Suite à mon billet de l’autre jour à propos du classement des revues de l’AERES, j’ai reçu un message d’Arnaud Mercier en commentaire dudit billet. Le commentaire dit ceci :
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Bonjour
en ma qualité de délégué scientifique à l'AERES pour l'infocom,
je puis vous rassurer et vous dire que depuis début juillet
j'ai lancé un processus interne de concertation pour établir
une liste de revues validantes pour notre discipline.
Du coup, d'autres disciplines ont sorti leur liste avant,
mais nous ne sommes pas absents, juste un peu en retard.
Retard qui va se combler dans les le mois qui vient.
Cordialement. A. Mercier
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Je remercie tout d’abord Arnaud Mercier de son commentaire (et, incidemment, d’être un lecteur d’Affordance). Qu’il me permette donc de lui répondre dans ce billet plutôt qu’en commentaire du précédent, afin que l’ensemble des lecteurs puisse bénéficier de cet échange. J’avoue Mr Mercier (la faute à mon mauvais esprit chronique …) ne pas être entièrement du tout convaincu par votre message. Voici pourquoi :
- L’AERES a publié sur son site la liste "des revues scientifiques du domaine des sciences humaines et sociales" le 28 Juillet 2008 (date à laquelle, par ailleurs, la majorité des enseignants chercheurs est parti en vacances après les jurys qui traînent en général jusqu’au 14 Juillet …). De fait, toutes les disciplines y sont, sauf les sciences de l’infocom, les lettres et arts et les STAPS. Rien dans le texte de présentation que l’AERES fait figurer sur ladite page n’indique une omission : la liste est présentée comme complète. Elle ne l’est pas.
- Rien non plus dans l’ensemble du site de l’AERES ne mentionne qu’en terme de calendrier, Infocom, Staps et les lettres et les arts se seraient vues dotées d’un calendrier particulier.
Comme l’indique votre CV (.pdf), vous êtes titulaire d’un doctorat de Sciences Politiques, d’une habilitation à diriger les recherche en Infocom, et (dans la liste des délégués scientifiques de l’AERES), en charge des sciences de l’infocom … et des STAPS, disciplines dont on ne dira jamais assez la complémentarité voire l’évidente proximité épistémologique (ça y est, mon mauvais esprit me reprend). STAPS et Infocom, improbable mariage évaluatif … D’où ma question : si votre compétence en Infocom est assurée, votre expertise dans le champs des STAPS n’apparaît en tout cas pas au premier plan dans votre CV … Or il me semble que la discipline des STAPS ne manque pourtant pas d’enseignants-chercheurs … il est étonnant qu’aucun d’entre eux ne soit ici représenté … Comment l’expliquer ?
Mais revenons à nos moutons. Vous conduisez donc l’évaluation de deux disciplines disons … assez différentes. Seul un autre des délégués scientifiques de l’AERES est en semblable posture : votre collègue Ronald Shusterman, qui évalue de son côté les Arts, les lettres, et les langues et sociétés des cultures étrangères … Gros gros gros boulot en perspective puisque cet intitulé rassemble les sections 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 18. J’espère que son indemnité d’évaluateur est proportionnelle à la charge de travail qu’il va devoir fournir (hors d’ici mauvais esprit …).
