Juste une question de Tempo.

PASSÉ

  • Le 27 Novembre 2005 je rédige sur mon blog établi scientifique un billet qui "acte" la dérive des continents documentaires, une petite théorie dont l'exploration me permettra d'un peu théoriser le caractère aujourd'hui indexable de l'être humain.
  • le 17 décembre 2007, je présente au CNAM dans le cadre d'un séminaire sur les réseaux sociaux une communication scientifique dont l'intitulé est : « L'homme est un document comme les autres : redocumentarisation et indexabilité au-delà des réseaux sociaux » (disponible ici)
  • Fin février 2008 je suis contacté par une collègue qui prépare la coordination d'un numéro de la revue Hermès sur la question de "l'identité numérique" et me demande de lui faire une proposition d'article sur la trame de ma présentation au CNAM.
  • Le 2 Mai 2008 j'envoie à la revue Hermès un résumé pour une proposition de communication sur ce thème. Proposition acceptée
  • Le 1er Juin 2008 j'envoie à Hermès la proposition d'article définitif.
  • Le 29 Septembre 2008, après quelques aller-retour avec le secrétariat de la revue, l'article a franchi les étapes de l'évaluation et est accepté dans sa forme définitive. 

PRÉSENT

  • Le 10 Avril 2009 paraît le numéro 53 de la revue Hermès, contenant ledit article sous le titre :  "L'homme, un document comme les autres". 25 euros.
  • (Rappel légèrement hors-sujet : l'auteur – moi – ne touche rien. Le 25 euros servent à couvrir les frais d'édition et – dans certains cas – de secrétariat de rédaction. Le referees – relecteurs – non plus ne sont pas payés … je ne précise pas cela pour vous mais pour mon ami Christophe Barbier qui croit qu'on est tout le temps payé, même quand on fait grève)
  • Accompagnant la livraison de "mon exemplaire auteur", le courrier reçu
    du secrétariat de rédaction de la revue Hermès, daté du 10 Avril 2009
    stipule : "Dans 2 ans, votre article sera mis en ligne sur Internet
    (sur le site de l'Inist), de même que les articles des autres
    contributeurs du n°53 (et que l'ensemble des autres numéros d'Hermès).
    Cela afin de diffuser les résultats de vos recherches le plus largement
    possible
    .(sic)"

FUTUR

  • 10 Avril 2011 : mon article, présenté sous forme de séminaire en décembre 2007, rédigé dans sa forme finale en Septembre 2008, publié en Avril 2009 dans une revue papier est disponible sur Internet en Avril 2011 … soit 4 ans plus tard. 

De Décembre 2007 à Avril 2011. J'ignore si en Avril 2011 l'homme sera, ou non, un document comme les autres. Ce que je sais c'est que comme JE ne suis pas payé pour écrire cet article, comme JE ne touche aucun poucentage sur les ventes, comme IL s'agit de recherche "publique", comme ILS (les referees et coordinateurs scientifiques de la publication) ne sont pas payés non plus, IL devrait être possible pour l'organisme public qu'est le CNRS (au travers de sa maison d'édition, CNRSéditions) de trouver de quoi payer l'impression, les frais du secrétariat de rédaction de la revue Hermès, ainsi que la diffusion minimale de la même revue. Plus précisément, concernant les résultats de la recherche PUBLIQUE, je trouve qu'il est un peu dommage que la revue Hermès – qui est dans notre champ une référence – n'offre pas à ses auteurs la possibilité, a minima, de déposer les métadonnées de l'article et la version préprint (= la version initialement soumise AVANT les aller-retour éditoriaux entre les reviewers, l'auteur et/ou le secrétariat de rédaction) dans une archive ouverte. D'autant que côté Archives Ouvertes au CNRS, y'a pas non plus à chercher très loin pour en trouver une

