec GoogleBooks, Google n’en voulait
qu’à notre porte-feuille. J’ai juste écrit que comme les autres
services, Google « monétiserait » Google Books avec de la publicité
ciblée (ce qui est déjà fait sur les pages d’affichage des résultats).
EN REVANCHE
J’ai dit et je maintiens :
1. que la législation sur le droit d’auteur est, aujourd’hui
(deterritorialisation massive oblige) un anachronisme contre-productif pour les premiers concernés (les auteurs)
2. qu’il fallait en urgence OUVRIR l’accès aux oeuvres « orphelines »
(dont l’exemple que tu cites), et que cela impliquait une décision
législative (et donc politique)
3. que derrière GoogleBooks, les intérêts de Google sont doubles :
primo enterrer l’édition (et la librairie) "traditionnelle" en permettant
aux auteurs de traiter directement avec lui (désintermédiation
classique), et en permettant à ces mêmes auteurs de renégocier
entièrement leurs droits sur le modèle adwords (= l’auteur touche un
micro-paiement à chaque consultation et/ou accès de l’une de ses
oeuvres). A mon avis, ce modèle sera lancé avant la fin de l'année 2010
dans le cadre de Google Edition. Deuxio (et je pense avoir été l’un des
seuls – le seul ?- en France et à l’étranger, à souligner ce point),
que la numérisation massive permet également et peut-être avant tout à
Google d’affiner ses algos linguistiques et donc de perfectionner son
coeur de métier (= la recherche elle-même, notamment multilingue), et ce faisant son modèle économique (qui repose lui-même sur la qualité de son coeur de métier)
Et pour finir, j’ai récemment dit et écrit :
1. que les bibliothèques, y compris la BnF DEVAIENT signer avec
GoogleBooks A CONDITION d’éviter toute exclusivité sur l’indexation et
l’accès de la copie qui leur serait remise. Et que ces mêmes
bibliothèques devaient se concentrer sur la préservation, les
métadonnées et l’accès à long terme de leur copie numérique.
2. que les pouvoirs publics (l’état) devaient financer non pas
uniquement la numérisation des ouvrages (on ne rattrapera jamais Google)
mais les documents à numériser non-prioritaires pour Google (journaux
notamment mais aussi iconographie, films …) ET SURTOUT SURTOUT SURTOUT SURTOUT l’infrastructure de mise
en accès du résultat de ladite numérisation (pour ne plus voir des
aberrations du type de celle obligeant les mêmes bibliothèques à louer
des serveurs à Google pour héberger et donner accès à LEUR copie
numérique, ou pour ne plus se trouver dans la situation pathétique du
lancement d’Europeana avec un serveur calibré pour à peine quelques
milliers de connexions). Sur ce dernier point on serait par exemple assez malin de s'inspirer de l'initiative du Hathi Trust.
Voila.
Donc je crois pouvoir affirmer, André, que nous sommes presque parfaitement
d’accord et que tu as une lecture un peu trop rapide d’Affordance. En
conséquence de quoi tu me réciteras 2 pater et 3 ave maria pour ta
pénitence et tu me céderas gracieusement ta place dans le classement
Wikio du mois de Janvier 🙂

9 commentaires pour “« J’aimerais que Google rende visible mon livre sur le net » : moi aussi mais …

  1. On oublie souvent que les réseaux pair à pair fournissent une infrastructure quasiment gratuite, qui assure le passage à l’échelle et qui ne peut être contrôlée. Distribuer les livres numériques (au moins les libres de droit) sur une infrastructure de ce type garantirait l’accès, gratuit, partout et sans monopole d’un opérateur. A la BnF d’assurer la pérénité. A la collectivité des utilisateurs d’assurer la diffusion. C’est ce qui se passe déjà avec les distributions Linux et autres logiciels libres.