Mais revenons-en à votre commentaire. Vous me dites : "d’autres disciplines ont sorti leur liste avant, nous sommes juste un peu en retard". Bizarre … Ce ne sont pas les disciplines qui ont "sorti leur liste", mais bien l’AERES qui a sorti la liste "au nom" des disciplines, avec des procédures de concertation et de consultation qui, comme je le rappelais dans mon billet précédent sur le sujet, sont pour le moins hétérogènes, pour ne pas dire hétéroclites 🙁 Vous me dites également "j’ai lancé un processus interne de concertation début Juillet". Deux interrogations : est-il possible d’en savoir plus sur l’internalité dudit processus ? C’est à dire qui sera consulté pour bâtir la liste de ces revues ? D’après les informations dont je dispose, beaucoup de disciplines des SHS ont éffectivement été conviées début Juillet à une réunion avec l’AERES pour se mettre d’accord sur une liste de revues. D’après mes informations également, nombre de présidents de CNU (ceux qui ont eu la chance d’être conviés), ont été assez "surpris" par la précipitation de ce dossier. Or si l’ensemble des disciplines consultées ont donc bénéficié du même calendrier (lancement de l’opération début Juillet) et des mêmes délais (publication de la liste des revues fin Juillet), je ne comprends donc (toujours) pas ce qui fait que la 71ème section n’y figure pas. Sauf à considérer que les interlocuteurs conviés par l’AERES ont fait preuve de nonchalance ou d’indolence, fait d’autant plus étonnant qu’est maintenant avérée la proximité épistémologique de notre champ avec les activités physiques et sportives 😉
Au final : en 10 jours, la pétition pour le retrait de la liste des revues de l’AERES compte déjà 1800 signatures d’enseignants-chercheurs. Ce qui ne me semble pas tout à fait anecdotique (d’autant que ce nombre doit être ramené aux nombre d’enseignants chercheurs en SHS). Je suis convaincu de votre bonne foi dans la mission qui vous a été confiée (à défaut d’être convaincu par la méthodologie retenue), et je pense (et souhaite) qu’effectivement, d’une manière ou d’une autre, les sciences de l’information et de la communication feront bientôt leur apparition dans la liste de l’AERES (je suis par ailleurs beaucoup moins confiant pour les sections confiées à votre collègue Ronald Shusterman …). Je continue pourtant de regretter la dimension hâtive, approximative, aléatoire, hétérogène d’un dispositif d’évaluation à visée nationale, lequel va, dès demain, considérablement impacter nos missions au quotidien et qui, en son état actuel, n’a pour seule conséquence que de mettre les laboratoires en effervescence autour de logiques scientifiquement assez peu constructives (labos dans lesquels chacun se met à compter frénétiquement ses publis, qui renonçant à certaines charges d’enseignement pour avoir plus de temps pour sa recherche, qui délaissant ses tâches administratives pour se consacrer là encore à ses publis, le tout dans un climat déléthère lisible dans le regard que "ceux-qui-ne-sont-pas-publiants" adressent à "ceux-qui-le-sont-déjà"). Je rappelle enfin que je ne suis en rien hostile à l’évaluation et que j’ai eu à d’autres reprises l’occasion d’appeler de mes voeux l’établissement d’une liste de revues pour la 71ème section, ladite liste étant – entre autres – un paramètre qui, s’il est conjugué à d’autres, devrait permettre de rendre plus transparent le fonctionnement des CNU dans les procédures de qualification ou d’avancement. Sachez enfin que mon étonnement devant l’absence de la 71ème section dans la liste AERES n’a d’égal que celui que je ressens à l’écoute de l’assourdissant silence des "institutions" concernées, à savoir le CNU 71ème et la SFSIC (s’ils m’entendent, ces colonnes leurs sont ouvertes …)
Dans l’impatiente attente de vos nouveaux éclaircissements sur cette affaire …
Cordialement.
Olivier Ertzscheid. Maître de conférences en sciences de l’information physique et de la communication sportive 🙂
Cher collègue bonjour
empruntant parfois moi-même les voies du mauvais esprit ironique, je ne saurais vous en faire grief a priori. Mais je me vois contraint de préciser que je ne le fais que lorsque je suis bien informé, pointant alors, en connaissance de cause, ce qui m’apparait comme des dysfonctionnements. Je suis au regret de constater que votre approche déroge passablement à cette règle de prudence, en assénant des commentaires goguenards faute d’informations. Je veux bien endosser que nous sommes parfois responsables du manque d’information donné, mais il est difficile d’informer sur des processus en cours et qui sont contrairement à ce que vous semblez croire, contradictoires et même conflictuels entre nous.
Je voudrais d’abord pointer une contradiction dans votre posture : vous vous désolez de ce que les revues infocom ne figurent pas encore dans la liste, car j’ai laissé du temps au temps pour que la concertation vienne à maturité ; et de l’autre côté vous raillez la précipitation de publication de la liste. L’AERES aurait dû, j’en conviens préciser dans une note liminaire que la liste se construisait au fur et à mesure, mais si vous regardez le site, dans la colonne de gauche, il y a bien les listes par discipline, ce qui en creux signale celles qui n’y sont pas encore.
Comme votre grande sagacité a permis de le révéler à tous, je ne suis en rien un spécialiste de STAPS. Voilà pourquoi je me suis fait aider de collègues de la discipline, bénéficiant notamment d’un « expert renforcé », que j’ai enfin réussi il y a une semaine à faire passer au rang de délégué scientifique. Les STAPS ne m’auront donc été attribuées que durant une année, durant laquelle j’ai profité de mon extériorité pour arbitrer entre les courants et les disciplines, sans risque d’être accusé de parti-pris. je tiens à votre disposition l’ensemble des courriels reçus par ceux avec qui j’ai travaillé ou pour qui j’ai eu à organiser expertiser, et qui ont unanimement salué mon action, exprimant même parfois le regret de me voir quitter la fonction. Un esprit d’ouverture et d’équilibre, le souhait d’associer les compétences sans exclusive, peut contribuer à compenser un déficit de compétence spécifique.
