Concentration d’identité

Rapide réflexion à propos de la gestion de l’identité numérique …

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L’exposé le plus clair qu’il m’ait été donné d’entendre sur le sujet de "l’identité numérique" fut la brève mais dense allocution d’Hervé Le Crosnier lors du dernier colloque de la SDN. Allocution et débat dont il ne reste malheureusement pas de trace papier (Hervé si tu m’entends … un podcast peut-être ?).
Identité numérique donc qui se définit dans un contexte double : celui d’une industrialisation de l’intime (cf …) et celui d’une base de donnée des intentions (cf John Battelle).
A propos des stratégies choisies par les moteurs de recherche, il est habituel (et dans un sens justifié) d’indiquer que Yahoo! est leader sur l’orientation communautaire, parce qu’ayant plus tôt que Google négocié ce virage et ayant acheté des sociétés et développé des services en ce sens. Dernier en date, le rachat de MyBlogLog, un service à destination de la communauté des blogueurs, un réseau social qui permet aux auteurs et lecteurs de blogs de créer une communauté en identifiant "qui" lit tel ou tel blog et en permettant aux uns et aux autres d’échanger et d’interconnecter des profils MySpace et Friendster ou de partager des photos sur FlickR. Comme le souligne Leafar, auteur de l’illustration de droite ci-dessus (celle de gauche est puisée chez FredCavazza), cette acquisition permet à Yahoo! de posséder un ticket d’entrée non-négligeable sur plusieurs des pièces maîtresses du puzzle de la gestion de l’identité numérique.
Sur cette ligne, les 2 moteurs (Google et Yahoo!) font preuve d’une stratégie de captation de leur public-cible rigoureusement inverse. Google choisit l’option centrifuge en ciblant d’abord LA communauté d’utilisateurs de SES services, puis, via ses divers rachats, en incitant les utilisateurs des services rachetés à rejoindre la communauté originelle. Yahoo! choisit de son côté l’option centripète en maintenant l’identité des services achetés et leurs commnautés en l’état, tout en construisant un puzzle dans lequel chaque pièce, chaque service est non pas "assimilé" ou "refondu" mais traité à égalité avec les autres, dont le service hôte (Yahoo! donc). On a donc pour Google, une stratégie de vortex communautaire (je prends mon audience et je la déplace sur les services rachetés et réciproquement), et pour Yahoo! une stratégie portail (j’agrége des communautés en préservant les spécificités de chacune). L’avenir dira laquelle de ces stratégies est la bonne.
Mais dans un cas comme dans l’autre, et au-delà des éculés aspects "communautaires", c’est bien le risque d’une gestion "en concentration" des identités qui se profile chaque jour davantage à l’horizon numérique. Un horizon dans lequel tout est document, dans lequel tout laisse une trace paradoxalement parfois beaucoup plus persistante que dans l’univers du papier, dans lequel tout est sinon intentionnel du moins "intentionnalisé", dans lequel tout est marchandisable, dans lequel les usagers sont le plus souvent dans l’ignorance des axiomes précédents et livrent donc en toute bonne foi de plus en plus d’informations relevant de la seule sphère de l’intime avec une ingénuité, une candeur et une ignorance qui font froid dans le dos. Ingénuité que sont loin de posséder ceux qui érigent en modèle économique de la marchandisation de nos empreintes numériques Ne l’oublions pas : "L’identité est à double jeu, à la fois pour soi mais aussi pour les yeux des autres qui "identifient"." (.pdf) La caractéristique de la gestion des identités numériques est au-delà des apparences, lesquelles apparences font parfois croire à la dissolution (ou dispersion) de l’identité numérique et donc de toute "épaisseur sociale". C’est précisément l’inverse qui me semble à l’oeuvre. Pour ce qui concerne la concentration dans les processus d’administration et de marchandisation de nos identités numériques :

  • la communauté prime sur l’individu,
  • cette identité est "administrable", "sur fiche", centralisable, géolocalisable,
  • elle gomme les contours des structures sociales référentes (famille, amis, proches) au profit d’hybridations machiniques déléthères reposant sur un processus de désintermédiation qui a valeur de dogme.

Bien sûr en la matière, toute dichotomie est inapte à rendre compte d’une réalité si complexe. Et toute hybridation ou désintermédiation prise en compte, le numérique permet parfois également de ré-agréger des communautés d’intérêt ou des structures sociales référentes qui ne pourraient pas l’être autrement (du fait, par exemple, de l’éloignement géographique). Il n’en demeure pas moins qu’il me semble urgent de mener une réflexion de fond sur ces questions pour ne pas être, dès demain, dépassé par des problématiques pourtant aujourd’hui criantes de visibilité.
En conclusion, je veux juste rappeler ce que j’indiquais déjà dans ce billet : "La gestion des identités numériques et de leurs "pseudonymats" (mot-valise de repris par Manuel Zacklad) sera peut-être la prochaine utopie documentaire, poursuivant
celle du Mundaneum, avec cette fois comme objectif la gestion de la
collection humaine des individualités numériques.
" Il est urgent d’en définir le cadre.

8 commentaires pour “Concentration d’identité

  1. Excellent. Merci d’avoir prolongé ma reflexion et je serais heureux de pouvoir récuperer un document sur ce colloque SDN.
    Je pense que « sous surveillance » et panopticon sont de retour et qu’il est grand temps de travailler ces questions. Je vais essayer de faire un post dessus next week.
    N’éhiste pas à me faire parvenir des docs et des idées.
    Cordialement,
    Leafar

  2. Je ne suis pas à l’origine du terme de pseudonymat ! C’est une notion utilisé en CMC (computer mediated communication), une tentative de traduction de « nickname »… amicalement

  3. Identité numérique

    Bonjour,
    Voici donc une note très intéressante postée par Olivier Ertzscheid, sur Affordance. Il s’agit d’un relais que le français nous offre d’une représentation à laquelle il a assisté. Le thème est celui de l’identité numérique. Je vous

  4. Bonjour Olivier,
    Je crois que la question est effectivement d’actualité et va prendre de plus en plus d’importance dans le futur.
    Je ne sais pas si tu connais Ziki mais je pense qu’il s’agit ici de la première initiave qui va dans le sens de la centralisation et du controle de son « image » en ligne. En effet on peut dès à présent rassembler sa vie numérique en un seul endroit en aggrégeant l’ensemble de ses contenus et des ses différents sites webs.
    Pour donner une existance pratique à cette identité numérique nous avons observé que les gens « googler » les noms des personnes dont on leur parle et des personnes quelle souhaitent contacter. Logiquement nous en somme venu à offrir à nos membres la possibilité d’être trouvé comme il le souhaite à partir des moteurs de recherche.
    Si tu as un peu de temps, j’apprécierai ton avis sur le service.
    Bien évidemment il y aura des dérives mais dans la mesure ou la communauté des utilisateurs est modéré manuellement, on les limites au maximum.

  5. Lu ailleurs

    Articles :
    OpenID : lidentité numérique opérationnelle sur le Web
    Identité numérique: pour une extension de domain en .id
    Une excellente description de lidentité numérique par Fred Cavazza
    Concentration diden…

  6. Je pense que l’exposé d’Hervé Le Crosnier dont vous parlez est disponible dans cet ouvrage : Document numérique et société : actes de la conférence […], toutes les infos sont sur le site de l’ADBS (l’éditeur du livre), y compris le sommaire. Titre de l’intervention si c’est bien ça « Architecture informatique et économie du document numérique : deux questions étroitement liées ». Je vais le lire rapidement…merci pour toutes ces infos !

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