Pourquoi je ne publie(rai) plus (jamais) dans des revues scientifiques.

A la différence des autres articles de ce blog, sous licence Creative Commons Attribution, Non-Commercial, Share-Alike, celui là est disponible, à compter de sa date de publication, sous simple licence Creative Commons Attribution. 

<Edit du 20 Mai 2016> Depuis la publication de cet article (sur mon blog et sur Rue89), j'ai reçu en moins de 48h plus d'une soixantaine de mails – et ça n'arrête pas … – souvent très courts, parfois très longs, pour "me remercier", pour me livrer des "témoignages", mais aussi pour me proposer de participer à différents projets, me demander ce qu'on pouvait faire, etc. Donc d'abord : merci pour ces retours. Ensuite : désolé de n'avoir pas – pour l'instant – le temps de répondre à chacun. Et sur le "mais que peut-on faire ?" Et bien la réponse est simple :

  • si vous êtes chercheur : déposez systématiquement et immédiatement la version auteur de tous vos articles (acceptés ou en cours de soumission) dans des archives ouvertes et/ou institutionnelles (et si vous avez un blog, sur votre blog). Refusez de signer tous les contrats qui disposent de clauses "d'embargo" de plus de 6 mois ou qui vous interdisent le dépôt y compris pour la version "auteur" : il s'agit de contrats léonins et dans la plus parfaite illégalité. AUCUNE loi ni AUCUN contrat ne peut empêcher l'auteur d'une recherche publique financée sur fonds publics de déposer – au moins – la version auteur de son article dans une archive ouverte et ce dès parution ou acceptation dudit article. Ceux qui vous disent l'inverse sont au mieux des incompétents et au pire des escrocs. Et si votre situation ne vous permet pas de faire autrement que de signer ledit contrat (je pense notamment aux doctorants ou à certains McF en début de carrière), hé bien signez-les et déposez quand même. Vous ne serez pas les premiers 😉
  • si vous êtes un bibliothécaire : valorisez systématiquement les fonds en archive ouverte, montez des archives institutionnelles, aidez les étudiants, doctorants, chercheurs a comprendre ces enjeux, envoyez-les sur des Shadows Libraries, aidez les aussi à publier dans ces archives ouvertes, aidez-les à identifier les revues importantes en Open Access dans leur discipline, etc.
  • et si vous êtes Elise Lucet, Fabrice Arfi, Edwy Plenel ou journaliste d'investigation en général, allez donc enquêter sur les pratiques de ces grands groupes éditoriaux, vous verrez, c'est instructif, c'est édifiant et ce serait surtout d'utilité publique.

</Edit du 20 Mai 2016>

<Edit du 19 Mai 2016> Rue89 vient de republier une version courte de cet article. Pour que les choses soient claires, c'est moi – une fois n'est pas coutume 😉 – qui leur ai proposé de le reprendre, estimant que plus de 20 000 visiteurs uniques sur ce blog en moins de 48 heures constituaient une raison suffisante pour davantage pousser ce sujet sur le place publique. </Edit du 19 Mai>

(Disclaimer : ce que je vais raconter n'est, pour une large mesure, valable que dans certaines la plupart des disciplines des sciences humaines et sociales – SHS et ne vaut pas dans la même mesure pour les sciences "dures" et les sciences de l'ingénieur, même si bon enfin bref disons que ça vaut surtout en SHS même si bon enfin bref).

Donc oui, je ne publie plus que vraiment très occasionnellement dans des revues scientifiques. Et ce pour plusieurs raisons.

If you Pay Peanuts you get Monkeys.

D'abord le modèle économique de l'oligopole (voire du quasi monopole dans le cas des SHS) qui gère aujourd'hui la diffusion des connaissances au travers de revues est celui d'une prédation atteignant des niveaux de cynisme (et de rente) de plus en plus hallucinants.

Elsevier

A tel point que de plus en plus d'universités préfèrent carrément renoncer à l'ensemble de leurs abonnements chez Springer ou Elsevier. La dernière en date est celle de Montréal. Cette situation est hallucinante et ubuesque. Hallucinante tant les tarifs d'Elsevier (ou de Springer) et les modalités d'accès proposées relèvent du grand banditisme et de l'extorsion de fonds. Ubuesque car nous sommes dans une situation où des universités doivent renoncer, j'ai bien dit renoncer, à accéder à des revues scientifiques. Monde de dingue.  Un peu comme si des agriculteurs devaient renoncer à certaines graines et semences du fait des pratiques de certaines firmes agro-alimentaires. Monde de dingue au carré. D'autant qu'on sait que dans ce choix extrêmement délicat effectué par l'université de Montréal, l'existence de Sci-Hub (site "illégal" dont je vous reparlerai un peu plus tard dans ce billet) pourrait avoir largement pesé dans la balance. 

Parce que c'est ahurissant mais c'est ainsi, pour faire de la recherche scientifique aujourd'hui en France (et ailleurs dans le monde), il faut nécessairement passer par des bibliothèques clandestines (Shadows Libraries).

Argent trop cher et travail gratuit.

Ensuite les "éditeurs" desdites revues ont arrêté depuis bien longtemps de produire le travail éditorial qui justifiait le coût et l'intérêt desdites revues : ils se contentent le plus souvent d'apposer leur "marque", toutes les vérifications scientifiques (sur le fond) sont effectuées gratuitement par d'autres chercheurs, et les auteurs eux-mêmes se coltinent l'application de feuilles de style la plupart du temps imbitables.

Je peux pas j'ai administration.

Et puis j'ai pas le temps. Parce que les bien nommées "tâches administratives" occupent une place hallucinante, indépendamment de celles qui pourraient être d'une utilité quelconque comme de remplir d'interminables dossiers de demandes de subvention pour différents projets scientifiques. Je dis bien qui "pourraient" être d'une utilité quelconque, si la vie était bien faite et les instances d'évaluation aussi, ce qui comme tout le monde le sait est naturellement très loin d'être le cas. 

Voilà pour les raisons "économico-professionalo-éditoriales". Mais les plus importantes sont celles qui suivent.

Jargon mon amour.

Ecrire pour une revue scientifique c'est se plier à un exercice stylistique extrêmement frustrant. Il faut avoir le "style" revue, c'est à dire écrire en respectant quatre règles :

  1. citer les mandarins de sa discipline (même si lesdits mandarins écrivent nimp sur le sujet que vous traitez et/ou qu'ils n'ont eux-mêmes rien publié d'intéressant si ce n'est quelques articles de complaisance dans les revues de leurs copains mandarins)
  2. faire des états de l'art (très très bien les états de l'art, y'en a tellement sur n'importe quel sujet que ça ne sert plus à rien mais paraît que c'est bon pour être cité à son tour et donc avoir un bon facteur d'impact)
  3. faire (toujours) des phrases compliquées pour expliquer des choses (parfois assez) simples. Le Gangnam Sokal Style
  4. faire 4 fois (ou 8 fois si on est très fort) le même article sur le même sujet mais en se débrouillant pour ne pas qu'on s'en aperçoive. Et si possible le faire à partir du dernier vrai travail de recherche qu'on a effectué (et qui a déjà été publié et validé) c'est à dire, sa thèse. Je connais un type (je vous jure que c'est vrai), très connu dans son domaine, membres de tout plein de trucs dont différentes instances d'évaluation (CNU et tout et tout) et qui a passé sa vie à publier sous différentes formes les différents chapitre de sa thèse. Ce qui prouve par ailleurs que sa thèse devait être très bonne. Si vous avez le temps, faites cet exercice rigolo : prenez les 5 ou 6 dernières publications d'un chercheur. Vous vous apercevrez qu'il s'agit exactement des mêmes idées, mais présentées sous un angle légèrement différent et avec des variations stylistiques (et dans le meilleur des cas bibliographiques) qui la plupart du temps tiennent lieu de seule véritable nouveauté (je m'inclus naturellement dans le lot concernant l'essentiel de mes "publications dans des revues").

Ô temps suspend ton vol et moi ma carrière.

