NTAD : Soyons pragmatiques, n’ayons l’air de rien

A l'heure de l'économie de l'attention, à l'heure où de plus en plus d'étudiants sont "équipés" de micro-ordinateurs, se pose de plus en plus la question d'autoriser ou d'interdire l'usage desdits micro-ordinateurs pendant les cours à l'université.

Enseignant principalement en IUT j'ai la chance d'effectuer la plupart de mes cours avec des promotions assez peu nombreuses (60 étudiants au maximum). Promotions dans lesquelles les étudiants qui ouvrent leurs portables est de plus en plus grande. D'où débat avec les collègues : que faire ??

  • Interdire tout le temps ? Débile quand on prétend en même temps promouvoir une littératie numérique.
  • Autoriser tout le temps et sans condition ? Ingérable.
  • N'autoriser que pour certains cours ? Pas cohérent.
  • Mettre en place une charte ? Beurk. Je garde encore le souvenir nauséeux des chartes des salles informatiques qui vous décourageaient de toute tentative d'approche d'ordinateurs par ailleurs en nombre notablement insuffisant et tournant à la vitesse d'une idée dans les circonvolutions cérébrales de Frédéric Lefebvre (c'est à dire très lentement). Et puis de toute façon, les étudiants ne lisent pas les chartes.
  • Laisser chaque enseignant décider ? Pas cohérent.
  • Couper l'accès Wifi ? Je suis pas fan de la castration chimique. Et puis la couverture Wifi sur les campus est quand même l'un des principaux acquis sociaux de la communauté étudiante (et accessoirement enseignante lors de conférences parfois … euh … ronflantes)

Résultat des discussions, pas grand-chose mais des débats intéressants.

De mon côté, je suis plutôt adepte d'une ouverture maximale aux NTAD (nouvelles technologies de l'attention et de la distraction) : blog du cours, présence sur les réseaux sociaux, etc …

A ma connaissance toujours, peu d'universitaires se sont publiquement exprimés sur ces questions de "pratique", avec deux exceptions notables  :

  • André Gunthert : plutôt ni pour ni contre
  • Jean-Michel Salaün : assez clairement contre (de nombreux liens dans son billet et à l'appui de sa réflexion, notamment les toujours éclairantes synthèses d'Hubert Guillaud sur InternetActu)

Voilà donc le contrat que j'ai décidé de passer avec mes étudiants :

L'utilisation d'un micro-ordinateur pendant mes cours est autorisée aux conditions suivantes :

  • m'envoyer, à la fin du cours, un mail contenant (en fichier attaché) la prise de note du cours.
  • accepter, si la prise de note est jugée correcte, qu'elle soit (anonymisée puis) versée sur le blog du cours pour pouvoir être ainsi utile à d'autres (éventuellement absents ce jour-là ou momentanément distraits – car comme le rappelait Lao-Tseu-Point-Com, "point n'est besoin d'être connecté pour être distrait")
  • accepter que l'utilisation du portable pour le prochain cours soit soumise à une autorisation préalable en fonction du résultat de la prise de note transmise lors du cours précédent. 

Les avantages de ce contrat :

  • je pense que le nombre d'étudiants bossant "sur ordi" va considérablement se réduire 🙂
  • pour celles et ceux qui joueront le jeu cela permettra d'enrichir le blog du cours et aussi de les sensibiliser "pratiquement" à une certaine idée du "collectif" / "partage" / "travail collaboratif". Accessoirement, cela peut aussi permettre de valoriser le travail de certains.
  • me permettre de "mesurer" les points du cours qui passent bien et ceux qui passent … à la trappe

Les inconvénients :

  • ben … ça va me faire un peu de boulot en plus. Mais bon, on n'en est plus à ça près. Et pour une fois que ce sera pas du boulot administratif en plus 😉

Les limites :

  • le contrat ne vaut pour pour un nombre d'étudiants présent qui reste raisonnable. Si j'ai un cours en amphi demain avec 200 étudiants et qu'il y a 90 portables ouverts … A ce niveau-là il faudrait envisager une prise de note mais "réservée" sur un wiki commun (par exemple).

