Domicile terminal

<Mise à jour du 25 Juin 2014> ça y est, les premiers échanges de données entre les thermostats Nest et la centrale à vapeur de Google ont démarré. <Mise à jour>

Google. Il monopolise l'essentiel des requêtes de la planète. Il suggère des réponses avant même que nous n'ayons saisi des questions. Sur un territoire de plus en plus étendu, il est à la fois le web (les contenus) et le Net (les tuyaux). Sa neutralité est une chimère. Son modèle économique en atteste. Sa régie publicitaire l'illustre. Il sait de nos vies l'essentiel comme l'inessentiel : contacts, préférences, agenda, historique de recherche, amis, fréquentations, vidéos vues, textes lus. Et tant d'autres choses encore. Sa technologie de recherche est la meilleure du monde. Elle est devenue notre monde. Il veut changer notre manière de voir le monde. Alors il nous propose des lunettes. S'intéresse aux lentilles de contact (pour diabétiques). Changer notre manière de voir le monde. Littéralement. Il a fait de notre corps une interface comme une autre.

What's Nest ?

Et maintenant Google vient de racheter Nest. Une société de domotique essentiellement connue pour ses thermostats et ses détecteurs de fumée "intelligents" et "connectés".

Un triangle tout rond.

Google reste perçu comme une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Mais à cette figure de la sphère pascalienne, s'ajoute celle du triangle euclidien. Plus exactement de la triangulation des usages.

Ce rachat est pour Google l'occasion d'une nouvelle triangulation multimodale entre les usagers, leur smartphone (cette "télécommande de nos vies") et leur … maison. Comme toute triangulation, il s'agit de pouvoir calculer et déterminer avec le plus de précision et d'acuité possible la localisation d'un point, en corrélant ensuite ces données de localisation avec l'ensemble des autres données de notre "empreinte numérique". Et le point, c'est nous. Triangulation multimodale puisqu'il est possible d'agir de différentes manières avec ces thermostats (à distance, via son smartphone, via internet, à la main). Mais également triangulation multi-focale puisque l'on peut supposer que cette entrée fracassante du géant de Mountain View dans le secteur de la domotique ne se limitera pas, loin s'en faut, aux seuls thermostats et détecteurs de fumée. Même s'il est vrai que le thermostat équipe les radiateurs, et que dans n'importe quelle maison, lesdits radiateurs sont déjà les éléments "ménagers" disposant du plus grand nombre d'occurences (on a un seul lave-vaisselle mais toujours au moins autant de radiateurs que de pièces). Demain donc, il est probable que cette triangulation s'étende à nos frigos, machines à laver, fours micro-onde, etc. L'internet des objets. Ces objets du quotidien. Dont chacun dispose à demeure, dans son domicile. Un domicile rempli d'autant d'objets différents que de potentiels terminaux. Un domicile terminal.

Domicile terminal.

L'internet des objets et le World Wide Wear, nous ramènent presque paradoxalement aux premiers temps des ordinateurs qui, pour pouvoir fonctionner, devaient être équipés d'un ensemble de dispositifs d'entrée (lecteurs de disquettes, de CD, souris, claviers, etc.) et de sorties (imprimantes, enceintes, etc.). A cette différence près que les écrans sont en train de disparaître (modeste analyse de votre serviteur, récemment confirmée par le patron de Sony), et que l'ordinateur au sens littéral, c'est à dire la "puissance de calcul", est sortie de chez nous pour migrer dans le cloud, qu'elle est en train d'emporter avec elle l'ensemble des biens "culturels" (livres, CD, DVD) également stockés et résidents du nuage, et ne nous laisse à portée de main qu'une télécommande (notre téléphone portable) ; à cette différence près que les nouveaux périphériques, les nouveaux terminaux, ont désormais pour nom télévisions, frigos, cafetières, micro-onde, fours, lave-vaisselle, brosses à dent, jouets, etc.

Autant d'objets qui sont autant de triangulations possibles ; autant d'objets qui sont autant de possibles nouvelles dépendances numériques nous reliant à la firme ; autant d'objets qui sont autant d'espaces publicitaires à investir.

Domicile terminal. Parce que le dernier espace non numérique relevant de l'habitation, de l'intime, est investi. Plus qu'une simple intrusion sur le secteur de la domotique, Google ambitionne de faire de chacun de nos domiciles, un data-center comme les autres.

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