Toujours concernant le focntionnement de l’AERES, je crois utile de vous rassurer sur mon collègue Ronald Schusterman, il est délégué scientifique (tout court), ce qui veut dire qu’il a à ses côtés des délégués scientifiques-adjoints, un par discipline ou presque. Il supervise leur travail en somme. Vous voilà rassuré je pense, ainsi que vos lecteurs.
Pour l’état actuel de la procédure, nous travaillons sur un projet de liste, discuté par les 10 experts constituant la commission (tous professeurs en infocom, travaillant ou non dans des revues, étant ou ayant été au CNU, ayant pour plusieurs conduit des études et travaux sur la publication scientifique et les revues..) Bref, un petit panel de collègues, tous déjà sollicités pour être experts à l’AERES. Le Président du CNU est informé de nos échanges, sachant que nous avons pris comme base de départ la liste assez consensuelle que le CNU avait pris soin d’élaborer. Nous la rediscutons et l’élargissons aux revues non francophones, ce qui fait d’ailleurs par ricochet, que le CNU travaille à son tour à élargir sa liste à des revues étrangères. Je ne sais si le double processus aboutira à une liste totalement commune. je n’en suis pas certain car les logiques d’évaluation ne sont pas identiques. Le CNU juge les productions individuelles de chaque chercheur. L’AERES évalue la production de chaque unité. C’est bien pourquoi l’AERES a refusé la pression du chiffre, en édictant comme règle pour être publiant, des critères plus souples que ceux de feue la DS06 du ministère. En effet, il faudra avoir en 4 ans, deux publications validantes, dans les revues classées ou dans des ouvrages collectifs de qualité (qui ne comptaient pas avec la DS06), ou via des livres scientifiques bien sûr. Plus quelques modalités particulières pour tenir compte de l’idiosyncrasie de chaque discipline (avant, l’édition annotée d’une Pléiade ne comptait pas pour un collègue de littérature, alors que cela pouvait représenter 3 ou 4 ans de travail et un vrai apport au savoir). je me permets donc d’affirmer sereinement que notre communauté n’a rien perdu avec l’arrivée de l’AERES, bien au contraire. D’autant que la section SHS a refusé massivement l’application des critères bibliométriques « à l’américaine », car non petinents. La mobilisation contre l’AERES et le classement des revues me paraît donc relever du fantasme et de la mauvaise information (nous devons du coup y avoir notre part de responsabilité). Je trouve que le ton avec lequel vous évoquez des faits que vous ignorez ne contribue pas à dissiper ces erreurs de jugement. Vous glissez régulièrement du légitime questionnement, faute d’infos suffisantes, au jugement en méconnaissance de cause. Je me permets donc en toute cordialité et franchise de venir sur votre blog rétablir quelques vérités et apporter quelques précisions.
J’attends avec impatience de lire vos critiques (peut-être même fondées, qui sait…) le jour où la liste des revues sortira, ainsi que le texte explicatif de notre procédure et de nos principes consensuels ; ce qui ne devrait plus trop tarder j’espère. Mais je préfère le temps de la concertation et de la maturation, à toute forme de précipitation.
Je vous adresse, ainsi qu’à vos lecteurs, mes plus cordiales salutations et vous prie de croire à l’esprit de dévouement pour le bon fonctionnement de notre discipline et de la procédure d’évaluation de l’AERES, qui, je tiens à le dire, n’a suscité quasiment aucune critique pour la première campagne que j’ai conduite. Sachez pour conclure que l’AERES se juge elle-même perfectible. c’est ainsi que l’habitude prise par la DS 06 de noter un laboratoire d’une seule note a été reprise. Face aux critiques émises, et que nous avons jugées judicieuses, l’ensemble des délégués a établi une nouvelle grille de notation en 4 notes, de façon à rompre avec une note unique apparaissant comme un peu trop couperet parfois. Ce processus est rendu possible grâce à notre aptitude collective à l’autocritique et à la vigilance critique de chacun, dont ce blog est une contribution parmi d’autres. Mais à la condition toutefois de savoir toujours s’exprimer avec pertinence et en connaissance de cause.
Arnaud Mercier
délégué scientifique adjoint pour l’information communication à l’AERES