Le 9 Mars …

La société de demain, la vraie, se dessine très précisément à la lisière de la lecture fortuite de ces 2 articles et d'un moment politique.

Le premier, "Le Uber de la restauration débarque à Toulouse. L'indépendance c'est l'esclavage" nous raconte le volet sociétal d'un monde dans lequel "l'indépendance" et la fin du salariat comme système sont l'horizon que l'on nous vante à longueur de journée à grand renfort de storytelling, transformant les vices en autant de vertus et présentant comme "seule voie du succès" le refus obstiné d'en envisager d'autres.

Le second est signée de Evgeny Mrozov dans le Diplo et est titré : "L'utopie du revenu garanti récupérée par la Silicon Valley". Le texte de Morozov est limpide dans la manière qu'il a d'expliciter clairement le volet économique qui s'articule sur le volet social. La parole aux grandes firmes. Court extrait :

"Pourquoi un tel engouement ? Bien sûr, il y a d’abord la vieille allergie libertarienne à l’Etat-providence, un spectre que le revenu universel, combiné à un démantèlement total des services publics, pourrait définitivement réduire à néant. Ensuite, l’automatisation croissante de l’industrie risque à terme de multiplier encore le nombre de chômeurs : le versement à tous d’un petit pécule garanti et sans conditions permettrait d’éloigner la menace d’un soulèvement populaire néo-luddite. Pour la Silicon Valley, chacun doit s’initier à la programmation informatique, se satisfaire des miettes du revenu garanti et ne poursuivre qu’un rêve : rencontrer un aventurier du capital-risque. (…)

Un troisième calcul pourrait expliquer cet emballement soudain : la nature précaire des emplois serait mieux supportée si les employés disposaient par ailleurs d’une ressource stable. Conduire une voiture pour Uber serait alors vécu comme un loisir, agrémenté d’un petit bénéfice matériel. Un peu comme la pêche, mais en plus social."

Et le moment politique que j'évoquais en titre est évidemment celui du projet de loi Travail. Qui est un double aveu tant il atteste d'une absence de vision totale sur ces questions absolument déterminantes (qui avaient pourtant été signalée dans un récent rapport du Conseil National du Numérique) et tant il permet d'accompagner et d'organiser le lent délitement subséquent à "l'Uberisation" à la sauce libertarienne des GAFAM.

By the way …

La dernière fois que l'on nous a doctement expliqué que le frein principal à l'embauche était la "rigidité", en allant jusqu'à écrire un texte de loi sur le postulat pataphysique selon lequel il faudrait faciliter les licenciements pour augmenter les embauches, c'était en 2006. Le 16 Janvier 2006 très exactement. A l'époque il est vrai que pour bénéficier de ce nouvel horizon social progressiste il fallait avoir moins de 26 ans. La grande force de ce gouvernement est de vouloir permettre à tous, sans limite d'âge, de tester l'adage logico-mathématique selon lequel le fait de savoir qu'il sera plus facile (et moins coûteux) de licencier aura comme conséquence mécanique d'inciter les employeurs à embaucher. Niveau pari, je vais rester sur l'option PMU.

"Travailler plus pour gagner plus" avait-on déjà entendu à droite avec les résultats que l'on sait. Et voici qu'à gauche on entonne l'entêtante ritournelle du "licencier plus pour embaucher plus". C'est vrai que les deux formules avaient de la gueule. Mais pas celle de l'emploi.

J'espère vraiment que nous serons nombreux dans la rue le 9 Mars. Et j'espère surtout que ceux sur lesquels tout pèse et repose, ceux sans lesquels rien ne sera possible, nous y précèderont et sauront trouver le chemin d'une indépendance dans laquelle le droit (du travail) demeurera une garantie commune (c'est à dire qui "fait communauté") et non une (stock-)option cessible aux intérêts partisans de ceux qui, dans l'incapacité où ils se trouvent de penser l'évolution du droit et du travail à l'échelle des mutations actuelles, se réfugient dans la croyance qu'une flexi-sécurité fantasmée leur permettra, à défaut d'être en capacité de rivaliser avec l'atomisation permise par les plateformes, de bénéficier du même type de main d'oeuvre délinéarisable mais heureusement encore corvéable à merci. Et merci qui ? Merci Patron.

Allez, rendez-vous le 9 mars. Et d'ici-là, bisous. Et Banzaï !

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(Via Brain Magazine)

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