Drôme de drame : Macron prend une tarte à Tain.

Il y a 4 ans et demi, Manuel Valls alors premier ministre prenait une gifle lors d'un déplacement. Je rédigeais alors rapidement cet article "La gifle de Manuel Valls comme bilan". 

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Article dont l'essentiel des éléments s'appliquent à l'analyse de la séquence d'aujourd'hui : celle du président de la république giflé lors d'un déplacement par un individu criant "Montjoie Saint-Denis", slogan royaliste et souvent repris par divers mouvements radicaux d'extrême droite. 

La gifle.

Cette gifle présidentielle suivra probablement le même chemin de viralité que celle de l'ancien premier ministre : commentaires en boucle, puis transformation en mème, puis ludification. [Mise à jour de 18h19 : c'est déjà commencé]

Toutes autres considérations mises à part, la gifle et sa viralité, est aussi un marqueur culturel de certains espaces du web. Elle a son championnat du monde de la mornifle avec les exploits de l'indétrônable Vasily Kamotsky, le "tsar de la baffe", qui tournent en boucle sur l'ensemble des plateformes, et elle s'inscrit dans l'héritage mortifère du Happy Slapping (dans le cas de la gifle reçue par le président, il y avait un complice, également interpellé, qui filmait la scène).

Kamotzky Source de l'image

Autre point commun, le gifleur de Manuel Valls était un indépendantiste breton de 18 ans proche de la mouvance de l'ultra-droite. Celui d'Emmanuel Macron semble être également assez jeune (28 ans), et graviter également dans la même mouvance d'ultra-droite (à part pour le Figaro qui continue de penser que les militants d'ultra-gauche crient "Montjoie Saint Denis"). 

L'esquive.

Les premiers éléments de storytelling de l'Elysée sont à la fois assez classiques mais aussi … assez surprenants. Classiques puisqu'ils tentent de minimiser l'agression, de l'anecdotiser : c'est un "fait" de campagne, le président a poursuivi sa rencontre avec les gens venus là.

Mais surprenants puisqu'alors même que les images de la vidéo sont assez claires et non ambigües, on commence à expliquer du côté de la préfecture, qu'il ne s'agit pas d'une gifle mais d'une "tentative de gifle", et que le président totipotent a "esquivé". Dans les flashs de 17h de France Inter c'est carrément, selon l'Elysée, "un garde du corps qui aurait bloqué le coup" (sic). Après "La gifle", voici donc "L'esquive". Même là, même devant l'évidence, et ce quel que soit l'angle (celui de BFM, ou l'angle "original") la nécessité de tordre le réel par les mots. 

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La nausée.

La différence principale avec la gifle de l'ancien premier ministre, outre la fonction et – en partie au moins – la détestation, est que cette fois cette gifle s'inscrit dans une séquence politique et médiatique de 48h assez dense dans laquelle, comme le résumait Guillaume Champeau

"Dimanche, un des principaux candidats à la présidentielle tient des propos très douteux sur le terrorisme. Lundi, un influenceur d'extrême droite incite à tuer des "gauchistes" sans réaction de l'Etat. Mardi, le Président de la République se prend une gifle. Le groupe vit bien."

On a un peu l'impression de vivre en permanence dans une émission de Cyril Hanouna montée par Pascal Praud et commentée par Eric Zemmour, les nouilles dans le slip en moins, et encore pas tout le temps. Le sentiment que tout le monde est en train de devenir fou ou qu'en tout cas, la permanence des micro-emballements à moitié auto-prophétiques qui saturent totalement l'espace des faits politiques et de leurs commentaires médiatiques en donnent l'impression aussi certaine qu'inquiétante et oppressante. 

Cette après-midi, avant la gifle, il était prévu que Papacito, le fasciste qu'Eric Zemmour appelle "son ami" et qui appelait "à tuer des fils de pute de gauchistes" dans une vidéo en tirant à balles réelles sur un mannequin avant de le larder de coups de couteau de boucher, devait être l'invité de l'émission TPMP de Cyril Hanouna. "Pour s'expliquer". [Mise à jour : l'invitation a finalement été annulée].

Le sens de l'histoire (de la gifle).

Loin de l'histoire des siècles précédents où le "soufflet" était aussi l'arme symbolique et politique précédant et actant souvent la provocation en duel, il est frappant d'observer que l'histoire contemporaine de la gifle en politique a totalement changé de perspective et de trajectoire.

Le 7 Novembre 1968, Beate Klarsfeld assénait une formidable gifle au chancelier de l'Allemagne de l'Ouest, Kurt Georg Kiesinger, ancien haut fonctionnaire du régime Nazi.

GIFLE-10

La jeunesse allemande en terminait avec son passé. Elle essayait en tout cas. Aujourd'hui c'est la jeunesse d'extrême droite française qui gifle un président de la république en criant "Montjoie Saint Denis".

On regrette toujours les gifles. Celles que l'on donne. Et celles que l'on reçoit. L'histoire elle, celle avec un grand "h", ne connaît pas de regrets, mais si nous continuons de l'y aider ainsi, elle nous réserve encore quelques mémorables claques dont, dans le climat actuel, on se réjouira si elles se contentent d'être distribuées dans les urnes. 

 

Bonus Track.

Je découvre "Glove, Actually", un montage de 7 minutes des plus grandes scènes de gifle au cinéma. 

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