Et vous, quelles sont vos solutions ??

P.S. : le titre de ce billet est évidemment un clin d'oeil.

16 commentaires pour “NTAD : Soyons pragmatiques, n’ayons l’air de rien

  1. Bonjour,
    +1 pour le 1er commentaire, je recommande moi aussi Etherpad à mes collègues enseignants bien que n’ayant pas encore eu la possibilité de le tester en amphi ou TD (pas de wifi et/ou format du cours inadapté).
    L’idée de favoriser la prise de note sur micro est bonne, en revanche je ne proposerai pas un contrat tel que présenté dans ce billet. L’objectif est d’encourager tous les étudiants qui le peuvent (et le préfèrent) à utiliser le micro comme support pour la prise du cours, pas de les dissuader en leur indiquant que le portable représente plus de travail que celui qui vient sans mais ne note rien (voire bavarde l’essentiel du cours avec son voisin). Et je suis plus pour la prise de notes collaborative sans diffusion, cette dernière me parait être un obstacle supplémentaire à franchir pour les étudiants qui n’ont pas confiance en eux (et ils sont nombreux, surtout les bons).

  2. hum… pourquoi ne pas récupérer les notes prises avec un papier et un crayon aussi, tant que tu y es ? sinon il y a inégalité de traitement…
    😉

  3. @Marlened > probablement parce qu’il y a qque chose en moi qui dit que si on est un étudiant normalement constitué et avec du wifi dans la salle, on NE PEUT PAS s’empêcher de faire autre chose que d’écouter le prof et de prendre des notes. Mais y’a aussi qque chose en moi qui se dit que la prise de note sur ordi est effectivement une litératie numérique importante. Et donc je suis en butte à une double contrainte passablement agaçante. Et donc je me venge 🙂
    @Adrien & Clochix : j’utilise en effet Framapad (plutôt qu’étherpad), mais davantage dans un cadre de recherche avec des collègues. C’est vrai que ce serait interessant dans le cadre d’un cours mais d’un cours bien particulier, plus précisément dans le cadre d’un exercice. Pour la stricte prise de note du point de vue de « l’apprenant », je ne crois pas à la collaboration instantannée 🙂
    Quant à la diffusion, elle sera, je l’ai précisé, naturellement anonyme

  4. En ce qui me concerne, aucun contrôle sur les étudiants, qui prennent leur responsabilité du moment qu’ils ne dérangent pas le cours, mais il est vrai que je ne suis pas en premier cycle.
    Mon expérience de l’année 2010-2011 chez des M1 informaticiens est que le nombre de portables ouverts sur les tables a tendance à se réduire (après avoir fortement monté ces dernières années) au profit de papier / crayon + smartphone pour suivre les slides et facebook.
    J’ai l’impression que l’attention générale au cours est meilleure au final.
    Si les étudiants informaticiens ont de l’avance pour ce qui concerne la possession de smartphones, il est vraissemblable que quand tout le monde sera équipé il y aura un reflux de l’utilisation des ordinateurs portables en classe (qui sont tout simplement moins lourds dans les sacs).
    Pas encore vu arriver de tablettes types ipad, mais ça ne saurait tarder je pense.
    A suivre.

  5. @Yannick > Ayant aussi enseigné en M1, je reste assez peu convaincu par le « les étudiants, qui prennent leur responsabilité du moment qu’ils ne dérangent pas le cours ». C’est à la fois frustrant pour l’enseignant, troublant pour ceux qui suivent réellement le cours, et peu constructif pour ceux qui ne dérangent pas le cours.
    OK en revanche sur la montée en puissance des smartphones et autres tablettes dans un avenir proche

  6. je me demande si la prise de notes collaborative n’entrainerait pas une désertion des cours. les étudiants mettraient en place un système de prise de notes tournant. Au final le cours perdrait en dynamique.

