Tout commence le 9 décembre 2008.
Voilà déjà quelques semaines que je suis, avec d'autres, mobilisé dans le cadre de mon IUT (La Roche sur Yon). L'idée naît donc de lancer un blog pour collecter localement les informations et permettre aux collègues peu informés ou peu mobilisés de s'y retrouver et, à tout le moins, de se tenir au courant. Ce sera fait avec "Sauvonslesiutetaudela". "Sauvons les IUT … et au-delà" … titre programmatique. Les IUT sont une composante "à part" de l'université française. Ils n'en sont pas moins l'une de ses parties. Alors oui, "sauver les IUT" mais au-delà également, au-delà, sauver l'université française. "Sauvonslesiutetaudela" est le site de la mobilisation à l'IUT de La Roche sur Yon. Il ne le restera pas longtemps.
Quelques jours plus tard.
Des personnels d'IUT (enseignants-chercheurs principalement) de toute la France, essaient de structurer une coordination nationale des personnels d'IUT (CNP-IUT). Une liste de discussion est rapidement mise en place. Et le besoin d'un site web pour centraliser l'information se fait rapidement sentir. Besoin d'autant plus urgent que c'est à l'époque l'ADIUT (assemblée des directeurs d'IUT) qui dispose des seuls outils nationaux de coordination et d'information sur le web : un Wiki d'information sur la situation des IUT "au jour le jour" et une pétition nationale. Les personnels souhaitent donc pouvoir disposer de leur propre outil de diffusion de l'information. Le site "Sauvonslesiutetaudela" n'ayant publié que quelques billets relatifs au mouvement sur La Roche sur Yon, et ce même site n'étant pas encore identifié comme nécessairement rattaché à La Roche sur Yon, ce même site disposant par ailleurs d'un titre générique cohérent avec la ligne revendicative choisie par la coordination nationale des personnels d'IUT, je propose qu'il devienne "le" site web de la CNP-IUT. Décision actée dans la foulée.
Blog de grève : back-office
Le blog est créé sous WordPress, formule "hosted" (wordpress.com). L'idée est de gérer l'urgence, de rendre compte en temps réel des infos remontées par les IUT ou glanées dans la presse, de donner une visibilité nationale au mouvement et de permettre à chaque IUT de trouver sa place dans ce mouvement national. Des entrées sous forme de catégories (une catégorie pour chaque IUT), plus quelques catégories plus génériques permettant de relayer des informations semblablement génériques, et des "pages" pour des informations de suivi ou des événements marquants à caractère ou à vocation nationale. Les codes d'administration sont mis à disposition sur la liste de discussion de la CNP-IUT. Trois personnes me les demanderont et en disposent à ce jour. Je suis concrètement le seul à avoir alimenté le blog.
Tout ça pour quoi ?
In fine, et au-delà du travail de centralisation et de visibilité, ce blog permettra au mouvement des IUT de trouver un second souffle au moment ou l'ADIUT (les directeurs d'IUT) rentrera dans le rang et s'alignera sur le calendrier ministériel. A ce moment là d'une lutte initiée et pilotée (pour diverses raisons) par les directeurs d'IUT dès la fin du mois de Novembre 2008 il paraît clair que sans l'outil "Sauvonslesiutetaudela", sans la détermination locale des collègues, et sans l'existence d'une CNP-IUT (essentiellement structurée grâce aux échanges d'une liste de discussion), la quasi-totalité des IUT aurait été dans l'impossibilité de maintenir un niveau suffisant de vigilance et de mobilisation. Il est également parfaitement clair (du moins sommes-nous quelques-uns, directeurs d'IUT compris, à le penser), il est clair disais-je, que les directeurs d'IUT auraient eu davantage de mal à négocier le passage d'une simple "charte de bonne conduite" à une "circulaire inscrite au code de l'éducation" (même si cette dernière circulaire reste notoirement insuffisante, mais ce n'est pas là le sujet de ce billet).
D'un blog l'autre. De "sauvonslesiutetaudela" à "universitesenlutte".
Fin Janvier début Février, le mouvement des universités démarre "officiellement" (la grogne universitaire se faisait en fait sentir de manière diffuse depuis la rentrée). Là encore c'est la même chronologie. Une liste de discussion est créée (par Jérôme Valluy), en même temps que se structure une coordination nationale des universités. "Nourri" de l'expérience du blog "sauvonslesiutetaudela", je propose de créer un site Web pour la coordination nationale des universités (CNU). Décision là encore actée dans la foulée.
Blog de grève : back-office.
