20 ans et 3000 articles.

J’avoue que je ne l’avais même pas vu venir, c’est un signalement des ami.e.s de Framasoft qui a attiré mon attention sur le fait que mon dernier article était le … trois millième de ce blog. Blog ouvert en 2005, à l’occasion de mon premier poste de Maître de Conférences à l’université de Nantes, plus précisément à l’IUT de La Roche-sur-Yon.

Vingt ans et trois mille articles. Hé bé. Je crois que j’ai l’âge (53 piges) de me retourner un peu sur ces vingt ans.

Vingt ans et trois mille articles. Et avant cela une thèse avec une directrice formidable, Jo Link-Pezet, qui la première fit tomber tant de barrières, des représentations, et d’impossibles. Et qui la première posa sur moi le regard qui autorise, celui qui dit « c’est bon, tu peux y aller, cet espace est pour toi, va y porter tes idées et va y construire ta légitimité, et n’oublie pas tes combats ». Et qui en même temps m’apprit à n’être jamais dupe de tout ce qui pouvait s’y jouer de futile, de superficiel, d’artificiel et de toxique. Après cette thèse et pendant mon post-doc, la création d’un tout premier blog francophone collaboratif de veille scientifique avec les copains et copines du réseau des Urfist : « Urfist Info ». Blog depuis hébergé sur la plateforme d’OpenEdition.

Vingt ans et trois mille articles. Et 5 ou 6 livres avec, à une merveilleuse incartade près (chez Publie.net), l’autre merveilleuse chance et fidélité d’avoir eu un certain Hervé Le Crosnier qui le premier me convainquit que tout cela c’était très bien mais qu’il fallait aussi faire des livres.

Vingt ans et trois mille articles. Qui me virent toujours questionner les questions du numérique et l’écologie cognitive et informationnelle qu’il construit (ou détruit).

Vingt ans et trois mille articles. Avec quelques menaces de procès et tentatives d’intimidation (l’affaire Anne Franck notamment).

Vingt ans et trois mille articles. Et quelques renoncements, renoncement à publier dans des revues scientifiques (depuis déjà presque 10 ans), renoncement à trouver un laboratoire de recherche ailleurs qu’à quatre heures de route ou de train parce que Nantes Université a décidé (il y a déjà 10 ans) que les sciences de l’information et de la communication ne faisaient pas partie de sa « stratégie », et a laissé cela aux écoles privées qui s’en sont repues. Alors faire autrement, mais ne jamais cesser de faire. Et de la place qui est la mienne, dire, c’est faire. Alors dire.

Vingt ans et trois mille articles. Et l’octroi d’un ISSN qui est une petite fierté mal placée et essentiellement imbécile mais une petite fierté tout de même.

Vingt ans et trois mille articles. Avec très vite un éloignement des formes éditoriales historiques du « blogging », c’est à dire de simples et cours signalements de ressources vues ailleurs pour aller vers des formats plus longs. Souvent très très longs. Très.

Vingt ans et trois mille articles. Avec essentiellement des analyses, souvent denses et longues, et avec toujours le souci de d’abord organiser moi-même mon champ, mon horizon, mes lectures, ma veille, mes questionnements, et mon terrain de recherches. Et la surprise constante et renouvelée de voir l’intérêt suscité chez d’autres, universitaires, journalistes, ou d’autres rien de tout cela, d’autres, tout simplement. Avoir acquis en 20 ans et trois mille articles la certitude (et les preuves) que les textes, que mes textes, circulent et se sédimentent aussi ailleurs que sur ce blog.

Vingt ans et trois mille articles. Avec aussi des coups de gueule et des gros mots. De la colère et de l’indignation. Du trop plein. Souvent les articles les plus lus, les plus vus, les plus commentés, les plus repris mais qui représentent si peu sur les trois mille publiés, peut-être à peine une petite cinquantaine, et encore.

Vingt ans et trois mille articles. Et 5 ou 6 ministres d’état insulté.e.s mais qui, entre nous soit dit, le méritaient bien 🙂

 

Capture d’écran, autour de Novembre 2008 (via archive.org). Déjà énervé 😉

Vingt ans et trois mille articles. À construire « quelque chose ». Je confesse vingt ans après ne toujours pas savoir quoi précisément, pas vraiment une « oeuvre », pas vraiment une « présence », mais quelque chose entre les deux, en tout cas un lieu, une (safe) place, une adresse. Le vieux rêve du web.

Vingt ans et trois mille articles. Depuis l’origine sous licence Creative Commons et dont vous pouvez donc faire ce que vous voulez tant que vous me mentionnez comme auteur et n’en faites pas d’usage commercial.