Au cours des deux années précédentes j'ai commis quelques articles pour des revues scientifiques, ainsi que divers "écrits" du genre préface ou postface d'ouvrages. Si je continue de me livrer à ce genre de pratique ce n'est pas dans une quelconque perspective de carrière : ça va j'ai un métier, j'avance à l'ancienneté, ne comptez pas sur moi pour revivre à 40 balais passés l'extraordinaire expérience d'allégeance en mode "carpette" que constitue le passage d'une HDR – habilitation à diriger des recherches – avec tout ce que cela implique de cirage de pompe mandarinales, déjà quand j'avais 20 ans de moins et que j'avais dû faire ça pour ma thèse et ma qualif j'avais limite du mal à me regarder dans la glace le soir, alors avec 20 piges de plus … Ce n'est pas non plus dans un quelconque espoir de rentrer dans les cases de l'évaluation par l'AERES, ça j'y ai renoncé depuis longtemps, précisément pour les raisons décrites dans le billet que vous êtes en train de lire … et aussi parce qu'à chaque fois que j'ai été confronté (en groupe dans un labo ou à titre individuel dans différents colloques) à des experts évaluateurs de l'AERES j'ai surtout eu envie :

  • a) de commencer une thèse sur la détresse sexuelle et psychologique de l'évaluateur
  • b) d'effacer la morgue affichée par ces "pairs" à grands coups de bazooka afin d'éparpiller le tout une bonne fois façon puzzle

Donc bref, si je commets encore (raaaaaaarement) quelques articles ou pré/postfaces ce n'est que sur la demande de gens que j'estime professionnellement et/ou humainement (et il n'y en a pas beaucoup), et qui me font – d'aussi loin que je puisse en juger – l'estime d'accorder un peu de crédit aux articles (pas scientifiques) de ce blog même s'ils ne rentrent pas dans le cadre d'une "revue". Et à chaque fois c'est le même bazar. Le temps moyen s'écoulant entre le moment ou je mets le point final et celui ou le texte paraît enfin en papier ou en ligne varie de 6 mois à deux ans, et plus souvent deux ans que 6 mois. Non pas que 2 ans après ce que j'ai écrit n'ait plus aucun intérêt ou soit complètement dépassé (quoique parfois …) mais cette temporalité débile qui n'est justifiée par rien d'autre que … que je ne sais pas trop quoi d'ailleurs, bref cette temporalité débile prive le chercheur (moi) de l'un des rares plaisirs qui peuplent sa vie de chercheur, c'est à dire se confronter à l'expérience de la publication et de la lecture d'un texte (même si c'est mon texte est que ledit plaisir relève, je vous l'accorde, du narcissisme le plus vil).

Parce que 2400 articles de blog en 10 ans, ben ça devrait compter un peu non ?

Non bien sûr je sais bien que ça ne compte pas. Mais bon 2400 articles en un peu plus de 10 ans de blog, ça fait quand même 240 articles par an, 20 articles par mois. Depuis 10 ans. Alors bien sûr – inutile de nier je vous connais – vous allez me dire : "Ouiiii mais quand même le regard de ses pairs, l'évaluation par ses pairs c'est important pour vérifier que tu racontes pas n'importe quoi. C'est pour ça, pour vérifier que les chercheurs ne racontent pas n'importe quoi qu'on a inventé l'évaluation par les pairs d'ailleurs, et que les revues scientifiques sont tellement importantes." Donc vous allez me dire ça et moi je vais vous répondre en un mot comme en cent : B-U-L-L-S-H-I-T. Total Bullshit. Hashtag Total Bullshit même.

Bien sûr que l'évaluation par les pairs c'est important. Sauf que même à l'époque où je publiais encore régulièrement dans des revues soumises à l'évaluation par les pairs (et en l'occurrence "soumises" n'est pas un vain mot), ladite évaluation de mes pairs se résumait 9 fois sur 10 à m'indiquer :

  • a/ que je n'avais pas ou insuffisamment cité les travaux de tel ou tel mandarin (ou de l'évaluateur lui-même …)
  • b/ que c'était très intéressant mais que le terme "jargon 1" prenait insuffisamment en compte les travaux se rapportant au terme "Jargon 2". Jamais, je dis bien jamais aucun débat scientifique, aucune idée neuve, aucune confrontation d'idée, juste une relecture tiédasse
  • c/ que ce serait mieux si je changeais cette virgule par un point-virgule

Mais nonobstant, c'est vrai que la vraie évaluation par les pairs c'est important. Sauf que JAMAIS AUCUN CHERCHEUR NE S'AMUSERA A PUBLIER DES CONNERIES juste pour voir si ses pairs s'en rendront compte ou pas. Parce que d'abord en général les chercheurs sont plutôt des gens instruits, relativement compétents, et relativement soucieux de contribuer à l'avancée des connaissances. Et aussi parce que SI TU PUBLIES UN ARTICLE AVEC DES CONNERIES SCIENTIFIQUES OU DES METHODOLOGIES FOIREUSES ben tu te fais immédiatement aligner et ta carrière est finie. Sauf bien sûr si c'est pour faire une blague 😉

Alors soyons clair, nul n'est heureusement infaillible et à moi aussi il m'est arrivé de publier des articles sur ce blog contenant sinon des conneries, en tout cas quelques inexactitudes ou imprécisions. Lesquelles m'ont été immédiatement signalées de manière tout à fait constructive par les lecteurs dudit blog, qui sont loin d'être tous des scientifiques-chercheurs-universitaires. Bref le syndrome Wikipédia. Oui il y a des erreurs dans Wikipédia, mais non il n'y en a pas plus que dans les encyclopédies classiques et oui, à la différence des encyclopédies classiques elles sont presque immédiatement signalées et corrigées.

Parce que ces putains de revues scientifiques ne sont lues par personne ! #bordel.

Ai-je besoin de développer ? Des milliards (oui oui) d'euros de budget par an versés à quelques grands groupes que je n'ose même plus qualifier "d'éditoriaux" et un lectorat proportionnellement équivalent à celui du bulletin paroissial de Mouilleron Le Captif (au demeurant charmante bourgade de Vendée avec un patronyme trop choupinou).

Et puis il y a la vraie raison.

Celle qui surclasse toutes les autres. La vraie raison c'est que notre putain de métier n'est pas d'écrire des articles scientifiques et de remplir de faire des dossiers de demande de subvention qui nous seront refusés plus de 3 fois sur 4 (chiffres officiels de l'AERES). Notre putain de métier c'est d'enseigner, de produire des connaissances scientifiques permettant de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons ET DE PARTAGER CES PUTAINS DE CONNAISSANCES AVEC LES GENS. Pas JUSTE avec nos gentils étudiants ou JUSTE avec nos charmants collègues, AVEC LES GENS. Notre putain de métier ce n'est pas d'attendre deux putains d'années que d'improbables pairs qui auraient par ailleurs bien mieux à faire – de la recherche ou des cours – aient bien constaté que nous n'écrivions pas n'importe quoi pour nous donner, au bout de deux ans, la permission de voir nos écrits diffusés avec un niveau de confidentialité qui rendrait jaloux les banques suisses et avec un coût d'accès qui … rendrait aussi jaloux les banques suisses.

Le boulot du chercheur n'est pas – forcément – de trouver.

Hé bé non. Le boulot du chercheur n'est pas forcément de trouver. Mais de rendre public. Et de chercher … à comprendre. De chercher à comprendre pour rendre public. C'est ça le boulot du chercheur. Juste ça. Il y a 20 ans que je fais ce métier. Que je fais de la "recherche". En 20 ans qu'ai-je réellement trouvé ? Rien. Nib. Que dalle. Que tchi. J'ai aligné des concepts, j'ai proposé des solutions d'explicitation plus que d'explication, je me suis efforcé de donner un cadre, un contexte, un relief, une distance aux transformations numériques que nous traversons depuis ces 20 années. De le faire en temps réel et de le partager avec le plus de monde possible. C'est cela mon métier. Et c'est en faisant cela que je me sens "utile". D'autant que je me suis aperçu d'un truc assez fou : les gens ont l'air de trouver ça intéressant. Oui oui, intéressant. Je me sens utile en maîtrisant le rythme de mes publications, je me sens utile en en maîtrisant également le coût (gratuit donc puisque j'ai déjà un salaire et que je considère que ce salaire me paie aussi pour ce que je publie sur ce blog), je me sens utile en leur donnant une "audience".