Mêmes problèmes, mêmes solutions. Le temps de trouver un gabarit (template) acceptable et de customiser le blog avec une image d'en-tête suffisamment évocatrice, il s'agit là encore de gérer l'urgence, de centraliser et de mettre en visibilité l'information. Avec un problème supplémentaire : le nombre de messages diffusés sur la liste de diffusion de la CNU devient rapidement ingérable pour tout le monde. Le blog "universitesenlutte" permettra (notamment) à celles et ceux qui ne souhaitent pas être submergés de messages de garder le lien avec le mouvement national. En plus de l'habituel fil RSS, une liste de diffusion est mise en place pour permettre aux "non-geeks" de rester informés sans avoir à passer par un agrégateur. Là encore je propose de mettre à disposition les codes d'accès au blog pour qui le souhaite. Sur plus de 300 abonnés à la liste de discussion de la CNU, 4 demandes me parviendront (dont 2 de personnes gérant d'autres blogs de mobilisation). Concrètement, j'alimenterai seul le site jusqu'à ce jour. Pour le reste, la création des catégories suit toujours la même logique : des macro-entrées pour lister les actions, tribunes et opinions ou les prises de position des différents acteurs, et une catégorie épine dorsale disposant d'une sous-rubrique par université. A l'usage, l'expérience du blog "Sauvonslesiutetaudela" m'incitera à créer d'emblée, en plus de la seule liste des universités, des catégories permettant de disposer d'entrées sur les acteurs, les types d'actions et les types de documents diffusés (communiqués de presse, tribunes, …). Au final, le blog "universitesenlutte" compte 132 catégories (sous-catégories en fait) déployées autour de 7 catégories principales. Bénie soit la possibilité offerte par WordPress de créer des catégories
"emboîtées" et d'indexer un billet dans autant de catégories que
nécessaire.
L'université de la contestation sur le Net ou le Net de la contestation à l'université.
En parallèle du blog "universitesenlutte", en parallèle de la liste de discussion qui est la véritable "épine dorsale" du mouvement, c'est à dire le lieu où se tiennent les débats et où se décident les grandes orientations et actions, on va progressivement voir fleurir une liste impressionnante de blogs de mobilisation. La colonne de gauche d'universitesenlutte en syndique quelques-uns mais ils sont des dizaines à voir le jour au fur et à mesure du mouvement. Je n'ai pas pris le temps de les comptabiliser de manière suivie, mais, à la louche (et donc sans aucune prétention scientifique), j'estime que l'on doit à ce jour compter au moins 200 blogs dédiés au mouvement. En guise d'exemple on pourra se reporter à cette liste (loin d'être exhaustive …) des IUFM déclarés "en lutte" :
- Blog de l'IUFM Basse-Normandie
- Blog de l'IUFM de Nantes
- Blog de Livry Gargan
- Collectif Iufm de Bretagne
- Collectif Iufm Grenoble
- Collectif IUFM Nord Pas de Calais
- Collectif IUFM Privas
- Coordination nationale Formation des enseignants
- IUFM à la casse (IUFM d'Outreau)
- IUFM Antony Val de Bièvre mobilisé !
- IUFM Aurillac
- IUFM Basse-Normandie en lutte
- IUFM d'Avignon en action pour l'éducation
- IUFM de Paris
- IUFM Essonne
- IUFM Lille
- IUFM Montauban
- IUFM Rodez
- IUFM Toulouse
- iufm toulouse résistance!
- iufm02mobilisé – Laon
- Mobilisation de l'Iufm de Foix
- Mobilisation IUFM Lyon
- Mobilisation IUFM Poitiers
- Sauver la formation des profs
- Sauvons l'école! (IUFM Bonneuil)
La même liste (toujours non-exhaustive) pourrait être établie pour chaque université, chaque composante parfois, chaque collectif de personnel ou d'étudiant. Chacun se met à créer "son" blog et à essaimer les informations. Là encore, le besoin d'un site pivot et central devient crucial, en même temps que la gestion dudit site devient un travail à temps plein … En parallèle, la floraison de ces innombrables blogs permet de recentrer l'alimentation du site "universitesenlutte" : il doit permettre de visualiser les actions, décisions et communiqués les plus "saillants", il doit également éviter d'être trop "parisien" pour permettre de faire vivre la mobilisation en province, et il doit enfin relayer les informations des quelques universités, composantes ou collectifs ne disposant pas de leur propre blog d'information. Fort heureusement, ce dernier point s'allègera considérablement au cours du dernier mois.