  7. Mon truc : me promener parmi les étudiants qui se retrouvent à ce moment là sur le cours et non plus sur facebook. Avantage : cours plus dynamique et interactif. Inconvénient : quand je veux avancer un slide je suis obligé de revenir sur l’estrade, donc il me faudrait une télécommande à infrarouge 😉

  8. Je rejoins Marlène pour l’inégalité de traitement papier/ordi.
    Franchement, les étudiants n’ont pas attendu l’ordi pour se distraire en cours. Si je fais appel à mes souvenirs d’iut (Bordeaux) où aucun de nous n’avions d’ordinateur : nous faisions du chat par petits papiers, nous écrivions sur tout et n’importe quoi sauf le cours (courrier, récits farfelus avec le prof en anti-héros, etc), nous étions incollables pour les sudokus de 20minutes… C’était notre soupape de sécurité quand le temps était long mais qu’on ne pouvait pas dire à l’intervenant le fond de notre pensée.
    Ça ne veut pas dire pour autant qu’on ne prenait aucune note et nous avons tous du boulot aujourd’hui 🙂
    Pourquoi ne pas accorder la même liberté aux étudiants qui ont des PC ?
    Autre chose concernant les notes : pour moi, elles sont personnelles. J’abrège énormément, j’ai des codes bien à moi. Si quelqu’un me les demande, je dois passer beaucoup de temps à les retravailler pour qu’elles deviennent lisibles pour lui. Aujourd’hui encore, quand je publie sur mon blog les notes d’un JE, il y a une bonne heure de nettoyage des notes brutes.

  9. Je laisse toute liberté à mes étudiants de choisir leur support de prise de notes.
    Ne t’arrive-t-il pas de suivre une conférence, prendre des notes et lire en même temps ton courriel ? Moi oui, en fonction du niveau de concentration qui m’est nécessaire pour ma compréhension du propos. Je considère que les étudiants ont les mêmes facultés qu moi à adapter leur niveau de concentration selon le cours.
    Cela m’oblige aussi à faire le moins possible de magistral et à les mettre le plus possible en activité, y compris en utilisant les ordis (tchat, wiki, etherpad…), bref à repenser mes cours pour obliger les p’tits cerveaux à fumer le plus possible !

  10. Je reprends ici mon commentaire de chez Owni (il y aura une précision à la fin en réponse à ton twitt)
    (témoignage anonyme, avec fausse barbe et lunettes noires, voix modifiée électroniquement)
    J’ai 44 ans. Quand je faisais mes études, les PC portables et autres tablettes n’étaient que des rêves inaccessibles et financièrement, et même littéralement – un truc comme un iPad était à peine pensable.
    Le seul outil dont je disposais en cours, c’était mon cerveau. Je n’ai jamais pris de notes, je n’en prends toujours pas (Je vais y revenir).
    Mon petit computer embarqué d’un à peine kilogramme de couleur grise, donc, me suffisait. Il m’a déjà bien servi et n’a pas démérité, je crois.
    Personne ne contrôlait ce tas de cellules. Personne ne le pouvait, et toujours pas. Personne n’a donc jamais su (mais je vais le dire aujourd’hui – séquence aveu) que je n’écoutais pas grand chose (ça ne servait à rien, de suivre, on trouvait tout à la bibliothèque) mais que je regardais tout le temps par la fenêtre, et que je m’emmerdais énormément. Que je rêvais beaucoup, aussi.
    Si je fais le parallèle avec aujourd’hui : je ne prends toujours pas de notes (je me répète) parce que je sais que si j’ai besoin de quelque chose, je vais le trouver en ligne. Le savoir dont je dispose, il est exogène, il l’était déjà avant, de mon jeune temps, il l’est encore plus pour les (heureux) étudiants de maintenant.
    En fait, la seule chose dont j’ai toujours eu besoin, en plus du kilogramme gris embarqué, c’est de curiosité, de rêves, et de parvenir à nouer les deux ensembles.
    C’est peut-être juste cela qu’il faudrait ‘apprendre’ aux djeunes de maintenant, à être curieux et rêveurs.
    Le reste, ce n’est que de la technique qui sert nos rêves, ou pas.
    Signé X
    (fin de la vidéo)

    Tu as twitté en réponse « savoir exogène certes mais c’est précisément l’inverse, càd l’aspect endogène de l’engrammation (mémorisation) qui fait débat. »
    Ce à quoi je réponds : pas vraiment la peine de mémoriser, d’engrammer, dès l’instant où tu sais que c’est devenu inutile puisque ce que tu as besoin de te souvenir, c’est enregistré quelque part en dehors de toi.
    Il faut juste savoir où, ou bien savoir comment le retrouver, et évidemment, y avoir accès techniquement 🙂
    Le problème se déplace, en somme, non ?