Un jour un type avec un col roulé et une écharpe (c'est tout ce dont je me rappelle parce que c'était vraiment bizarre ce col roulé et cette écharpe), un jour ce type extrêmement brillant et avec un CV académique long comme le bras et rempli de vraies publications dans des vraies revues scientifiques avec qui nous devisions gaiement sur cette nouvelle "mode" qui consistait à ouvrir un blog pour parler de sa recherche (oui bon ben c'était il y a 8 ans, et je vous jure qu'il y a 8 ans ouvrir un blog à la fac c'était limite punk à chien comme attitude), donc un jour ce type à qui l'expliquais que ça me semblait un super bon moyen de faire de la valorisation de la recherche en SHS, ce type m'a regardé de très très haut et de son col roulé avec écharpe et m'a rappelé comme une mère castratrice le rappellerait à son enfant onaniste que la "valorisation" c'était ce qui permettait de ramener de l'argent et que moi, au mieux je ne faisais que de la "vulgarisation". Je me souviens très bien du coup de pied rotatif – high kick – que j'ai alors déclenché pour atteindre sa tempe avant de briser sa colonne vertébrale d'un coup de talon afin qu'il passe le restant de sa vie dans un fauteuil roulant en bavant. Bon en vrai j'ai rien dit et je suis allé prendre un café mais ce jour là j'ai compris que c'était pas gagné c't'histoire.

J'ai des collègues passionnants. Et je ne suis pas le seul. Mais personne ne le saura jamais.

Ça me rend dingue. Depuis 20 ans donc (en comptant ma thèse et mon post-doc) je croise souvent plein de collègues qui ont des choses passionnantes à raconter. Et qui ne les racontent pas. Qui ne les raconteront jamais autrement que sous la forme d'un jargon imbitable dans des revues hors de prix pour un public inexistant. Rien que dans mon petit IUT de province y'a une spécialiste en communication politique qui s'intéresse à l'analyse des discours de l'extrême-droite. Plus de 20 ans qu'elle bosse sur le sujet. Elle a écrit des tas d'articles (que personne n'a lu), elle a publié plein de bouquins (que pas grand monde n'a acheté) et pourtant elle aurait plein mais alors vraiment plein de choses intéressantes à raconter sur ce qui se passe en ce moment. Et ça passionnerait plein de monde. Au dessus de son bureau y'a une collègue sociologue, spécialiste de tout un tas de trucs, dont l'enfance maltraitée. Qui écrit aussi plein de bouquins. Un jour elle m'a expliqué ce qu'étaient les enfants qualifiés "d'incasables", avec ses mots de sociologue mais aussi sur le ton de la conversation. C'était passionnant. Si vous voulez savoir ce que c'est un enfant "incasable", et pourquoi c'est passionnant (et déprimant) il vous faudra acheter son bouquin, qui est bien sûr épuisé. A côté de mon bureau y'a un collègue que je taquine régulièrement parce qu'il bosse dans un champ scientifique que je ne maîtrise pas mais alors pas du tout. Genre génie électrique. Bref. Le type il bosse sur des projets d'éoliennes en mer et quand il vous parle de ça c'est super intéressant. Le type (le même) là il me disait à la pause déjeuner qu'il venait de boucler un projet de demande de subvention pour un bateau de pêche autonome en énergie (renouvelable) à destination des pays en voie de développement C'était vraiment super intéressant. Même moi qui ne connaît rien à la pêche ni aux pays en voie de développement ni aux énergies renouvelables ça m'a super intéressé. Pour comprendre pourquoi c'était super intéressant il faudra attendre qu'il écrive un article chiant en anglais que personne ne lira, à condition qu'il obtienne ce financement européen qu'il n'aura pas (même lui le sait et pourtant il continue d'y passer des nuits). Et des collègues comme ça y'en a plein. Il leur manque juste deux ou trois trucs. Un blog (ou un site ou un écosystème numérique permettant de publier facilement, quand on en a envie), du temps, et de l'envie. Mais à chaque fois que j'en parle avec eux "l'envie" est loin, très loin d'être le principal problème. Alors bien sûr dans le lot y'a aussi quelques heu … disons … réticences et vieux réflexes :

  • "Ah ben oui mais alors si quelqu'un me pique mon idée ?"

Ben c'est qu'elle était intéressante. C'est bien non ? Et en plus ce sera facile de vérifier que tu as été le premier à la publier, à en parler. 

  • "Ah ben oui mais faut que je publie dans des revues de rang A si je veux pouvoir rester dans mon labo."

Ben commence par publier une vingtaine de billets de blogs sur tes sujets de recherche, et si vraiment t'as besoin ensuite d'une publication académique tu verras à quel point t'auras gagné du temps.

Parce que dans la vie y'a ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent.

Et que ceux qui creusent, on les connaît. A commencer par les président d'université auxquels j'avais déjà par le passé témoigné de toute mon admiration pour le côté visionnaire de leur immobilisme. Sans oublier bien sûr tous mes charmants collègues qui a force de "c'est trop compliqué", "j'ai pas le temps", et autres "c'est pas la priorité" ou "les éditeurs de revues ne veulent pas", ne déposent même pas la version auteur de leurs articles dans des archives ouvertes et qui mettent donc une hallucinante énergie mortifère à creuser leur propre tombe (ça c'est leur problème) mais hélas aussi et surtout la tombe de la diffusion des connaissances et de l'accès aux savoirs.

Parce que tant qu'il y aura des couilles éditoriales en or y'aura des lames d'Open Access en acier.

Je vous avais déjà parlé d'Alexandra Elbakyan. S'il y avait un Panthéon des militants de l'accès aux connaissances scientifiques (et du courage scientifique du même coup), elle siègerait aux côtés d'Aaron Swartz. Cette femme a créé le site Sci-Hub qui est tout simplement à l'heure actuelle la plus grosse bibliothèque scientifique clandestine du ouèbe, plus de 50 millions d'articles scientifiques, et dont la controverse qu'il suscite ne va pas assez loin. Bien sûr Elsevier lui colle un procès, bien sûr diverses manipulations plus ou moins légales tentent de faire disparaître ce site, qui heureusement, résiste et résiste encore. Pour s'y connecter actuellement, si l'adresse sci-hub.cc ne répond pas, tentez sci-hub.ac ou carrément l'IP 31.184.194.81 🙂

Open Access Guerilla Manifesto

Parce que ces requins du grand banditisme éditorial sont partout et qu'ils ont bien compris d'où venait le danger. A tel point que l'on apprenait ce matin qu'Elsevier (encore …) avait réussi à racheter une archive ouverte en sciences sociales (et pas l'une des moindres … SSRN). Carrément.

Alors figurez-vous que y'a pas que Martin Luther King qui fait des rêves. Moi aussi j'ai fait un rêve. J'ai rêvé que les acteurs publics de la recherche publique (l'état, les universités, les présidents d'université, les enseignants-chercheurs, les bibliothèques universitaires) lisaient, adhéraient et appliquaient à la lettre le manifeste pour une guerilla de l'Open Access d'Aaron Swartz.

"There is no justice in following unjust laws. It's time to come into the light and, in the grand tradition of civil disobedience, declare our opposition to this private theft of public culture. We need to take information, wherever it is stored, make our copies and share them with the world. We need to take stuff that's out of copyright and add it to the archive. We need to buy secret databases and put them on the Web. We need to download scientific journals and upload them to file sharing networks. We need to fight for Guerilla Open Access.

With enough of us, around the world, we'll not just send a strong message opposing the privatization of knowledge — we'll make it a thing of the past. Will you join us?