De la grève, du temps libre et de l'air du temps
Alors qu'une certaine presse se fait fort de désinformer à temps plein (enseignants payés quand ils sont en grève, grévistes non-déclarés, etc …), les soutiers du net et des AG bossent sans économiser leur peine. L'alimentation du blog "universitesenlutte" (cumulée à celle du blog "sauvonslesiutetaudela") me prend plusieurs heures par jour. Il faut lire la tonne de messages qui circulent sur la liste, faire le choix de relayer ceux qui semblent les plus importants et/ou les plus caractéristiques et/ou ceux qui ont le moins de chance de l'être (relayés) par ailleurs. Il faut également effectuer une petite veille média quotidienne pour nourrir le blog d'éléments de revue de presse (ce dernier point étant heureusement assez rapidement expédié étant donné l'indigence du traitement par la presse de ce mouvement à de très rare mais heureuses et notables exceptions : l'humanité et libération – principalement via le blog de Sylvestre Huet). Il faut ensuite mettre en ligne et en forme les informations retenues. Plusieurs heures par jour donc. Plusieurs heures par nuit serait plus juste, les journées étant occupées à tenir, organiser, participer à différentes AG, a structurer des mouvements et des coordinations locales ou régionales (sur le thème "de la maternelle à l'université", mais également à faire des "cours hors les murs", à assurer un minimum de suivi pédagogique avec les étudiants, à traiter les tâches administratives non-négociables, et naturellement à sans cesse débattre avec (ou contre) des collègues, des étudiants, des passants, des parents …
Livre Guiness des records. Du 4 Février au 4 Avril, soit pendant 2 mois, le blog "universitesenlutte" compte 847 billets publiés (925 le 17 Avril). Pour la même période, "sauvonslesiutetaudela" compte 275 billets publiés (422 le 17 Avril). Soit plus de 19 billets publiés par jour, pendant 2 mois (pour mémoire et pour avoir une échelle de comparaison, Affordance.info après 3 ans d'existence et un rythme de publication assez soutenu, compte 1500 billets publiés, dit autrement, j'ai publié sur universitesenlutte et sauvonslesiutetaudela en 3 mois autant de billets que sur Affordance … en 3 ans !). Le fait d'être gréviste déclaré pendant plus d'un mois et demi (activités d'enseignement ET de recherche ET tâches ou fonctions administratives) fut la condition sine qua non permettant de libérer le temps nécessaire à ces différentes activités de soutier. Si vous voulez des chiffres, comptez a minima 3 à 4 heures par jour pour alimenter les blogs universitesenlutte et sauvonslesiutetaudela. Et les jours fastes (précédant ou suivant des manifestations ou actions nationales ou prises de positions ministérielles), vous pouvez aller jusqu'à 5 ou 6 heures par jour nuit. Voilà aujourd'hui plus de deux mois que j'ai mis "en veille totale" mes activités d'enseignement, de recherche, et de blog professionnel.
Tout ça pour quoi ?
Le blog universitesenlutte aura constitué (du moins je me plais à le croire), dans l'action (qui est loin d'être terminée), un contre-pouvoir efficace. Relai de l'information, site pivot du mouvement (avec d'autres, notamment SLR, SLU et celui de Sylvestre Huet), il permit notamment de passer outre la couverture médiatique inexistante ou très orientée de ce qui restera quoiqu'il advienne comme la crise la plus sévère qu'ait connue l'université française depuis un certain Mai 1968.
Tout ça dans quelles règles ?
Bloguer vite. Certes, et si possible bloguer bien. Dans le mouvement de contestation des universités, être webmaster autoproclamé nécessite l'observance de quelques règles strictes.
Bloguer en forme et sur la forme. Les textes, communiqués, informations republiées sur le site, principalement à partir des informations circulant sur le liste de discussion de la coordination, sont souvent (forme de l'email et urgence des situations obligent) émaillés de fautes d'orthographe. Il faut donc les relire (dans l'urgence également) en espérant que l'essentiel puisse être corrigé. De manière plus formelle, j'ai fait le choix d'éviter autant que possible de publier des documents sous forme de fichiers attachés, préférant reproduire dans le corps du billet les informations contenues dans lesdits fichiers. La cause en est simple : l'expérience (la mienne en tout cas) prouve que l'on n'ouvre pas systématiquement les fichiers attachés alors que l'on va lire (ou au moins survoler) le contenu d'un billet publié en "plein texte". En outre, la lisibilité et l'indexation par les moteurs de recherche n'en est que meilleure. Ce choix implique un facteur temps non-négligeable pour passer outre les mises en forme Word ou Pdf et retranscrire cela sous une forme lisible pour le blog.
La solitude du blogueur de fond … et sur le fond. Editorialisation zéro. Tel fut le pacte éditorial initialement conclu (et de loin le plus dur à respecter … étant donné ma tendance lourde à éditorialiser ;-). La CNU ayant initialement décidé de ne pas se doter de bureau ni de porte-paroles, il n'était naturellement pas possible "qu'universitésenlutte" soit le blog d'un seul, ou qu'une voix s'y détache des autres. Règle fut donc adoptée de reprendre tel quels (hors quelques parfois substantielles modifications formelles ou typographiques) les messages circulant sur la liste de discussion.
Jamais de noms de collègues sans leur aval ou en dehors de documents officiels et signés ou signalés comme tels. Jamais naturellement d'adresses mails visibles (pour éviter le spam) ou de numéros de téléphone.