Chacun sa route, chacun son chemin
.
… Le travail du chercheur est de creuser inlassablement certains sillons : dans son laboratoire, sur sa paillasse, dans sa cuisine, et parfois même sur son blog. Ce qui, pour la problématique essentielle de l'article publié par la revue Hermès, est le cas depuis environ fin 2005.
… Le rôle des conférences scientifiques est de permettre de présenter une vision un tant soit peu élaborée de ce patient labourage, devant ses pairs. Et d'en débattre. Et d'y nouer des contacts. Et d'y donner l'essor à des projets de publication scientifique (entre autres). Rôle ici joué par le séminaire du CNAM.
… Le rôle des éditeurs scientifiques est de stabiliser et de fixer les connaissances dans le cadre strict de l'évaluation par les pairs. Rôle ici joué par la revue Hermès. Mais ce rôle est aussi, me semble-t-il, d'en assurer la diffusion la plus large possible, sinon auprès du grand public, à tout le moins auprès des communautés scientifiques possiblement concernées (en évitant si possible certaines pratiques mafieuses). Communautés de plus en plus large du fait de la transdisciplinarité de plus en plus fondamentale (et en un sens fondatrice) qui traverse l'ensemble des connaissances produites aujourd'hui. Cette dernière mission (diffusion la plus large possible) paraît a fortiori naturelle quand l'éditeur est également un organisme de recherche publique, le CNRS en l'occurence pour la revue Hermès.

Si, si. C'est possible. (Et ça c'est cadeau).
Il est aujourd'hui techniquement et contractuellement possible de diffuser dès sa parution un article scientifique. Trop peu d'auteurs le font pourtant. Les raisons sont nombreuses : frilosité des éditeurs à leur signaler cette possibilité, idées reçues et poncifs entretenus, ignorance des enjeux et des moyens, manque de temps, de formation, etc … Pourtant des revues (DOAJ), des institutions au double sens du terme (MIT) et des universités partout dans le monde (en belgique notamment) sont de plus en plus nombreuses à donner l'exemple.

Juste une question de tempo.
La question des modèles économiques de l'édition scientifique universitaire est une chose. Le droit au libre accès immédiat aux résultats de la recherche financée sur fonds publics en est une autre, et ce indépendamment même des questions (par ailleurs importantes) de visibilité institutionnelle ou de carrière personnelle. Comme autant de variations sur un même thème il est autant de problèmes connus que de solutions possibles : embargo, barrière flottante, dépôt immédiat des métadonnées pour en permettre le moissonnage, obligation de dépôt en archives institutionnelles (quand les universités en possèdent une …), et quelques autres (variantes) encore. Et comme le dit la vieille devise Shadock : "S'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème". Mais là n'est pas à mon sens la question essentielle. La question n'est d'ailleurs même plus de savoir combien de temps encore ce tempo là de la publication scientifique
sera raisonnablement acceptable, économiquement rentable et épistémologiquement cohérent. La question est ailleurs. La question est celle du tempo.
Le tempo des auteurs à l'heure de leur immédiat de recherche. 
Le tempo des éditeurs et diffuseurs à l'heure de l'in-média.
La question est celle de savoir si oui ou non on décide aujourd'hui de délibérement priver le champ scientifique des possibilités offertes d'une transmission et d'une fabrication de la science in medias res.

Hermes

<Update de qques jours plus tard> Voir également :

</Update>

(Temps de rédaction de ce billet : 3 heures)

7 commentaires pour “Juste une question de Tempo.