Aaron Swartz. July 2008, Eremo, Italy"

J'ai rêvé que plus un centime d'argent public ne soit versé à ces escrocs mais que la totalité dudit argent public soit consacré à développer, construire et soutenir des initiatives comme Sci-Hub ou toute autre forme d'archive ouverte ou de libre accès, que ces initiatives soient légales ou illégales.

J'ai rêvé que des gens qui disposent majoritairement d'un bac+8 soient capables de comprendre et d'entendre que le fruit de leur travail (de recherche), que leur rôle dans la société (faire avancer les connaissances et mettre ces connaissances à disposition du public), que tout cela était non seulement menacé mais en train d'être entièrement détruit depuis déjà des dizaines d'années par un système devenu totalement dingue et atteignant un niveau de cynisme ahurissant et piloté par quelques grands groupes qui osent encore se dire "éditoriaux" quand la réalité de leurs pratiques les constitue en autant de mafias. J'ai rêvé que des gens qui disposent d'un bac+8, d'un salaire confortable, et d'un temps de cerveau disponible non-entièrement dédié à Coca-Cola soient capables d'entendre et de comprendre que pour des populations entières sur cette planète, que pour des millions de personnes souffrantes, malades, exploitées ou tout simplement … curieuses, la privatisation des connaissances était littéralement, je dis bien littéralement, mortifère.

Et comme depuis plus de 15 ans que je fais ce rêve, je me suis réveillé avec une putain de gueule de bois, à peine atténuée par la récente médaille d'or de l'innovation attribuée à Marin Dacos.

Bon et là vous vous dites : "OK il est énervé." "OK c'est réjouissant." Mais "OK il exagère."

Parce que vous me connaissez hein. Pondéré. Pas sanguin pour deux sous. Raisonnable au-delà des attendus du devoir de réserve. La faconde de la grande muette à moi tout seul. Donc devinette.

Qui a écrit :

"Les éditeurs et les scientifiques insistent sur l’importance cruciale de l’évaluation par les pairs. Nous la dépeignons au public comme si c’était un processus quasi-sacré qui aide à faire de la science notre accès le plus objectif à la vérité. Mais nous savons que le système d’évaluation par les pairs est biaisé, injuste, non fiable, incomplet, facilement truqué, souvent insultant, souvent ignare, parfois bête, et souvent erroné."

Un punk à chien. Le rédacteur en chef de la revue "The Lancet".

Qui a écrit : 

"Nous avons peu de données quant à l’efficacité réelle du processus, mais nous avons la preuve de ses défauts. En plus d’être peu efficace pour la détection de défauts graves et presque inutile pour la détection des fraudes, il est lent, coûteux, distrait le chercheur de son laboratoire, est très subjectif, tient de la loterie, et peut facilement abuser. Vous soumettez une étude pour un journal. Elle entre dans un système qui est en fait une boîte noire, puis une réponse plus ou moins justifiée sort à l’autre extrémité. La boîte noire est comme la roulette, et les profits et pertes peuvent être grands. Pour un universitaire, une publication dans un journal important comme Nature ou Cell équivaut à toucher le jackpot. 

Un marxiste léniniste. Richard Smith du Journal of Royal Society of Medicine.
 
Qui a écrit :
qu'il n'enverrait plus jamais d'articles à des revues comme : "Nature, Science ou Cell dans la mesure où ces revues à comité de relecture faussent le processus scientifique, et constituent une tyrannie qui doit être brisée."
Un agitateur anarcho-autonome. Le prix nobel de médecine 2016.

10 ans de perdus ?

Du coup je me sens un peu moins seul, et pas uniquement du fait de ma schizophrénie. Donc non, je ne publierai plus jamais dans des "revues scientifiques" (et s'il m'arrive de le faire une ou deux fois à titre exceptionnel pour des gens que j'estime intellectuellement ou amicalement, la version intégrale – pas juste la version "auteur" – sera toujours disponible sur ce blog et dans une ou plusieurs archives ouvertes). Et s'il faut pour cela être dans "l'illégalité", j'y serai plutôt deux fois qu'une, et ce ne sera pas la 1ère fois … Je ne publierai plus jamais dans des revues scientifiques qui ne me permettent pas de mettre simultanément en libre accès le résultat de ma recherche. Et j'espère sincèrement que nous serons de plus en plus nombreux à le faire.
 
Il y a à peine plus de 10 ans, le 15 mars 2005 très précisément, un autre universitaire avait pris un tel engagement. Celui de "ne plus jamais publier dans des revues scientifiques qui ne me permette pas au minimum les libertés d’une license Creative Commons Attribution Noncommercial." Ce type c'était Lawrence Lessig. Sur son blog. Lawrence Lessig. Le même qui lors de l'enterrement d'Aaron Swartz après son suicide prononçait avec une immense peine ces quelques mots, le 12 Janvier 2013 :
"Mais quiconque affirme qu’il y a de l’argent à faire avec un stock d’articles scientifiques est soit un idiot, soit un menteur."
Dix ans plus tard je vais m'autoriser à aller un peu plus loin :

Quiconque affirme aujourd'hui qu'en acceptant de publier dans des revues scientifiques sans systématiquement déposer son texte dans une archive ouverte et/ou avec une licence d'attribution non-commerciale il ignore ou feint d'ignorer sa part de responsabilité dans la situation catastrophique de privatisation de la connaissance que mettent en oeuvre quelques grands groupes éditoriaux à l'échelle de la planète, celui-là est à la fois un idiot, un menteur et surtout un irresponsable.

Alors je ne publierai plus jamais d'articles dans des revues scientifiques. Et je continuera de m'opposer, de manière légale ou illégale, à toute forme de privatisation de la connaissance. Et vous ?
 
<Mise à jour du lendemain> Bon ce billet a beaucoup "buzzé" (20 000 visiteurs uniques en moins de 48 heures) et suscité énormément de réactions (enthousiastes) et de débats (critiques et constructifs), notamment sur Twitter. Vous pouvez, en synthèse, aller consulter la "réponse" d'Alexandre Moatti sur son blog : "Jusqu'à l'ultime seconde, j'écrirai. (en réponse à Affordance)." </Mise à jour>

56 commentaires pour “Pourquoi je ne publie(rai) plus (jamais) dans des revues scientifiques.

  1. Bonjour,
    Cela fait un moment que je vous lis (peut être 2 ans maintenant).
    Je fais partis des « gens »dont vous parlez dans cet article. Je ne suis pas scientifique….juste bibliothécaire.
    Vous m’avez appris beaucoup de choses et vous me permettez de comprendre bien des systèmes…
    Vos articles sont parfois long, mais jamais ennuyeux (bon O.K. des fois je les lis en 2 parties pour bien digérer…ou pour profiter…ou les deux…allez savoir).
    je commence à lire cet article, vu la longueur, je m’interromps pour faire une autre tâche, j’atterris sur archimag et là que vois-je? Ben ceci : http://www.archimag.com/bibliotheque-edition/2016/05/17/edition-elsevier-acquisition-recherche-sciences-sociales-ssrn
    On peut pas dire mais vous êtes raccords avec l’actualité!
    Cordialement

  2. Que ça fait du bien… Il faudra que je le fasse lire à ma compagne – docteur en philosophie – qui a décidé de voir de l’autre côté du miroir (c’est à dire hors université) et de chercher comment faire financer de la recherche à l’heure du numérique autrement que par les « institutionnels ».

  3. Sci-Hub est mort ce soir hooouuuhhhhoooouuuuu
    A partir de maintenant, je boycotte Elsevier, sciencedirect and co ! Je ne citerai aucun article publié dans une revue enfermée ds un de ces portails…C’est désormais la guerre entre la science libre et la science fric !