Bloguer Et modérer. Près de 400 commentaires enregistrés sur le blog universitesenlutte. A lire les commentaires sous le moindre article de presse ou billet de blog un tant soit peu favorable (ou au moins objectif) sur le mouvement, c'est au mieux l'incompréhension totale et au pir
e l'écoeurement pur et simple. Mention spéciale de la médaille du courage et de la modération à Sylvestre Huet, dont chacun des billets est devenu le déversoir de tombereaux de haine et de poujadisme à l'encontre des enseignants-chercheurs (fainéants et/ou gauchistes), des étudiants (branleurs), des intellectuels (branleurs, gauchistes ET nuisibles) et de l'université et des fonctionnaires en général. Pour différentes raisons, je m'intéresse d'assez près à la manière dont les forums et commentaires permettent de contre-balancer les postures discursives à l'oeuvre dans les blogs, ramenant le plus souvent ces dernières (postures discursives élevées/élitistes) à un pragmatisme de bon aloi. Mais là j'avoue être encore médusé par de telles flambées de haine. J'y voie deux explications tout aussi plausibles l'une que l'autre. La première est que le mouvement à l'oeuvre dans les universités a, dans un premier temps, et du fait conjugué de la complexité de certains dossiers et de l'indigence de la couverture presse qui en était faite, suscité incompréhension ou méprise devant ce qui, dans l'idéologie ambiante, pouvait effectivement en apparence et en première lecture passer pour un combat rétrograde et corporatiste. L'autre explication (tout aussi plausible je le répète) est l'instrumentalisation pensée et méthodique de ces lieux de paroles (les commentaires de blogs et/ou d'articles de presse) pour une activité de lobbying et de désinformation en provenance du parti politique au pouvoir. Ce n'est pas assez clair ? Oui je pense que l'UMP (ou les jeunesses UMP ou tout autre organisation apparentée, voire plus à droite) a donné des consignes (ou payé des gens) pour investir méthodiquement ces (rares) espaces de défense et illustration des raisons réelles de la colère des universités, afin d'y entretenir la ligne poujadiste sur laquelle se tient le président de la république et afin que le ralliement avec l'opinion n'ait pas lieu. Pour mémoire, on se souviendra de l'importance stratégique qu'avait eu ce ralliement de l'opinion lors du dernier grand combat pour l'université et la recherche en 2002.
Concernant le blog "universitesenlutte" j'ai donc soigneusement modéré les commentaires et exclu sans état d'âme tout ce qui de près ou de loin s'apparentait à du poujadisme (le troll étant la figure numérique moderne du poujadisme). Ce qui ne veut pas dire que les 400 commentaires sont tous favorables au mouvement (loin s'en faut …), mais au moins ne relèvent-ils pas du seul argumentaire de la haine ou de la seule logique de désinformation.
Dans les coulisses du Net : la blogosphère sur tous les fronts … La contestation universitaire disposa et se dota tout au long de ces quelques mois de toute une panoplie d'outils internet. Les grands gagnants, les plus plébiscités sont à l'évidence les blogs (notamment créés sous Blogger). Blogs au long cours à résonance institutionnelle, mais également blogs événementiels comme instantanés (tel celui mis en ligne pour rendre compte au fur et à mesure de l'occupation de la présidence de l'université d'Orléans). Temporalités longues ou courtes, éphémères ou durables, mais toujours cette fantastique puissance de structuration que confèrent ces plateformes et l'extraordinaire lisibilité (formelle et structurelle) qui en découle.
En seconde position vient l'outil pétitionnaire (notamment grâce à la plateforme libre phpMypetition) qui fit preuve d'une remarquable efficacité sur la visibilité nationale de certains mots d'ordre.
Vinrent ensuite :
- les vidéos virales
- les fils Twitter sur le mouvement,
- les groupes Facebook,
- les cartes GoogleMaps sur la mobilisation
- les trop rares portails de veille façon Netvibes (autre exemple avec le site/portail/Agrégateur AGNationale)
- (hélas) pas de Wiki à proprement parler (il y en avait eu un du temps de l'adoption de la LRU)
Réticulaire épistolarité
Et par dessus tout, ce mouvement fut celui d'une épistolaire réticularité. La vraie épine dorsale de ce mouvement fut constitué des échanges mail qui eurent lieu sur différentes listes de discussion, dont celle de la coordination nationale (avec une moyenne de 300 messages par jour) auxquelles s'ajoutent toutes les listes syndicales, disciplinaires, d'établissement, de laboratoire …
Mon sentiment – là encore rien de scientifique, juste une impression issue d'une observation participante immersive de plusieurs semaines … – mon sentiment disais-je, est qu'à chaque outil (blogs et listes de discussion) correspond un certain niveau de mobilisation. Les collègues s'exprimant sur la liste de la coordination nationale des universités (mais aussi sur celle de la coordination nationale des personnels d'IUT) furent les éléments moteurs du mouvement. Ceux qui bâtirent les actions, les mots d'ordre, les événements (symboliques ou non). Une autre catégorie de collègues, ceux qui "se contentèrent" se suivre les informations publiées sur les différents blogs "nationaux" ou "largement représentatifs" s'inscrivit dans une mobilisation plus "périphérique", sans que ce dernier terme ait quoi que ce soit de péjoratif. Ou si l'on préfère, les généraux d'un côté, l'infanterie de l'autre. Et ce dans une indissociable et nécessaire complémentarité (une manifestation de généraux n'aurait pas grande force, pas plus que ne pourrait exister de manifestation spontanée suffisamment représentative et coordonnée). En ce sens là, généraux et infanterie, listes de discussion et blogs, marquèrent et marquent encore une vraie réussite dans cette mobilisation.
