<vit'fait> Le vieux débat ressurgit à l'occasion de l'affaire de la vidéo qui enflamme – ou embrase – le monde arabe – ou musulman – (les qualifications pyrotechniques et ethno-géographiques étant assez oscillantes selon la coloration politique de la presse que vous lisez). Le vieux débat est : faut-il oui ou non laisser cette vidéo en libre accès sur le ouèbe ? Oui oui nous parlons bien de cette vidéo que tout le monde a vue, de cette vidéo que ceux qui nous expliquent qu'il faudrait la supprimer ont montré (ou de larges extraits) dans leurs journaux (web, télé, papier). Et on va en manger jusqu'à l'indigestion du plateau télé avec de l'expert en vidéo virale, du radio-crochet avec du spécialiste en conflit armé numérique, de l'éditorial papier extatique du "c'était mieux avant", j'en passe et #toussa #toussa.
Ce vieux débat n'a naturellement aucun intérêt. La réponse est évidemment oui.
Mais ce vieux débat a au moins – de mon point de vue – trois intérêts majeurs (si l'on excepte bien sûr le déclenchement d'un début de raideur érectile dans l'esprit du plus clairvoyant analyste hexagonal de l'internet)
Primo, rappeler à quel point les anciennes corporations du filtre (presse et médias en l'occurence, mais on pourait y adjoindre, sur d'autres terrains, libraires et bibliothécaires) sont désormais caduques et inopérantes à tout le moins sous leur forme actuelle et pour autant qu'elles continuent de penser la diffusion des contenus sur le réseau à l'aune du mètre étalon des NMPP. A tel point que même leurs représentants sinon les plus avisés, en tout cas les moins suspectables d'anti-internautie primaire, même leurs représentants les plus avisés disais-je, nous ressortent l'éternel argument d'une régulation dont on voit mal comment, à terme, elle pourrait déboucher sur autre chose que la fin du principe de neutralité du réseau, et donc sur un remède bien pire que le mal – supposé).
Deuxio, souligner la grande et toujours plus aliénante mascarade des CGU dès lors que l'on tente de les rendre opposables comme autant d'arguments de Droit (avec une majuscule), alors qu'elles n'ont jamais eu vocation à dire autre chose que le droit des sociétés hôtes à se passer de notre consentement éclairé et à se protéger de toute poursuite judiciaire possible.
Tertio, enfin et surtout, rappeler ce qui sur un tout autre sujet – mais en est-ce vraiment un tout autre ? – est parfaitement résumé sur InternetActu (je souligne) :
"qui contrôle les filtres par lesquels nous allons passer pour percevoir
la réalité ? C’est là le cœur du problème. On peut supposer que les
cartes sont objectives : que le monde est là, dehors, et qu’une bonne
carte est celle qui le représente avec exactitude. Mais ça n’est pas
vrai. Chaque kilomètre carré de la planète peut être décrit d’une
infinité de manières : ses caractéristiques naturelles, la météo, son
profil socio-économique ou ce que vous pouvez acheter dans les magasins
qui s’y trouvent. Traditionnellement, ce qui se reflétait dans les
cartes était les intérêts des états et de leurs armées, parce que
c’étaient eux qui fabriquaient les cartes, et que leur premier usage fut
militaire (si vous aviez les meilleures cartes, vous aviez une bonne
chance de gagner la bataille). Aujourd’hui, le pouvoir s’est déplacé. “Toute carte, explique une autre cartographe, est une manière pour quelqu’un de vous faire regarder le monde à sa manière.” “Que
se passe-t-il quand nous en venons à regarder le monde, dans une
certaine mesure, à travers les yeux de grandes entreprises
californiennes ? Il n’est pas nécessaire d’ être conspirationniste ou
anticapitaliste de base, pour se demander quelles sont les voies
subtiles par lesquelles leurs valeurs ou leurs intérêts façonnent petit à
petit nos vies.”"
L'urgence de rappeler l'intérêt pour une analyse géopolitique du web.
Et je m'en voudrais de conclure sans vous jeter en pâture, deux articles sur le sujet :
- le billet de Laurent Gloaguen : "Djihâd dans ton cul"
- la position de l'EFF sur le sujet.
</vit'fait>