  4. Bon, tout ça va m’encourager pour faire ma thèse… Bon, je passe normalement en L3, j’ai le temps, mais je suis dès le départ pour une non marchandisation de la connaissance. Mais j’ai cru comprendre que, malheureusement, la qualité d’un chercheur était son nombre de citations par ses pairs. #trissitude
    J’ai en tête l’idée de participer à une université populaire, histoire de propager la connaissance à tous. Si ça peut mettre une épine au pied du capitalisme, pourquoi pas 🙂

  5. Comme tu le sais, on est d’accord sur le fond et je défends comme toi la mise en commun des connaissances.
    Ton coup de gueule va en soulager plus d’un…
    Mais je ne suis pas d’accord avec tout ce que tu dis de la publication scientifique.
    D’après ma propre expérience, le formatage et la marchandisation n’épuisent pas complètement le plaisir et l’intérêt qu’il peut encore y avoir à écrire, structurer et éditer un article ou un dossier, y compris dans des revues « de rang A » (pour employer le jargon qui nous énerve), avec les contraintes éditoriales que cela implique. Le blog est un autre espace, qui ne les remplace pas.
    Quant à passer sa thèse, son HDR ou sa qualif, c’est certes pénible, voire brutal, mais on peut aussi y voir un exercice intellectuel « sur soi » plutôt salutaire et non dénué de sens 🙂 …
    Bref, se retirer de la course est un choix possible, mais ce n’est pas la seule posture acceptable pour un.e chercheu.r.se.
    On peut aussi défendre une certaine idée de l’open access à l’intérieur du système académique… sans pour autant vendre son âme au diable !

  6. Salut Louise, naturellement et heureusement il ne s’agit pas en effet du « seul choix possible ». Pour parler comme dans une revue de rang A je crois qu’il nous faut collectivement requestionner les espaces dialogiques des agencements collectifs d’énonciation qui se font écho au travers d’écosystèmes de publication académiques, marchands et non-marchands 😉 Sur la thèse et l’HDR, il ne peut en effet s’agir que d’aventures et de ressentis personnels, mais ne me dis pas qu’au-delà de l’enrichissement personnel sur sa propre réflexion, lesdits exercices ne sont pas la plupart du temps pollués par d’autres exercices de génuflexion imposés … Ecrire, structurer un article, une réflexion, un dossier sont aussi des possibles offerts par ces « autres » écosystèmes de publication que sont les blogs. Et à mon avis qui le seront de plus en plus. Il y a seulement 5 ans de cela il était à peu près inconcevable de trouver des références de blogs dans des bibliographies d’articles et revues de rang A ou B ou C. Aujourd’hui ce n’est certes pas encore monnaie courante mais cette pratique n’est plus « clivante ». Et puis, enfin, les politiques des Elsevier et consorts sont de plus en plus agressives et les politiques publiques de soutient et/ou d’évaluation de la recherche de plus en plus indigentes. Donc oui je crois que s’il n’y a pas de déclic et si on n’y va pas un peu de manière frontale, les choses ne bougeront jamais.

  7. J’adhère à cette prise de position politique radicale et j’essaye plus ou moins de m’y tenir dans ma modeste vie académique, mais une question me vient :
    quel est l’argument qui différencie les sciences « dures » dans le propos ? le fait que l’autopublication y est plus difficile en pratique ?

  8. Bonjour Alexandre, bonne question 🙂 Disons pour faire simple que la hiérarchie des publications est radicalement différente (le « must » en SHS c’est le bouquin versus l’article dans revue de rang A), l’économie de la publication est aussi différente (nombre de revues et nbre de revues rang A), et les écosystèmes alternatifs le sont aussi (historiquement les preprint viennent des sciences dures, précisément car circuits et opportunités de publications plus réduites mais aussi enjeux littéralement plus « vitaux »)

  9. Hello, complètement d’accord. Vous n’abordez pas un problème qui me paraît crucial, au moins à la lecture de jeunes chercheurs qui passeraient par ici : à un jeune chercheur qui cherche son CDI face à des recruteurs qui ne jugent que sur les publications est il aussi facile de prendre cette posture ? Le gros problème est pour moi qu’un jeune qui ne publie pas ne trouve pas de travail. Donc… Publiez, à moins d’être parmi les rares chercheurs non précaires… Je crois qu’à l’Université ils regardent malheureusement le ‘potentiel de publication’… Je rêve d’un système ou on lit les publications plutôt que les compter. J’ai envie de conseiller aux jeunes de publier, sinon c’est le chômage !? Espérons que les recruteurs prennent aussi cette posture. En attendant, le jeune post doc me paraît enchaîné, qu’il le veuille ou non, à ce système morbide. Cdlt

  10. Merci Olivier pour la réponse. Je vois bien les différences de rapport à l’écrit. Le livre/thèse en tant que texte sacré d’un côté, le livre en tant que vulgaire textbook, la thèse en tant que somme d’articles collés à la suite les uns des autres de l’autre. Chez les « durs », l’article est la mère de toutes les publis et la prépublication et son immédiateté en situation concurrentielle est sûrement à l’origine de systèmes d’autopublication parce qu’il y a une valeur ajoutée par rapport au timing de sénateur d’une publi…par contre, il me semble que s’autopublier sous forme de blog, ou même penser que ses travaux de recherche pourraient avoir un intérêt au delà du cercle de collègues est juste impensable, ça serait de la vulg…diffusion de savoirs à faible valeur de prestige comparé à une publi. Bon, après ces grandes généralités à la hache sur les différentes sciences, je m’en vais réviser mes « epistemic cultures » au lieu de parler à la place de ceux qui étudient prestige et notoriété en sciences. kutgw en tous cas.

  11. Bonjour,
    je vous découvre juste aujourd’hui avec cet article et pourtant j’ai l’impression de vous connaitre.
    Contrairement à vous, je n’ai pas 20 ans d’expérience ni un salaire qui tombe tous les mois, et pourtant j’ai choisi comme vous « de ne plus jamais publier dans des revues scientifiques ». Malheureusement, cette décision s’accompagne du fait de ne plus jamais publier du tout et de renoncer à faire de la recherche mon métier.
    Mes trois années de thèse m’avaient fourni un bel aperçu et la décision n’a pas été si dure à prendre. Petites mains sous payées, au statut bâtard mal-connu, exploitées par certains de ces paires et par les institutions, inconnu « du grand public », oubliées par la société et écrasées par les lobbies, voilà ce que j’ai pu apprécier du système de recherche scientifique durant ces trois années.
    Ce qui m’offusque le plus dans ce système c’est qu’ils ont réussi à rendre les sciences (molles comme dures) inaccessibles pour monsieur lambda et à faire sombrer les chercheurs dans l’anonymat et la précarité. Et ne nous trompons pas, pour l’heure ce sont les petites mains, les thésards et stagiaires, qui font de la recherche scientifiques. Les chercheurs, les vrais, en CDI, passent leur temps à chercher… des financements. Quel projet de vie et de carrière palpitant ! Whouhou !
    C’est pour ça que j’ai décidé d’arrêter après ma thèse; ou plutôt de ne pas commencer car après un bac+8 on n’est encore qu’un nouveau-né dans ce monde aux marches hautes.
    Aujourd’hui je suis heureuse, mais j’avoue ressentir un manque à ne pas pouvoir pousser ma curiosité jusqu’au bout. J’espère sincèrement que les choses changeront pour les générations futures. Peut-être grâce à vous ?

  12. PS: désolé je crois que je me suis un peu écartée du sujet. C’est juste que pour moi, ce système d’évaluation de la recherche via la publications payantes d’articles « pro formatés », jugées par des « experts » (ex-paires ^^) dans des journaux payants est la base du problème. Sans ça, le système s’écroule.