SLR, SLU et UEL. Sauvons la recherche et Sauvons l'université sont deux associations depuis déjà longtemps représentatives et profondément enracinées dans la culture universitaire, en tant que forces de propositions tout d'abord mais également en tant que bastions de résistance à une certaine politique de l'enseignement supérieur et de la recherche. La création du site Universitesenlutte pourrait apparaître redondante au regard de l'activité des deux autres sites. Elle ne le fut pas (à mon avis). D'abord parce qu'Universitesenlutte n'a pas vocation à durer. Le blog cessera d'être alimenté dès que ce mouvement sera terminé (c'est à dire dans quelques années ;-). Elle ne le fut pas non plus car le contexte de ce qui est (nonobstant l'opinion de certains médias), le plus grand, le plus unitaire, le plus suivi et le plus long des mouvements universitaires depuis l'après-guerre (loin devant mai 68) justifiait à lui seul la mise à disposition d'un espace dédié. Le terreau politique qui avait vu naître SLR et SLU, même s'il comptait nombre des éléments que l'on retrouve aujourd'hui dans la contestation universitaire, était différent de la massification de la contestation ces deux derniers mois chez les enseignants-chercheurs (je ne parle pas ici de mobilisation étudiante).
Tout ça pour qui ?
Pour les sociologues de demain. Ils y observeront l'émergence d'une contestation jusqu'à son aboutissement (hypothèse haute) ou à son point de non-retour (hypothèse basse). L'éternel cycle de la contestation, négociation, radicalisation et retour. Ils y verront comment les argumentaires se structurent. Ils disposeront d'un outil disposant de règles de structuration intéressantes à faire jouer dans le cadre d'une analyse fine de l'ensemble de ce mouvement. Des blogs conçus sans sommeil, des blogs de veille éveillée, de l'observation participante comme on dit aussi, mais au final tant de possibilités d'exploiter structurellement le "work in progress" d'un tel mouvement.
Pour les pouvoirs et les contre-pouvoirs
Dans un mouvement de contestation, pouvoir disposer d'un tel observatoire est naturellement une manne pour le camp d'en face. Le pouvoir ne se prive pas de disséquer ce qui s'y dit. Il aurait d'ailleurs bien tort de ne pas le faire 🙂
Pour moi. En créant et en alimentant ces deux blogs, mon nom restera probablement (avec d'autres naturellement) attaché à la mise en visibilité de ce mouvement particulier. J'ai donc mis tous les atouts de mon côté pour me faire une réputation numérique détestable auprès du ministère (mais là, j'avoue que j'avais déjà bien défriché le terrain), ainsi qu'auprès d'un certain nombre de présidents d'universités et plus globalement de collègues peu ou prou hostiles au mouvement actuel. Le résultat à court et moyen terme en ce qui concerne ma petite personne est que, par exemple, pour d'éventuels voeux de mutation, ma carte de France des destinations possibles risque de se limiter aux quelques universités dans le CA desquelles la mouvance anarcho-autonome est massivement représentée, c'est à dire … assez peu (exception faite de la Sorbonne, tant que Saint Georges en assurera la présidence). Mais je n'en conçois aucune amertume, étant parfaitement à l'aise dans mon petit (mais costaud) IUT de province et n'aspirant à aucune promotion, prime ou reconnaissance autres que celle de la cohérence de mes paroles et de mes actes (et un peu aussi quand même de mon activité scientifique 😉
Pour les autres. Christophe, Jérôme, Linda, André, Olivier (pas moi un autre), Pascal et tant d'autres. Dans le concert de la contestation, il fut à l'évidence quelques patients et talentueux chefs d'orchestre. Ceux qui surent initier les actions, ceux qui surent coordonner les mouvements, ceux dont l'argumentaire et la lucidité critique permirent sinon de gagner sur tous les fronts mais à tout le moins de sauver temporairement l'essentiel. Eux et les autres dessinent le contour d'un collectif avec lequel il fait bon vivre, débattre, s'engueuler, construire. Avec lequel on s'imagine parfois monter une nouvelle abbaye de Thélème. Une université dont l'autonomie serait véritable et sans rien de commun avec le prêchi-prêcha autonomiste dont le ministère nous rebat les oreilles depuis déjà deux ans, sans rien de commun avec cette autonomie simplement vocable mais supposée non révocable, un vocable galvaudé, cache-misère et prétexte à toutes les fuites et dérobades.