  11. Ah, et pour répondre à ça twitté aussi « ‘apprendre’ aux djeunes de maintenant, à être curieux et rêveurs. » même pour ça on a besoin d’1 peu de leur attention 🙂 »
    Pas certain qu’il s’agisse d’attention – peut-être plus une question de leur apprendre à oser être en déséquilibre.
    Bon, c’est facile à dire, hein.

  12. Ce qui pourrait arriver, c’est une interrogation sur la notion même de prise de note: si quelques-uns, et des meilleurs, font la prise de note, pourquoi, diront-ils, le faire soi-même. Le blogue du cours aura capté l’essentiel, avec l’aval du prof 😉
    La prise de note est probablement très personnelle. Il faudra à mon avis construire le cours tout autour du partage/travail collaboratif ce qui est probablement intéressant, mais éreintant pour le professeur…

  13. j’ai trouvé une solution sans la chercher; j’ai intégré à l’évaluation d’un cours un « compte-rendu de TD » (seulement pour la partie TD, la partie CM est déjà en ligne avant le cours, son diaporama tout au moins); les étudiants volontaires (ceux qui ont choisi l’option CR-TD) doivent rendre pour la semaine suivante le CR du TD de la semaine précédente. Je ne me préoccupe plus de savoir s’il font autre chose sur leur ordi, du coup.
    En fait, avec les cours mis en ligne en semaine S-1, ceux qui ne veulent pas suivre ne viennent pas – mais mon constat, c’est que seuls ceux qui ne peuvent pas suivre, parce qu’ils bossent, en général, ne viennent pas (sauf bien sûr, les pas levés ce matin là, mais c’est indépendant du fait qu’ils aient un ordi ou non, et je n’ai pas constaté qu’il y ait un lien direct avec le fait que les cours soient en ligne ou pas – c’est plutôt 8h30 le problème, globalement!).

  14. Un peu tard pour se poser la question non?
    Depuis 2003 à la fac je travaille sur ordinateur pendant le cours. Je vérifie des références, approfondit certains points, reprend des articles lus pour interagir avec le prof etc etc.
    D’une part, il y à la possibilité d’empêcher l’accès à certains sites comme le font les collèges au CDI. Mais je pense que c’est une mauvaise idée en fac.
    L’étudiant qui passe son temps sur FB par ex n’est pas pire que celui qui dessine ou envoie des SMS et n’écoute pas et la sanction au final sera la même.
    A ce titre, je ne vois pas pourquoi ceux qui prennent l’ordinateur devraient PLUS que les autres vous reverser leur prise de note. Nombre d’étudiants ne prennent pas de notes à l’écrit et font d’autres choses. En philo, le jeu préféré était celui du cadavre exquis ou sinon, les étudiants faisaient leur dissertations des autres cours.
    Pour ma part, je n’ai jamais été aussi attentive en cours depuis que j’ai un PC et je prendrai votre initiative néanmoins intéressante comme une (autre) tentative de contrôle et une relation fondée sur un manque de confiance.
    Cette année, une prof a commencé son cours par me dire (j’étais la seule avec un ordi), « Oui alors fermez votre Facebook, y’en a marre ». Sauf que 1/ je n’avais pas accès à Internet, 2/Je ne paie pas 500 euros d’inscription pour aller sur Fb 3/Je suis du genre réactive en cours et 4/son cours n’étais pas irréprochable non plus.
    C’est pourquoi une note globale de participation me paraît nécessaire. Car, quand on écoute, on réagit nécessairement que l’on ait un ordinateur ou non. Et s’il faut des preuves d’attention et d’investissement, alors il me semble que c’est le seul moyen de vérifier.

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