  13. Bonjour,
    Je ne connais pas le monde de la recherche mais votre article m’a passionné (si, si).
    Du coup, je me pose des questions …
    – j’ai cru comprendre que les bibliothèques « pirates » tel sci-hub sont de belles initiatives mais vouées à l’échec car illégales;
    – Mais par ailleurs, que deviennent les (forcément nombreux, 3 sur 4) articles scientifiques refusés par les éditeurs spécialisés ?
    – à l’image des plateformes de l’économie numérique (Uber, blablacar …) ou de réseau social (Sciencebook ?), ne pourrait-il y avoir de création d’une plateforme « libre » pour accueillir ces articles « scientifiques », thèses, mais également la présentation de projets ou simplement de la « vulgarisation » (pour moi ce n’est pas « sale » … certains diront que je n’ai pas le choix ;-)) ou du débat d’idée scientifique ?
    – évidement, l’intérêt est faible au début pour les chercheurs (peu de visibilité, pas de notoriété donc un coté punk à chien) mais on pourrait imaginer un système d’évaluation par les pairs qui, au fil du temps et des publications, pourrait constituer une alternative crédible aux circuits traditionnels.
    – également, se posent les questions du modèle économique soutenable (qui doit au moins permettre à la plateforme de rentrer dans ses frais), de la langue, des seuils à atteindre, de la régulation des publications (comment éviter le farfelu ? doit on et peux t’on l’éviter ou vivre avec)…. Ce serait long et en tout cas ce n’est pas demain qu’un tel projet pourrait rivaliser avec Elsevier et consort.Sans parler d’obtenir un « rang ».
    Un telle initiative existe peut-être déjà (je suis un grand naïf) ou est à jamais vouée à l’échec (je suis un grand naïf 2).
    Mais à l’heure d’un monde numérique où il est possible de passer outre les intermédiaires des circuits traditionnels et en regard de l’ire générale contre les grandes revues … c’est tentant. D’autant plus que vous avez décidé « de ne plus jamais publier dans des revues scientifiques ». Ce blog est un début … alors pourquoi ne pas fabriquer un « écosystème cohérent » plus vaste ?

  14. Il est toujours réjouissant de découvrir un membre de sa famille. Bravo. Il nous reste toutefois à trouver comment passer d’un mode famille à un projet de transformation universitaire à la mesure des défis à relever. Et là…

  15. Ça pose le problème du modèle du copyright qui a fait son temps. Il est temps d’imaginer et d’inventer sa suite.

  16. Super article ! Je ne vais pas débattre là-dessus, j’aurais aimé écrire à peu près la même chose. Perso, je me sens vraiment chercheur à fond, c’est une vraie passion, mais toutes ces conneries m’ont fait renoncer à une carrière universitaire.
    Si tout se passe bien, dans 3 mois je suis prof des écoles, qq chose de bien plus intéressant sur bien des aspects : j’aurais en permanence 30 chercheurs vachement motivés sous ma direction !

  17. Bonjour, je vous félicite pour avoir abordé un ci-important sujet. Il parait que c’est le problème de la recherche en Sciences Humaines au nord chez vous comme il est le cas aussi au sud chez nous. Mais pour être actif qu’est ce que vous « suggérer » comme initiative militante francophone pour promouvoir la recherche en SH en dehors de ce cercle de l’édition « totalitaire ».
    Saddi Lotfi, Master en sociologie du développement;Djerba Tunisie.

  18. La toute première fois que je vous lie, j’ai rigolé, je me suis fâché et par moments j’ai eu la chair de poule en ressentant tant d’entente…MERCI

  19. Travaillant hors des murs académiques, j’ai pu m’affranchir de cette sclérose et m’ouvrir à des formes nouvelles d’édition (blog…). Étonnement, alors qu’en mon état de « sous scientifique » je me croyais condamnée à errer d’un les limbes du savoir, des demandes pour des publications « plus sérieuses » m’ont été faites. Je crois que ces textes d’une autre nature y sont pour quelque chose. Pour autant, je trouve votre colère saine et utile. S’il se développe ce monde parallèle, attestant d’un dynamisme et d’une réelle vitalité scientifique susceptible de régénérer l’existant, il reste à remettre en question les structures en place.

  20. Je suis astrophysicien, donc en science « dures », le problème est moins aigu chez nous, même si nous devons aussi faire face à Springer, Elsevier et cie. Mais nous avons nos serveurs de « préprints », comme arXiv (https://arxiv.org/) qui permet d’accéder à la plupart des publis gratuitement, et la plupart des astrophysiciens jouent le jeu.
    Ceci étant, il y a quand même du ménage à faire (voir : http://gblanc.fr/spip.php?article605), mais peut-être pas autant qu’en sciences humaines. Quant à ce dont sont capables des gens à bac+8, voir : http://gblanc.fr/spip.php?article636

  21. Merci bcp pour votre intervention : comment faire de la recherche dans un pays négationniste ? Depuis 22 ans la France nie une récidive de génocide et son implication au Rwanda; et , en qualité de jeune chercheur, j’ai pu éprouver le REEL du néo-négationnisme. Ainsi les publications référentes , scientifiques, se doivent d’être diffusées par des réseaux under-ground. Ce néo-négationnisme est un négationnisme des Savoirs et rejoint ce que vous décrivez de la Recherche actuelle. Dans les problématiques de refoulement et de transmission de traumatisme. Là, je pense que la nouvelle génération se doit , effectivement, de faire valoir une Reconstruction des Champs des Savoirs scientifiques.

  22. Merci pour votre brillant billet, écrit à la barbe des éditeurs sans scrupule et sans foi. Dans les domaines « intermédiaires » des sciences dures comme la médecine, le danger est en prime la collusion et le conflit d’intérêt. Tout ceci est assez grave: le bastion de la science s’effrite!!

  23. Bonjour Olivier,
    Ce panoramique de l’état actuel de la publication scientifique est assez complet. Je suggère que tout ce que vous décrivez est une conséquence d’un péché originel de l’Université qui est d’avoir indirectement privatisé le processus scientifique via l’adoption du facteur d’impact et de la bibliométrie comme moyen d’évaluer les chercheurs à partir des années 60. Cette mesure a enlevé aux chercheurs le pouvoir de créer de la valeur scientifique pour la donner à une petite minorité, les « editorial boards » de journaux. De cette assymétrie de pouvoir artificiellement créée dans la communauté découle tous ses dysfonctionnements scientifiques, économiques et sociaux. En particulier, les pairs sont désormais des individus aux intérêts divergents, en concurrence les uns avec les autres pour obtenir une place dans la revue la plus cotée de leur domaine, et bien sûr il y a bien d’autres chemins que la qualité pour y parvenir, le processus de « peer review » privé (que je préfère appeler « tribunal des pairs » ou « peer trial » ) étant aussi biaisé et aléatoire que vous le dites.
    La manière de sortir par le haut de cette situation est de créer une nouvelle valeur scientifique qui soit ouverte, communautaire et qui s’appuie sur le jugement des scientifiques et non sur de la bibliométrie comme la citation ou le nombre de téléchargements, etc. Il n’est pas suffisant de seulement mettre son travail en accès libre, la science exige que ce travail soit effectivement vérifié, débattu et évalué par les pairs, mais non dans une optique de certification (le tribunal) mais dans une optique d’échange qui crée de la valeur. Cette logique va très loin et je vous invite à prendre le temps de lire cette proposition concrète http://www.sjscience.org/article?id=46 (article ouvert à la critique) et de faire un tour sur la plateforme http://www.sjscience.org qui implémente cette éthique. Il est bon que les scientifiques désireux de changer les choses se rassemblent et commencent à alimenter une dynamique communautaire alternative (et qui n’est exclusive de rien d’autres) de création de valeur scientifique « propre » et vérifiable, et aident à en faire la promotion auprès de leurs pairs.

  24. Comme d’hab, génial ! Et toujours aussi poétique et fluide
    Une prof doc fan qui cite votre blog dans ses formations

  25. Bonjour!
    Merci pour ce déferlement d’énergie qui va contre ce qu’on veut nous présenter comme le fatum académique!
    Petite question : comment s’appellent vos collègues spécialistes de l’extrême-droite et de l’enfance maltraitée?
    Mille mercis!