Et maintenant, un peu de benchmarking de la contestation. Nota bene : les conclusions suivantes n'ont aucune valeur scientifique. Elles sont un simple relevé de conclusions établi sur la base de choix personnels (et donc parfaitement subjectifs). Après plus de 850 billets publiés en 2 mois, j'ai voulu regarder quelles catégories et quels types d'actions étaient les plus représentés et donc possiblement les plus représentatifs.
- Carte des "Acteurs" (de la contestation ou de la réforme), les plus actifs (ou à tout le moins ceux dont la communication a été la plus relayée sur le blog) : les "syndicats" (de très loin), suivis des "collectifs et sociétés savantes", suivis de la "coordination nationale des universités", suivie du "ministère", suivi des différentes "personnalités".
- du côté des actions, ce sont très nettement les "cours hors les murs" ou les actions de type "changeons le programme" qui ont dominé et dominent encore le mouvement … juste derrière les actions humoristique ou à vocation symbolique (ronde des obstinés, lectures publiques de la princesse de Clèves, printemps des chaises …)
- du côté des actualités de la revendication, ce sont logiquement les deux mots d'ordre sur le décret EC et la masterisation qui ont dominé.
- du côté des universités les plus actives (ou à tout le mois les plus relayées sur le blog), Paris 1 arrive en tête devant Strasbourg, Paris 4 et Paris Ouest Nanterre.
- enfin, côté médias, la presse (papier ou web) se taillent la part du lion.
Soit le benchmarking de comptoir suivant : ce mouvement s'est cristallisé autour de la question du décret des enseignants-chercheurs et de la masterisation. Les syndicats, les sociétés savantes et la CNU (coordination nationale) ont occupé la première ligne de la négociation et de la contestation. La visibilité du mouvement a principalement tenue grâce à des actions symboliques et aux actions dites "université hors les murs". Le mouvement a principalement été relayé par la presse (papier et web). Concernant la presse, il faut distinguer :
- les journaux qui ont fait l'effort de couvrir factuellement et régulièrement le conflit (L'Humanité est ici seule en course), dégageant au passage une certaine sympathie pour ce mouvement.
- et ceux qui n'ont pas fait cet effort, ou l'ont fait dans une logique de presse d'opinion parfois éhontément alignée sur la communication gouvernementale … (bien qu'appartenant à cette dernière catégorie, Le Figaro s'est un peu démarqué par une couverture (trop épisodiquement) factuelle.
- et il faut enfin mentionner la presse des éditorialistes, la presse "prête à penser", l'indigence intellectuelle biberonnée à l'anathème et au poujadisme dont Christophe Barbier et Sophie Gherardi furent et demeurent les indéboulonnables figures de proue.
Plusieurs dizaines de milliers d'enseignants-chercheurs "en lutte", et moi et moi et moi. Moi dans tout ça, je me serai simplement efforcé de jouer mon rôle. J'ai fait grève, j'ai poussé des coups de gueule épidermiques, d'autant plus épidermiques que j'avais auparavant effectué un certain nombre d'efforts d'analyse et de vulgarisation, à mon niveau, à mon échelle, auprès de mes collègues et des lecteurs d'Affordance j'ai alerté, j'ai relayé, j'ai témoigné, comme des milliers d'autres collègues j'ai blêmi d'indignation en entendant un certain discours, j'ai tenté de dialoguer et d'argumenter, j'ai vulgarisé encore y compris sur des acronymes abscons et des critères à l'unisson, sans me jeter trop de fleurs, je crois même avoir été parmi les premiers (en Mars 2008 le cadre de la modulation de service était posé, le 7 septembre 2008 le rapport Schwartz était connu, 9 novembre 2008 on savait à quelle sauce on allait être mangés) à m'être alarmé des changements qu'induirait le nouveau décret pour les enseignants-chercheurs. En remontant encore plus loin, le 14 Novembre 2007 je m'essayais à un petit exercice de style sur le ton de l'humour (noir) et la prospective, exercice à la relecture duquel je me dis aujourd'hui que la fiction sera peut-être demain … très en deçà de la réalité ! Bref j'ai fait ce que je considère être aussi mon métier.
Ce que je retiendrai personnellement de tout cela ? (ou comment et en quoi le fait d'être un temps le webmestre soutier d'une contestation universitaire sans précédent m'a-t-il nourri ?)
D'abord le poids des mots. Incommensurable. Ces mots de la bêtise, cette indigence de la pensée, ce discours de la haine et des préjugés, cette empathie travaillée avec une idéologie du café du commerce, bref, ce discours de Nicolas Sarkozy dont on mesure d'autant mieux la sidérale vacuité quand on le compare à un autre discours sur l'université et la recherche, pourtant tenu par quelqu'un qui ne saurait être assimilé à un dangereux gauchiste. Autres temps, autres moeurs.
Ensuite la force des symboles. Comme un moteur qui une fois lancé fait toute la preuve de son inaliénable inertie. La ronde des obstinés et les lectures publiques de la princesse de Clèves en furent les plus éclatantes illustrations. La symbolique de l'action comme point d'orgue à la rationnalité des débats.