  1. Très amusante expérience.
    Mais il y a certaines revues, qui mêmes derrière une barrière payante, proposent leurs articles au format électronique (parfois à 15 euros l’article unitaire d’ailleurs !). Le problème que tu dénonces est donc spécifique à l’absence de politique éditoriale numérique de certaines revues : qui n’offrent pas d’accès en ligne à parution, ou n’autorisent pas de dépôt de preprint.
    Reste que les variantes pour lesquelles optent beaucoup de revues ne facilitent pas toujours l’accès libre, immédiat et intégral à l’article. Et dans ces trois adjectifs, se cache trois politiques différentes avec des obligations différentes. L’accès libre, gratuit, je pense que ce n’est pas nécessairement une priorité pour tous, pour autant que l’accès aux articles unitaires ne soit pas proposé à un tarif abhérent, comme c’est trop souvent le cas. L’accès intégral ou pas, comme tu le dis entre dans une autre catégorie, celle de l’indexation. Et on sait là que la demande d’indexation est forte, car elle importe sur les facteurs d’impacts et autres outils de mesure des chercheurs, des labos, des revues et des universités. De ce côté là, les chercheurs n’ont pas à transiger. Aucun délai n’est acceptable. Enfin, l’accès immédiat ou différé, aujourd’hui, dépend des politiques économiques des revues, alors que ce contexte économique ne devrait pas influer. Un article devrait être accessible immédiatement dès qu’il est éditorialisé (même d’une manière payante), sans même tenir compte de la date de parution de la revue papier : à quoi servent les délais d’attentes ? Pour quels raisons sont-ils mis en place ? Même les raisons économiques ne tiennent pas, puisqu’on pourrait tout à fait imaginer que les articles soient disponibles à l’achat en version numérique avant d’être disponible au format papier.
    Bref, je suis assez d’accord avec toi. On coupe aujourd’hui délibérément la science de ses capacités de transmission et de fabrication, pour des raisons qui ne sont ni économiques (puis qu’on pourrait vendre des articles immédiatement) ni scientifiques.

  2. Hubert> Hein ?! Quoi?! Un article de la prestigieuse revue Hermès en Archive Ouverte 2 ans avant le délai légal autorisé ?! Houlalalala. J’espère que ça ne va pas s’ébruiter. 😉

  3. Olivier, je comprends ton coup de gueule
    (je passe moi-même mon temps à préconiser la publication des articles de revue en ligne).
    Mais on pourrait inverser ton propos, et se réjouir que des auteurs et des sujets aussi « numériquement marqués » aient (enfin) droit de cité dans cette prestigieuse revue papier… C’est une accélération sans précédent de l’institution !
    Plus sérieusement, en plus des remarques très pertinentes de Jean-Michel Salaün, il faut aussi admettre qu’une revue fonctionne sur une logique de rassemblement et de capitalisation des articles. Elle est donc logiquement peu disposée à voir ses papiers s’envoler chacun de son côté. Sa plus-value, c’est son sommaire (sa somme), et pas seulement la diffusion ponctuelle de tel ou tel texte. En tant que coordinatrice du numéro, je tiens moi-même à ce que cet ensemble garde sa cohérence.
    Tout ceci étant dit, libre à chaque auteur de diffuser son papier comme il l’entend, par la bande (passante), comme toi et moi le faisons déjà…

  4. Louise> A mon avis ton argument de la cohérence ou de la somme (« summae ») ne tient pas : la cohérence pourrait être également préservée si l’ensemble des textes était disponible en archive ouverte 😉 Lesquelles archives disposent d’ailleurs de la possibilité de créer des « collections », c’est à dire de retrouver toutes les communications d’un colloque ou tous les articles d’un numéro de revue.
    Par ailleurs, je suis convaincu que le libre accès immédiat aux résultats de la science est aujourd’hui un combat de première importance, pour les chercheurs, leurs institutions … et « leurs » revues. Et je pense donc que l’on ne peut plus se contenter de « bricoler », chacun faisant ce que bon lui semble, avec ou malgré le contrat d’édition signé. Si l’on veut avancer, il FAUT tenir une position dure et systématique pour obliger les éditeurs et les revues à basculer vers l’open access. Et refuser d’y publier quand les mêmes éditeurs n’acceptent pas un addendum minimum au contrat d’édition addendum permettant à l’auteur de garder « quelques » droits sur SA production et la possibilité de l’archiver, dès publication, en archive ouverte.
    (c’est mon côté dangereux gauchiste assumé de l’open science 😉

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