  2. Il y a aussi le système qu’a mis en place spotify : des serveurs centraux qui ont les fichiers, couplés à un système de p2p entre utilisateurs pour augmenter la vitesse et éviter la nécessité de grosse bande passante chez spotify : plus un fichier est lu dans le monde, moins il arrive par le serveur central (c’est aussi ce qui permet la lecture immédiate de fichiers avec spotify), mais c’est le serveur central qui conserve le fichier de référence (avec système de signature, j’imagine), et donc assure la pérennité du fichier. Dommage que ce ne soit pas open source…

  3. Salut Olivier,
    Il est toujours délicat de dire, «le premier», le «seul», on trouve toujours d’autres références 😉 :
    http://blogues.ebsi.umontreal.ca/jms/index.php/post/2006/08/29/68-des-millions-de-livres
    Ceci dit, sur cette question précise néanmoins l’avantage n’est pas évident. C’est pourquoi je n’ai plus insisté. En effet pour pouvoir être utiles à la traduction automatique et la recherche multilingue, il est nécessaire d’avoir des textes quasi-identiques en plusieurs langues que l’on peut mettre en regard : par exemple les document de l’Unesco, de l’UE ou encore les résumés des articles scientifiques. Pour des livres, le côté interprétatif de la traduction risque d’être plus fort et de perturber les alogorithmes, mais je ne suis pas un spécialiste.
    Joyeuses fêtes à toi !

  4. JM Salaun> Merci de me rappeler à un peu plus de modestie. Et pardon pour ce sursaut d’égotisme, qui n’était dû qu’à un ras-le-bol passager de voir certaines de mes analyses trop hâtivement résumées au risque de les caricaturer, comme l’a fait, sans malice, l’ami André sur son blog.
    Promis, j’le f’rai plus 🙂
    Sur le reste, jette un oeil au processus d’amélioration et de correction par les internautes que propose Google sus ses services de traduction. Je pense que cela répond (partiellement) à ton interrogation (mais je ne suis pas spécialiste non plus 😉

  5. Olivier, désolé de caricaturer tes analyses – il me semblait qu’elles se défendent bien toutes seules. Mais je ne crois pas, comme tu le dis, t’avoir lu trop vite. Au contraire, à te lire et à te relire, c’est bien la petite musique que tu laisses entendre que je pointe dans mon billet.
    Par ailleurs, je tiens tes prescriptions, recommandations et autres préconisations pour particulièrement fines et intelligentes. Et donc tout à fait inadaptées au paysage réel de l’édition, qui nous en fait la démonstration tous les jours. En bref, je n’ai jamais dit et ne dirai jamais que tu as tort. Tu as parfaitement raison. Il n’empêche. Et dans ce « il n’empêche », il y a tout le web – le ressort majeur de tous les déplacements des quinze dernières années.

  6. Olivier & François > Oui. Ce type d’architecture est (serait) effectivement une solution intéressante pour les oeuvres libres de droits et (sous couvert d’un changement législatif) orphelines
    André Gunthert> Merci de tes précisions. Y’a pas mort d’homme et t’as parfaitement le droit de pas être d’accord avec moi 🙂 C’est juste que j’étais un peu lassé ces dernières semaines d’avoir 4 ou 5 journalistes au téléphone qui ne semblent retenir de mes analyses QUE le fait que Google Books en veut à notre portefeuille. Ce qui est vrai mais qui est loin à mon avis d’être le plus important. Mais ceci prouve par ailleurs que tu as peut-être raison sur la « petite musique » que je laisse entendre 😉

