Quand des community managers réfléchissent à la #loitravail

Je ne pouvais pas passer à côté, j'ai donc demandé à la troisième promo de padawans community managers de la licence pro de l'université de Nantes de s'intéresser au cas du lancement du désormais célèbre compte twitter de la "loi travail".

Dans un premier temps nous nous sommes, ensemble, efforcés de décortiquer cette opération de comm. ratée pour en analyser les causes. En gros, de répondre à la question : "Pourquoi ne fallait-il surtout pas faire ça ?"

Pavel(Pawel Kuczynski)

Dans un deuxième temps, je leur ai demandé (sans mon aide cette fois) d'apporter des éléments de réponse aux deux questions suivantes :

  • qu'aurait-il fallu faire ?
  • et maintenant que le mal est fait, on fait quoi ?

Eléments que je vous livrerai en début de semaine prochaine. Mais en attendant, voici le résultat de leurs cogitations sur la 1ère question : "Pourquoi ne fallait-il surtout pas faire ça, comme ça ?"

#LoiTravail : pourquoi ça ne pouvait pas marcher …

(clique dessus pour agrandir l'image)

Diapositive1

 

En gros, nous avons identifié une crise mobilisant simultanément les 3 grandes origines des crises dans le domaine de la communication :

  • crise communicationnelle reposant sur une série de maladresses (cpte twitter sur le fond et sur la forme, réaction trop tardive, problème de légitimité)
  • crise structurelle, la plus impactante et entraînant un effet de discrédit durable, qui repose cette fois principalement sur les soutiens "droitiers" de la loi travail.
  • crise émotionnelle, la plus vindicative, qui repose sur les enjeux à la fois éthiques, moraux et affectifs liés aux problématiques du travail (et de l'absence de travail), et dimension émotionnelle amplifiée et cristallisée par les réseaux sociaux qui, on le sait, favorisent presque naturellement et ontologiquement la viralité de phénomènes s'appuyant sur des sentiments de colère ou d'indignation.

Nous avons également montré qu'au-delà de la temporalité (trop) tardive de la réaction (inappropriée) du ministère du travail sur Twitter avec la création de ce fameux compte et de son non moins fameux "Bonjour Twitter je suis la loi travail on parle beaucoup de moi mais on se connaît mal", la question de la "communauté" était bien sûr centrale : la communauté des "réseaux sociaux" était déjà très dense et fortement structurée (grâce à l'initiative des YouTubeurs et à la pétition en ligne principalement), la communauté politique était également très lisible et clivée (suite à la tribune de Martine Aubry dans Le Monde en gros la droite soutient ce texte "de gauche" et la gauche condamne ce texte qui "pourrait être de droite"), enfin la communauté "médiatique" était là aussi clairement lisible avec le démontage en règle par Libé et Le Monde du "Vrai-Faux" publié sur le site du ministère du travail. En face de cela, le lancement de ce compte Twitter ne bénéficiait d'aucune "communauté" et ne s'est donné ni le temps ni les moyens de tenter d'en créer une. Une communauté ça se construit, ça ne se décrète pas.

Enfin nous nous sommes interrogés sur la possibilité que cette "crise de communication" essentiellement portée et axée sur et par les réseaux sociaux, déborde dans la rue et que le "slacktivisme" trouve une application politique, citoyenne et militante concrète et qui serait "à l'échelle" de la mobilisation en ligne. Et là encore nous avons posé et constaté que :

  • la convergence et la simultanéité de 3 crises (communicationnelle, structurelle et surtout émotionnelle)
  • l'absence de réponse en ligne adaptée
  • l'absence de communauté sur laquelle s'appuyer
  • le relai politique et médiatique (et la bipolarisation inattendue des "soutiens")
  • et enfin et surtout le phénomène d'essaimage produit par la viralité initiale de la pétition contre la loi travail et la mobilisation de la communauté YouTube

que tous ces paramètres avaient contribué à l'élaboration d'un "nouveau cycle de viralité" lors duquel différents appels à la mobilisation (dans la rue) avaient vu le jour, rencontrant l'écho de différentes organisations "jeunes" (des jeunes socialistes aux syndicats étudiants et lycéens) et pouvait raisonnablement permettre d'indiquer que oui, il y aurait bien beaucoup de monde dans la rue le #9mars. D'autant que (mais ça nous ne le savions pas encore lorsque nous avons travaillé sur le sujet), les différents opérations de communication consistant à annoncer le report de 15 jours de la présentation de la loi au conseil des ministres ou bien encore le nettoyage cosmétique de son changement de nom n'auront pour effet que de renforcer et de cristalliser encore les mécontentements.

Au final donc, un #combo de 3 crises, plus un #combo de communautés denses, claires, lisibles et agissantes d'un côté et l'absence totale de communauté de l'autre, et le #combo du démarrage d'un nouveau cycle viral s'appuyant cette fois sur des communautés d'internautes, de mouvements / leaders politiques et de presse d'opinion qui permet de déborder le cadre strict du slacktivisme pour initier des appels à la mobilisation "réelle" nourris par les précédentes mobilisations "virtuelles".

Bref un vrai cas d'école. Rendez-vous le #9Mars pour voir si on s'est planté ou pas 😉 Et rendez-vous d'ici là avec les préconisations des 14 apprentis community managers de la licence professionnelle de l'université de Nantes pour tenter de proposer des solutions de sortie de crise à ce gouvernement.

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