Enfin l'importance du temps de la réflexion. Et celle tout aussi considérable du temps de réaction. Dans la négociation sur le décret enseignant-chercheur, comme dans celle sur la masterisation, comme dans celle sur le texte contractuel devant régir les rapports entre IUT et universités, comme dans celle du contrat doctoral, comme dans les suppressions de postes et le démantèlement des organismes de recherche … sur tous ces points au coeur du mouvement de contestation, c'est une immense partie d'échec qui s'est jouée, sur le mode "blitz". A chaque pion avancé par le ministère, à chaque nouveau "communiqué" d'un ministre, à chaque nouvelle version du décret, après chaque article de presse relayant le mouvement, la machine de guerre universitaire s'est mise en marche. En marche forcée. Analysant, décortiquant, article de loi à l'appui chaque fois que nécessaire, remettant en contexte, répondant aux communiqués par d'autres communiqués. Ce temps de réaction peut, me semble-t-il à lui seul expliquer la durée inhabituelle de la crise. C'est grâce à ces infatigables ténors de l'analyse et du décortiquage que le monde universitaire a pu y voir plus clair dans le jeu d'ombres et de faux-semblants initié par les ministères. Grâce à eux que nous ne sommes pas aujourd'hui "échec et mat".
Compléments : sur le sujet de l'utilisation des outils du Net "au service" d'un mouvement social et sur la complémentarité/opposition entre médias internet et médias "mainstream" voir également :
- l'article du Monde (10 février) : "Le web, outil de mobilisation des enseignants-chercheurs",
- celui de Libération (12 Février) : "Le Net, meilleur atout des chercheurs".
- Marianne 2 : "Universités : les médias à côté du mouvement."
- André Gunthert : "Qu'est-ce qui buzze chez les enseignants-chercheurs ?"
Sur l'affaire du boycott du Monde par les enseignants-chercheurs et la charte de bonne conduite lancée par Jérôme valluy :
- le billet d'André Gunthert : "Adieu, Monde cruel" dont je n'ai nulle peine à faire mienne l'analyse suivante : "Occupé matin et soir à réunir, interpréter et rediffuser les diverses
données qui en forment la trame, chaque acteur devient un spécialiste
de l'événement. Cette situation particulière modifie la relation
traditionnelle aux médias. Au lieu d'être considéré comme la source de
l'information, un organe de presse est lu comme un relais dont on peut
précisément mesurer les manques, les raccourcis ou les parti-pris." - et sur Acrimed : "Le monde et le mouvement universitaire"
- Acrimed toujours : "Les grognons et les diplomates."
- Narvic : "Le Monde et les Universitaires : le divorce est-il consommé ?"
Un regret. Un seul. Vous dire aussi que malgré l'épuisement et les tensions, je n'ai à ce
jour qu'un seul regret à formuler. Un regret à l'adresse de "mon" champ
scientifique (plus exactement à l'endroit de celles et ceux qui le représentent et "l'incarnent"), également nommé 71ème section, ou "sciences de
l'information et de la communication". Un champ dont les instances
(CNU), dont les sociétés savantes (SFSIC) et dont les acteurs ont (une
nouvelle fois ?) fait preuve d'un assourdissant silence. Elle ne fut certes pas la seule à avoir sorti les silencieux au bout du calibre, mais le fait est qu'elle était probablement (et en un sens légitimement au regard de son histoire scientifique) plus que d'autres attendue sur ce terrain. Bref, pendant que
les universités étaient au coeur de la tourmente, pendant que le
contrat doctoral unique était au coeur des plateformes de
revendications, la SFSIC tenait congrès
et ouvrait ses "journées doctorales" en se positionnant de la sorte
: "Alain Kiyindou, président de la SFSIC puis Isabelle Pailliart,
directrice du GRESEC ont ensuite souhaité la bienvenue aux
participants. Le contexte actuel de réforme de l’université a été
rappelé et l’organisation de ces journées durant cette difficile
période de conflit saluée." C'est sobre. D'une aride sobriété (en même temps c'est vrai que je n'y étais pas aux journées doctorales, et que peut-être derrière la sobriété du compte-rendu furent tenus de vifs et passionnés débats … mais j'ai comme un doute). C'est bête mais quand on regarde l'héritage
de ce champ scientifique, on se dit que nombre de ses initiateurs
doivent être en train de faire la toupie dans leur tombe. Alors
définitivement oui, l'invisibilité doctrinaire des sciences de
l'information et de la communication dans un conflit qui méritait à
tout le moins que l'on mobilise ladite doctrine pour produire un
certain nombre d'analyses et mettre en perspective un certain nombre de
faits, cette invisibilité là restera comme un regret. Heureusement des sociologues, des historiens, des linguistes, des philosophes ont amené dans l'horizon du débat de précieux acquis disciplinaires. Mais des SIC, rien ou si peu. On avait déjà de toute façon perdu la trace de la 71ème section dans les méandres de l'AERES, la SFSIC et la CNU viennent à mon avis de louper une belle occasion de la faire sortir de son état gazeux. (et moi je viens de me faire plein de nouveaux amis 🙂 Il reste heureusement en ce champ comme en d'autres quelques heureuses marges d'indiscipline.