  26. Comme dit Guillaume Blanc, la situation est un peu meilleure en science dure, mais quand même loin d’être idéale. Tim Gowers (mathématicien médaillé fields) a initié un mouvement de boycott contre Elsevier qui fait grand bruit il y a quelques années.
    Je pense que ce qui ne fait pas débat chez nous, c’est l’évaluation par les pairs. Je peux dire sans hésitation que ce processus a parfois permis d’améliorer la qualité de mon travail. J’entend parler d’initiatives qui visent à conserver ce volet là de la publication tout en jetant par dessus bord l’autre – le parasitisme des éditeurs. Il s’agit de construire des journaux auto-gérés au dessus d’archives ouvertes. Apparemment, ça existe déjà en math, et c’est en train de s’étendre à d’autres domaines.
    Une approche différente consiste à mettre en place un système de commentaires, comme ici: https://scirate.com/. Cela revient quasiment à mettre un réseau social par dessus l’archive ouverte concernée.
    Au fond, le plus choquant, c’est que les chercheurs semblent prêt à faire table rase du système de l’édition scientifique, que les propositions pour le remplacer sont là, que les énergies sont prêtes à se mettre en marche, mais que le système ancien perdure par un conservatisme un peu honteux…

  27. Salut,
    je suis rédac chef d’une revue en open access. je prends le temps de faire un vrai travail éditorial et d’accompagner les auteurs. les évaluations par les pairs sont constructives et visent uniquement à rendre le texte plus compréhensible, à bien étayer les affirmations avancées, à consolider certaines idées. Personnellement je trouve que le jeu en vaut la chandelle et je souhaite que vous retrouviez le goût de publier dans ce genre de support. Bien (putain de) confraternellement 🙂

  28. Merci pour ce billet qui me conforte dans mon choix. Je suis totalement d’accord avec vous ! A la différence que je n’ai même pas tenté les qualifs ni de concours ni rien. Mes 4 ans de thèse dans le milieu universitaire auront eu raison de ma motivation. J’y ai trouvé l’ambiance détestable (clientelisme, mandarinisme, mise en compétition pour ne pas dire en rivalité entre doctorants, collègues, etc.). Quelle angoisse ! Mon parcours m’avait de toutes façons mise sur la touche directement puisque je suis architecte et que je commençais ma thèse à 35 ans dans l’optique de pouvoir ensuite passer les concours de prof dans les écoles d’archi. Mais au final, j’ai tout laissé tomber après la thèse. Certes à cause de l’ambiance, certes parce qu’à 40 ans, ça me saoule ces histoires de léchage de bottes pour espérer un poste où je serai payée minablement à faire comme vous le dites plus de paperasse que de recherche en soi. Donc non. Mais aussi parce que les 3 articles que j’ai réussi à publier ont été une expérience décevante : 2 ans avant de voir ENFIN sa publication, quelle misère ! Entre temps, j’ai déjà avancé dans ma réflexion donc la publication est déjà obsolète et puis oui, personne ne lit ça, soyons honnête. Et je ne vous parle pas de tous mes articles qui ont été rejetés parce que… ils étaient TROP BIEN ECRITS !!! Si si si ! Je n’ai pas usé du fameux code stylistique du jargon des « scienteux » imbitable et imbuvable. J’ai découvert que la science était timorée, qu’on ne pouvait plus se lancer à proposer de nouvelles pistes et de nouveaux champs d’action et de recherche. Du coup, personne ne veut de mes articles aussi car il n’y a personne pour les évaluer puisque j’ai choisi de me lancer sur un terrain encore non étudié en France. Donc c’est l’histoire du serpent qui se mord la queue. Comment faire évoluer la science quand on doit être évalué par d’autres qui devraient déjà connaître un sujet qui n’est pas encore étudié ? Mystère et jambe de chaise… J’ai eu un blog hypothèses aussi en son temps mais j’ai aussi arrêté. J’ai arrêté parce que c’est beaucoup de temps, et que tout ce temps passé à écrire pour rien m’a profondément écoeurée. J’ai mis du temps à revenir sur l’ordi parce que je n’en pouvais plus d’écrire pour rien. Aujourd’hui j’écris mais sur papier avant tout : sûrement une déformation d’archi mais j’aime le papier et le stylo, j’aime pouvoir gribouiller, dessiner rapidement, etc. C’est plus intuitif. J’écris bien sûr avec l’optique de publier mais seule ! J’ai fini d’espérer quoique ce soit du milieu universitaire. Aujourd’hui, c’est grâce à mon mari et uniquement grâce à lui et parce qu’il a une position qui nous permet de vivre correctement, que je peux me permettre d’écrire comme je l’entends, à mon rythme pour ensuite m’auto-éditer. Ce ne sera pas du livre « scienteux », ce sera un livre qui tient de la science dans sa démarche par les recherches que j’y ai consacré et par l’analyse que j’en fait, mais qui sera écrit dans un langage clair, accessible et agréable pour tout le monde. C’est tout de même le comble de s’entendre dire que sa thèse est trop bien écrite ! Et bien si j’écris aussi bien, alors autant en faire profiter des lecteurs qui sauront prendre le plaisir de la lecture comme il vient sans chercher la petite bête inutile qui fait perdre du temps et ne fait absolument pas avancer la science. Merci encore pour ce super billet que j’ai partagé car il faut en parler !

  29. Bonjour,
    Tout d’abord, merci pour la clarté de l’article, qui me permet de comprendre, moi qui ne suis pas scientifique, le quotidien de mes collègues chercheurs.
    Tous leurs articles sont publiés sur https://hal.archives-ouvertes.fr.
    Vous n’en parlez pas, suis-je à côté de la plaque, ou le label CNRS est trop restrictif ?

  30. Alors moi pour palier à ce problème je publie mes articles scientifiques sur mon blog personnel. Il est tout à fait autorisé (sans être dans l’illégalité) de publier au moins la version auteur sur son site personnel. Il est également autorisé de modifier sa mise en page (ou même son contenu il me semble).
    Du coup pour donner à cet article plus d’ampleur (idéalement davantage que la pauvre version Elsevier ou autre), je l’agrémente de la manière suivante :
    – Mise en page qui claque et qui n’a rien à envier à celle des « maisons d’édition »
    – Métadonnées rigoureusement rentrées dans le code. Cela permet à mon article d’être rapidement indexé par Google Scholar, parfois même davantage que la version « officielle »
    – Diffusion d’un lien vers cet article auto-hébergé sur différents réseaux type Research Gate et à mes contacts
    De ce fait, ma version auto-hébergé surpasse la « version officielle » en qualité graphique, en référencement et en impact, tout en étant librement accessible. Et ceci en toute légalité.
    En consultant les stats le lecture (côté serveur car je ne traque pas de cookie, ou sur ResearchGate), les lecteurs viennent de partout dans le monde. Je suppose que certains n’ont même pas d’accès payant aux revues.
    Pour résumer, j’emmerde les « éditeurs » qui ne me servent qu’a déposer une version quelconque de mes articles sur leurs dépots payants, obtenir un DOI et toucher mon cachet (j’ai des objectifs à la publication). La version qui compte pour le monde et pour moi-même est librement accessible, et éditée et hébergée par mes soins.

  31. J’ai effectivement omis quelque chose d’important au moins pour les sciences dures (et pour la « méthode » scientifique de manière générale), c’est l’évaluation par les pairs, comme le rappelle Marc Kap. Il me paraît difficile de s’en passer sans discréditer la science elle-même. Après tout n’importe qui peu publier un bouquin expliquant sa théorie bidule, mais pas n’importe qui peut publier sa théorie bidule dans une revue spécialisée à comité de lecture (voir : http://gblanc.fr/spip.php?article76 par exemple). C’est une bonne partie de la différence entre science et pseudo-science, ce qui me paraît crucial. Néanmoins la « revue à comité de lecture » pourrait prendre une autre forme, numérique, en ligne, blog, que sais-je… Mais il faut quand même trouver le moyen de trier entre les trucs fumeux et les trucs qui font avancer la science.
    Maintenant, les scientifiques ont tous les outils à leur disposition (dont l’internet inventé par les physiciens) pour s’affranchir des éditeurs requins. Après tout, ils font déjà le boulot d’écriture, de relecture par les pairs, il ne manque pas grand-chose…

  32. Putain mais qu’est-ce que ça fait du bien de lire ce texte !
    Je ressens exactement la même chose, la situation actuelle est juste hallucinante : les universités (surtout la mienne) sont exsangues, les coûts d’accès aux publications prohibitifs et il faut parfois même payer quand l’article est trop long !
    À quand une vraie prise de conscience au niveau national ?