  7. Bonjour
    « 1. que la législation sur le droit d’auteur est, aujourd’hui (deterritorialisation massive oblige) un anachronisme contre-productif pour les premiers concernés (les auteurs) »
    Que cela soit clair : Le droit d’auteur est un rempart contre les visées hégémoniques & commerciales de Google.
    Si aujourd’hui, on foule au pied le droit d’auteur, demain, on foulera aussi celui de la vie privée. C’est dans la même logique.
    Non, tout le monde n’est pas d’accord pour être indexé sur Google (ou/et à l’exclusivité de Google !)
    Non, tout le monde n’est pas d’accord pour associer son oeuvre à « Google TM »
    Le droit d’auteur, c’est le droit de choisir à qui on confie son oeuvre.
    Il ne faudrait pas confondre droits d’auteur et gros sous négociés par les éditeurs (qui ne possèdent eux, qu’un droit temporel assez court pour l’exploitation, mais qui, par le biais des impressions électroniques pourraient s’arroger une durée perpétuelle à pas cher. Dont Google Edition ! qui se profile à l’horizon)
    Mais que se passe-t-il quand l’auteur récupère ses droits, hein ?
    Eh oui, le droit d’auteur n’est pas cédé pour l’éternité, et il n’y a pas tacite reconduction. Pas sans acceptation des ou de l’ayant droit.
    Ce n’est en rien contre-productif.
    C’est un droit.
    Et un droit d’AUTEUR… enfin, l’auteur apparaît pour ce qu’il a toujours été : le maître de ses oeuvres. Il choisit !
    On a trop tendance à l’oublier.
    Je choisis où je publie et ce que je publie, et ce que je ne veux plus publier.
    C’est un droit !!!
    Comme on a le droit de ne pas vouloir afficher sa photo, ou celle de ses enfants, de sa maison, ou autre… à la vue de tout le monde, dans la rue. La rue ou le Web, c’est pareil.
    Google se heurte à ce problème, parce qu’il méprise les auteurs (comme beaucoup trop d’éditeurs lorsqu’ils n’informent pas des contrats qu’ils signent avec des tiers, sans demander l’avis à l’auteur. L’auteur, cette cinquième roue du carrosse. Lorsque tous les droits lui appartiennent.)
    Et on retrouve ce problème dans les oeuvres « orphelines ».
    Jusqu’à plus ample informée, et sans auteur avéré, ces oeuvres appartiennent au patrimoine de l’humanité. Ni plus, ni moins.
    Google n’a aucun droit dessus.
    Et qu’il les numérise ou pas, ça ne lui donne aucun droit dessus.
    Ces oeuvres orphelines appartiennent à tout le monde, jusqu’à manifestation de l’auteur.
    Et si la BnF se doit de signer quelque chose, ce n’est pas avec Google, mais bel et bien avec les auteurs actuels !
    Dans cet aveuglement de la numérisation, on se fourvoie complètement de sens. On renouvelle les erreurs du passé.
    La production actuelle est mille fois plus dense que les fonds anciens.
    C’est le passé de demain.
    Et là, pas besoin de numériser.
    Tout est prêt pour créer la bibliothèque du futur.
    Que fait-on exactement en ce sens ?
    Pourquoi ne regarde-t-on que le passé ?
    Si on a vraiment besoin de numériser pour numériser, il suffit de se pencher sur l’intelligence et l’esprit de conservation du Bottom… Le Bottom contre le Up. Soit la population.
    Quel chercheur n’a jamais eu envie de dire : mais passez-le-moi votre document que je le numérise une bonne fois pour toute !
    Et il est suffisamment d’exemples pour prouver que l’action collective dépasse, et de loin, toute entreprise commerciale.
    L’intérêt est un moteur plus puissant que l’argent.
    D’ailleurs, qui n’a pas un texte, une oeuvre, ou même plus numérisés sur son ordinateur.
    De quoi alimenter un pot commun.
    Encore faut-il apprendre à le fédérer, à l’ouvrir, à l’organiser, et à perdre cet idéal que l’Etat peut tout ou ne peut rien. L’Etat, c’est nous ! (et pas seulement les fonctionnaires)
    L’Etat, c’est nous !
    Nous pouvons ce dont nous avons l’ambition.
    Bien cordialement
    B. Majour

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