Allez, maintenant faut que je vous laisse, j'ai un blog de lutte à nourrir 🙂
(Temps de rédaction de ce billet : offert. – comptez à la louche 5 heures)
Bonjour
a contrario des messages injurieux… ça vous avancera pas beaucoup mais je vous trouve votre blog fort salutaire !
En passant également, je vous ai eu en cours à l’époque de l’URFIST et votre enseignement était impec!
bye
Un oublie dans les portails style Netvibes http://www.eurowiki.com/start/ plutôt orienté (pour l’instant) fac; alors que agnationale.com s’oriente toute étducation.
Trab > merci, c’est gentil 🙂
P.S. : pour l’urfist c’était à quelle occasion ? Formation de formateur ? CIES ? DESS ?
SloYvY> J’ai mentionné les portails Netvibes dans mon billet (mais j’ai ajouté le lien vers AGnationale, ainsi que celui vers le Wiki) 🙂
A chaque fois que je lis un billet d’Olivier, je le sens un peu moins con…
Là il y a quand même une question qui me travaille; Qu’est-ce qui fait que tu te soit retrouvé tout seul à t’appuyer tout le boulot… Les gens autour de toi étaient des manchots?
Ou alors peut-on dire que s’occupper des outils est dégradant pour les intellos que vous êtes…
Je trouve que c’est un vrai pb, pourquoi dans toutes action militante, c’est untout petit nombre qui se cogne le travail de soutier comme tu dis???
Et qu’est-ce que ça dit sur la nature même du mouvement…
Encore Merci pour ce boulot de dingue, mais penses à toi à tes proches…
De quoi je me mêle !!!
André
Oups! il fallait lire je “me” sens un peu moins con !!!!
Désolé !
André> sur ta question : “Qu’est-ce qui fait que tu te soit retrouvé tout seul à t’appuyer tout le boulot… Les gens autour de toi étaient des manchots? Ou alors peut-on dire que s’occupper des outils est dégradant pour les intellos que vous êtes…”
JE N’AI PAS ETE TOUT SEUL à me cogner tout le boulot de soutier. J’ai été le soutier du site de la coord. nationale (et donc le soutier le plus “visible”) mais je te rappelle comme je l’indique dans mon billet qu’il y a eu PLEIN de blogs dans chaque fac, dans chaque labo, dans chaque collectif, et que chacun d’eux avait son ou ses soutiers 🙂
D’autre part il y a heureusement différentes catégories de soutiers :
– les soutiers du web
– les soutiers des manifs
– les soutiers des AG
– les soutiers de la négociation syndicale
– et quelques autres encore …
En revanche, si on additionne tous ces soutiers et si on compare à l’ensemble des enseignants-chercheurs en exercice, on arrive à ta deuxième question : “pourquoi dans toutes action militante, c’est untout petit nombre qui se cogne le travail de soutier comme tu dis???”
Et cette question là elle restera pour encore longtemps in des grands mystères de l’humanité. A partir d’une certaine masse critique, et dans tout collectif humain, il existe toujours un rapport de 80-20. 80% de “suiveurs” et 20% “d’acteurs”. C’est un phénomène très ancien et que l’on retrouve également quand on observe les phénomènes de coopération sur des sites comme Wikipédia.
Voilà. (et merci pour le reste de ton commentaire … dont la première faute de frappe m’a bien fait rigoler :-)))
Bonjour
Pour l’URFIST : c’était une formation sur la création de pages WEB dans le cadre des écoles doctorales, il y a 4 ou 5 ans.
Bon courage pour la suite
Trab
Salut, et merci, d’un soutier à un autre soutier !
Je partage ton écœurement vis à vis du silence des sciences de l’information et de la communication, trop occupées à prétendre à l’ “excellence” (ce poncif technocratique) pour tenir compte de leur héritage critique et autrefois frondeur (Barthes, Escarpit, Habermas, Miège, etc.). Aujourd’hui, à de rares exceptions près, les SIC donnent l’image d’une discipline de bureaucrates sans idées, dépolitisés, veules et au service des pouvoirs : c’est bien triste, et ce n’est pas notre vision des SIC. Heureusement, dans les marges, nous sommes quelques uns à croire encore à la vocation critique (au sens tout simple de la capacité à prendre de la distance) de notre discipline. Mais de toute évidence, ce n’est pas dans ses institutions actuelles qu’une pensée audacieuse brille : certains ont préféré éteindre les Lumières pour rayer les parquets cirés des ministères de leurs dents longues, ou pour rejoindre la cohorte des bureaucrate grisâtres de l’étouffoir technocratique. Paix à leurs âmes, live & let die…
Amicalement