Vingt ans et trois mille articles. Et au moins 4 époques du numérique traversées. Première époque. Celle où tenir un blog en étant universitaire vous ramenait mépris et quolibets. Celle où des mandarins (et pas mal de mandarines aussi) vous expliquaient que prendre ainsi la parole en ligne c’était … un suicide scientifique et d’une absence totale d’intérêt (si si je l’ai entendu j’vous jure). Deuxième époque. Celle des egotrips et classements Technorati ou Wikio des meilleurs blogueurs influents (où je figurais souvent dans un improbable top 50), de Loïc Le Meur en figure totémique de la caricature de l’entrepreneur numérique, et des invitations (que je refusais) dans divers cénacles ministériels et élyséens. C’était une époque épique (et nous n’avions déjà plus rien d’épique). Troisième époque. Celle de la normalisation, des communautés, des liens, des fils RSS et des agrégateurs, des « trackbacks », d’un écosystème vivant d’échanges du tout début et des premiers temps des réseaux sociaux avant qu’ils ne deviennent entièrement des « médias sociaux » et que tout cela ne se reconfigure entièrement. Quatrième époque. Celle aujourd’hui où si peu « tiennent » encore des blogs mais où tant d’autres vont vivre la connaissance en ligne et rendent possible son partage, sur Youtube, Instagram, Twitch, en podcast et partout finalement, dans des formes renouvelées, fécondes, stimulantes mais en lutte et en résistance contre l’écrasement de l’invisibilité et de la difficulté à donner à cela toute sa place.

Vingt ans et trois mille articles. And counting. Et des visites, et des pages « lues ». Ou en tout cas « vues ». Et 1 million (de pages vues, circa 2012). Et 2 millions (circa 2016). Et 3 millions (circa 2021). Et après j’ai arrêté de compter.

Vingt ans et trois mille articles. Cela fait 150 articles par an en moyenne. Presque un tous les trois jours. Une bonne douzaine par mois. Un vrai mi-temps en plus de tous les autres.

Vingt ans et trois mille articles. Et un déménagement. Un seul. Le nom de domaine reste le même (affordance.info) mais en Septembre 2022, changement de plateforme, et passage d’un croulant et en déshérance Typepad à un flambant WordPress porté et supporté par les copains et copines de l’indispensable association Framasoft. Merci à elles et eux.

Vingt ans et trois mille articles. Et puis surtout des rencontres, des échanges, numériques et à distance essentiellement mais tellement féconds, tellement inattendus (pour moi en tout cas). J’ai pu grâce à ce travail croiser, échanger, cheminer avant tant de gens précieux que jamais je n’aurais imaginé croiser et dont, surtout, jamais je n’aurais cru ou pu imaginer qu’ils puissent s’intéresser et apprécier ce que j’écrivais. Je ne vais pas vous les nommer toutes et tous mais hommage aux morts, et aux premiers et premières qui furent de ces rencontres, alors je pense souvent encore à Jean Véronis et à Louise Merzeau.

Vingt ans et trois mille articles. Et des cycles. L’impression de revivre des histoires déjà chroniquées, étudiées, racontées. Depuis plus de 20 ans que j’écris sur le numérique et ses enjeux, j’observe de plus en plus de récurrences. Par exemple les débats qui reviennent tous les 5 ans sur « faut-il interdire » (wikipédia, les réseaux sociaux, les écrans, l’IA …). Par exemple sur le rapport entrer le code et la loi (et comment on légifère ou pas à l’échelle internationale). Par exemple sur la question de l’anonymat en ligne. Par exemple sur la question, j’ai même envie de dire sur … « LA » question de la responsabilité algorithmique et l’éditorialisation (rappel : ce n’est jamais la faute des algorithmes pour la simple et bonne raison que les algorithmes sont toujours la décision de quelqu’un d’autre). Par exemple sur tout ce qui se passe aujourd’hui autour des sociétés et outils d’IA qui se nourrissent en prédation d’immenses corpus de textes sans jamais se soucier du droit d’auteur et de ce que ça change et va changer à l’échelle des industries culturelles : figurez-vous que c’est presqu’exactement la même chose que ce qui s’est passé il y a 20 ans avec l’arrivée de la numérisation des livres et le positionnement de Google sur ce marché ; bon là pour le coup l’histoire se répète d’une manière tellement troublante que je vais publier bientôt un article sur ce sujet 😉

Vingt ans et trois mille articles. C’est aussi un fichier texte (xml en fait) qui contient tout cela, et qui pèse son poids, un peu plus de 37 Mégas. Et qui est l’équivalent d’un livre de 13 047 pages. En 20 ans. Presque deux pages par jour. C’est beaucoup et si peu à la fois.

Vingt ans et trois mille articles. Une histoire commencée par ici : année 1, article 1.

Merci à toutes et tous pour l’intérêt porté. Merci surtout de vos lectures et de vos partages.

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