  33. Merci pour ce bel article (j’ai lu celui de rue89). C’est bon à lire. Moi je ne suis pas (encore) concernée (peut-être jamais), mais mon conjoint oui. Je trouve tout cela gerbant et je m’insurge toujours. D’autant plus que BORDEL, c’est publique les universités (en France au moins). De quel droit ils VOLENT les résultats des recherches? Je ne comprend même pas que ça soit légal. C’est mon fric, le fric de tout le monde. Et moi je suis contente de cette partie d’impôts, mais je serais aussi contente de pouvoir accéder aux articles… Et c’est pour les évaluations?? Quelle blague, quand mon conjoint en a fait il n’a jamais été payé, alors d’où ce besoin d’argent? Avec tout ce fric, on pourrait ptêtre les payer justement à évaluer. Et ptêtre qu’ils feraient autre chose que des commentaires pourris. On se demande même parfois s’ils ont vraiment lu. Des articles très bons sont refusés juste parce que ces idiots n’y ont rien compris.

  34. Un moyen de contourner les portails payants d’Elsevier est de déposer toutes nos publications sur Researchgate.

  35. Il y a des tas de raisons de ne plus publier dans les revues scientifiques. Pour ma part j’en avais assez d’attendre jusqu’à DIX ans pour que le résultat d’un travail soit publié, et la plupart du temps dans des revues confidentielles, très difficilement accessibles et très peu lues. A tel point que quand dans mon blog j’ai commencé à avoir 4 ou 5 lecteurs par mois, j’ai pensé que la partie était gagnée. En plus, je trouve très stimulant de chercher à faire, dans un blog, des textes qui rendent compte d’un travail pointu, mais qui soient compréhensibles d’un large public. Ma plateforme de blog, qui n’est pas idéale, permet difficilement de mettre des notes de bas de pages, ces sacro-saintes notes sans lesquelles ça ne paraît pas sérieux. Eh bien j’expérimente qu’on peut très bien se passer de notes. Quant aux comités de lecture, aux contrôles « par les pairs », j’ai publié suffisamment pour voir qu’en réalité, le plus souvent, ils exercent une censure. Alors, vive la recherche indépendante et surtout la recherche engagée! Depuis six ans je fais susam-sokak.fr, et je suis en train de transférer TOUS mes travaux y compris les publiés sur la plateforme independent.academia.edu. Je dois cependant préciser que je n’ai aucune carrière à défendre, elle est derrière moi. Merci pour votre important article.
    NB – J’ai livré mon dernier article « académique » en 2008, il n’est pas encore paru, c’est dire!

  36. je suis d’accord avec Diego (commentaire du 17 Mai), et je rajoute que j’aimerais bien entendre de la part des chercheurs et enseignants-chercheurs qui sont dans les jurys de sélection des futurs chercheurs et enseignants-chercheurs la phrase suivante : « j’accorderai autant de poids à un article paru dans une revue Open Access qu’à un article paru dans une revue payante », ou encore mieux « je ne tiendrai plus compte du nombre de publications pour juger de la qualité d’un(e) candidat(e) ».

  37. Tant que les tutelles et institutions (que ce soit en France ou à l’étranger) évalueront leurs chercheurs et enseignants-chercheurs (que ce soit pour le recrutement initial, le passage aux corps supérieurs, ou les primes) sur la base de leurs publications (leur nombre, leurs citations, et la « renommée » ou « rang » des journaux dans lesquels elles sont publiées), ça ne changera pas. Dans la majorité, les gens sont quand même un minimum soucieux de leur carrière et de sa progression (ne serait-ce que pour avoir un salaire raisonnable), et je les vois mal pouvoir faire autrement que de publier dans les revues, à moins de se suicider professionnellement.
    La seule façon de réellement avoir un impact là dessus c’est que les institutions et les tutelles prennent des décisions qui vont dans ce sens.

  38. Tout à fait d’accord mais j’insiste sur un détail qui me semble important : n’attendons pas que les institutions et les tutelles prennent des décisions, les chercheurs et enseignants-chercheurs titulaires qui participent aux jurys sont libres de changer le mode de fonctionnement.

  39. Bonjour, un collègue m’envoie cette réaction à cet article :
    « affirmer que TOUS les chercheurs publient entre 4 et 8 fois
    les mêmes choses, [qui] sont peu ou prou des chapitres de leurs thèses,
    c’est stupide et contre-productif. Je vais parler de ce que je connais
    bien : mes papiers. Ils n’ont pas le travers que décrit l’auteur du
    blog, et je suis loin d’être unique. »
    Il n’est pas spécialiste des sciences de l’information, et je ne le suis pas non plus.
    Quelqu’un peut-il me donner des éléments factuels, sur le passage auquel il est fait référence :
    « Bonjour, un collègue m’envoie cette réaction à cet article :
    « affirmer que TOUS les chercheurs publient entre 4 et 8 fois
    les mêmes choses, [qui] sont peu ou prou des chapitres de leurs thèses,
    c’est stupide et contre-productif. Je vais parler de ce que je connais
    bien : mes papiers. Ils n’ont pas le travers que décrit l’auteur du
    blog, et je suis loin d’être unique. »
    Il n’est pas spécialiste des sciences de l’information, et je ne le suis pas non plus.
    Quelqu’un peut-il me donner des éléments factuels/références sur l’étendue de « faire 4 fois (ou 8 fois si on est très fort) le même article sur le même sujet mais en se débrouillant pour ne pas qu’on s’en aperçoive. Et si possible le faire à partir du dernier vrai travail de recherche qu’on a effectué (et qui a déjà été publié et validé) c’est à dire, sa thèse. » ?
    Merci à tou-te-s.

  40. [je viens de remarquer qu’un soucis technique a rendu mon post précédent illisible. Avec mes excuses, je le remets en forme]
    Bonjour, un collègue m’envoie cette réaction à cet article :
    « affirmer que TOUS les chercheurs publient entre 4 et 8 fois
    les mêmes choses, [qui] sont peu ou prou des chapitres de leurs thèses,
    c’est stupide et contre-productif. Je vais parler de ce que je connais
    bien : mes papiers. Ils n’ont pas le travers que décrit l’auteur du
    blog, et je suis loin d’être unique. »
    Il n’est pas spécialiste des sciences de l’information, et je ne le suis pas non plus.
    Quelqu’un peut-il me donner des éléments factuels/références, sur le passage auquel il est fait référence : « faire 4 fois (ou 8 fois si on est très fort) le même article sur le même sujet mais en se débrouillant pour ne pas qu’on s’en aperçoive. Et si possible le faire à partir du dernier vrai travail de recherche qu’on a effectué (et qui a déjà été publié et validé) c’est à dire, sa thèse. » ?
    Merci à tou-te-s.

  41. A priori j’aime publier sinon je suis vraiment inexistant dans le monde de la recherche .La derniere fois j’ai publié dans un magazine à londres de vulgarisation , à la sortie du magazine j’etais vraiment content et espere
    que le grand public aura aimé le lire….
    La création d’un blog est intéréssante. Je pense qu’il ne faut pas perdre la passion et publié pour soi en premier, au moins on risque de ne pas etre décu et on n’est pas aigri dans les années à venir.Bon c’est vrai que de faire une thése ou un Post doc de nos jours , franchement vaut mieux arreter à BAC + 5 et chercher un emploi.

  42. BIM !
    « j’ai surtout eu envie :
    a) de commencer une thèse sur la détresse sexuelle et psychologique de l’évaluateur
    b) d’effacer la morgue affichée par ces « pairs » à grands coups de bazooka afin d’éparpiller le tout une bonne fois façon puzzle »
    Exactement ce que j’avais ressenti lors de ma dernière « audition pour un contrat doctoral ». Envie de commencer une thèse sur l’hégémonie universitaire qui fait qu’on auditionne devant 17 hommes blancs de 50 ans qui n’ont rien à voir avec notre domaine et qui font semblant d’avoir un rôle pédagogique d’évaluation alors qu’il s’agit d’argent, de laisser ou non l’étudiant-chercheur en situation précaire.
    Merci ! Drôle et féroce !

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